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Cette
communauté niçoise s' exprime tout d'abord dans un contexte
typiquement baroque.
L' importance de l' encadrement clérical ou
laïque est un phénomène frappant. Nice comptait 15 ordres
religieux, dont 11 situés à l ' intérieur de l' actuelle "
vieille ville ", ce qui donnait, à la date de 1754, 328 religieux
pour 16 000 habitants. Presque cent ans plus tard, vers 1836-1840, l'
effectif monastique n' avait guère diminué, tandis qu' on dénombrait
: 128 prêtes, 5 confraternités de pénitents, 18 pieuses associations
et 15 confréries de métiers. Faut-il alors s' étonner si Flaubert
mentionnait, dans les notes prises lors de son voyage de 1845 dans la
capitale du Comté, l' embryon de phrase : " Prêtes, moines
". Ce " monde de prêtes, moines et religieuses " (Vovelle ), dix fois supérieur à son homologue provençal à la veille
de la Révolution, était notamment alimenté par les familles
patriciennes; à travers leurs testaments, il apparaît que cent d'
entre elles fournissaient 114 clercs au début du XVIII e siècle et
encore 70 à sa fin. Dans la lignée des Alberti figurent six
ecclésiastiques pour trois laïques. Une gens notariale d ' Èze, les
Fighiera, n ' assura pas moins d'une trentaine de vocation dont 23
séculières ; beaucoup d' entre elles intéressèrent la capitale du
Comté durant deux siècles. Cagnoli Jean Joseph pouvait se
féliciter d'avoir trois hommes d' église parmi ses cinq enfants,
exactement comme Charles Cacchiardi; Jean-Louis Raiberti , quatre
religieux pour neuf héritiers,; Jean André Ribotti, deuxième comte de
Valdeblore, deux clarisses sur huit rejetons; tandis qu' Honoré
Grimaldi comptait un frère moine bénédictin de Saint-Pons et deux sœurs
moniales visitandines. Les Niçois se bousculaient également pour être
membres des confréries locales qui en totalisaient plusieurs milliers.
Le " bonhomme " Giraudi, expression vivante d' un tel état d'
esprit, plaçait ses écrits sous la protection de Marie et s'écriait
en parlant de Victor-Amédée II et de son épouse, sur le point de
quitter Nice pour Turin : " Que Dieu et la Vierge Très Sainte les
accompagnent ". Il nous introduit ainsi au second aspect de la foi
des Niçois : fortement attachée à la tradition médiévale et aux
canons tridentins qui la confirmaient, elle est peu réceptive à l'
égard des courants différents, voire antagonistes. En 1653, le conseil
communal n'avait-il pas choisi la Vierge de Laghet comme protectrice
immédiate de la ville contre " les guerres, pestes et autres
fléaux "? Celle de Cimiez était invoqué par Honoré Léotardi
pour vaincre l' usure dominante. Honoré Grimaldi, dont la bibliothèque
ne comptait pas moins de 79 titres religieux pour un total de 306,
était un autre dévot marial. La force de la tradition s'imposait
tellement que Paul Marie Cauvin, dans son Cursus Phylometaphysicus de
1692, illustra non seulement le thomisme le plus rigoureux mais les
méthodes scolastiques les plus archaïques. En déduire toutefois que
les chrétiens de Nice étaient absolument soumis aux autorités
religieuses, serait une erreur notoire. " Nous sommes les moins
obéissants des sujets, nous sommes de mauvais courtisans ",
avertissait l' abbé Bonifacy. Ainsi, Scaliero rapporte que, lorsqu'en
1792 les pères carmes déchaux chargés de la garde du sanctuaire de
Laghet s'enfuirent en Piémont avec l' argenterie et le mobilier, mais
en abandonnant la statue de Notre-Dame aux insultes des envahisseurs
français, toute la cité en fut horrifiée et les religieux
universellement réputés comme gens de rien et scandaleux. Déjà, en
pleine période des Lumières et du gallicanisme, les nissarts
demeuraient philojésuites ! Parmi la cohorte des religieux étudiés
n'y a-t-il pas six Jésuites : Alberti Jean André, Astria
Jean-Baptiste, Audiberti Camille Marie, Barla Jean-Baptiste, Guiglaris
Louis, Isnardi César ; pour cinq Dominicains : Audiffredi
Jean-Baptiste, Cauvin Paul Marie, De Gubernatis Jacinthe, De Orestis
Annibal Dominique, De Orestis François Octavien, et un Dominicain
devenu évêque : Mgr Astesan ; trois Bénédictains : Dom Benoît
Grimaldi, Gaspard Lascaris, Gaétan Verani Masin; deux Oratoriens :
Galletti et Jean-Pierre Papon; deux Visitandines : Marie Galléan et Sœur
Victoire Amédée Grimaldi ; un à deux titulaires parmi les différents
disciples du " Poverello " d' Assise ( Capucins : Jean André
Gioffredo et Ludovic Rostagni; Mineurs Réformés : Ange Auda et
Jérôme Barla; Minimes : J.B. Alberti de Strada et Mirapello;
Conventuels de Saint François : Ludovic Mainard; Franciscains :
Bonaventue Colombo; Réformés de Saint François : Alberti François )
et un Barnabite : François Louis Barelli, plus un membre de cet ordre
devenu évêque : Raymond Recrosio. Leotardi chanta Ignace de Loyola et
ses disciples dans " La foi consolée " et Jean André Alberti
célébrait saint François Xavier, pour le plus grand plaisir de leurs
compatriotes. Les ordres nés de la réforme catholique contribuèrent d'ailleurs largement à la forme moderne de renouvellement d' une telle
stabilité : le baroquisme. Ce type de sensibilité collective se
caractérisait par la profusion des pratiques, l' importance des gestes
et l(ostentation d' une religiosité qui s' extériorisait. Les entrées
d' évêques, par exemple, tenaient du carnaval sacré. La municipalité
niçoise allait saluer son nouveau pasteur à l' abbaye de Saint-Pons.
Pui elle le conduisait à la porte Pairolière, décorée aux armoiries
du prélat, un autel y étant dressé, orné de l' image de saint
Sébasten ou de Sainte Réparate. Monseigneur se mettait en selle sur un
cheval ou un mulet, la chape de drap d' or sur le dos, la mître en
tête, la crosse dans une main. Il prenait place sous un dais dont les
supports étaient tenus par de jeunes abbés et les cordons par quatre
consuls en costume officiel. Quand Mgr Recrosio, par humilité, entendit
marcher à pied sous le dais, le peuple, avide d' émotions, s' extasia
et s' attendri sur son compte : " Le pauvre homme ! A 70 ans § Si
fatigué § Et ces lourds habits et ce gros chapeau vert ! " Devant
la cathédrale, l' évêque était accueilli par les enfants costumés
en angelots, tandis que retentissaient les salves des petits mortiers ou
morteirets. D'autre part, ne décomptait-on pas dans Nice 70 jours de
fêtes annuelles, comportant 60 processions, durant le XVII e siècle ?
Là encore, Giraudi, témoin fidèle, nous raconte cet autre genre de
manifestation extravertie, à l'occasion du Corpus Domini, le 9 juin
1689 : " ... près de la Gabelle, on a fait le simulacre de la
décollation de saint Jean-Baptiste ... dans les rues plus larges on
avait placé des tentes. Les soldats du régiment des gardes rendaient
les honneurs. Le dimanche de l'octave, au soir, pendant la
procession de Saint-Jacques, leurs Altesses ont été également faire
le tour habituel; au lieu-dit de la Gabelle, on a reproduit la scène du
meurtre d'Holopherne par Judith pour la libération de la ville de
Béthulie, sa patrie".
L ' art et la littérature reflètent cette passion baroquisante. Dans son ouvrage
Il Campidoglio ardente,
Camille Marie Audiberti, encore un disciple de Loyola, décrit les
pompes funèbres organisées à l ' occasion du décès de Charles
Emmanuel II. Selon une tradition héritée des Romains, dit-il, elles
conféraient un aspect triomphal à un événement lugubre. A tel point,
affirme encore l ' auteur, que le " Dôme " de la cathédrale
Sainte-Réparate parut se transformer en " capitole ardent ",
en " théâtre de la splendeur ", où les fidèles étaient
invités à l ' émerveillement autant qu ' à la compassion. A la
limite, le spectateur pouvait connaître l ' extase dans une ambiance
extraordinaire : " Par vous, de merveille ivre est mon cœur
", confesse Charles Cristini, l ' âme éblouie par l ' étonnante
beauté des fêtes. Dans les livres sacrés et profane, domine
également la recherche de l ' effet, par la puissance d ' expression.
Le langage emphatique d 'un Jean André Alberti, parlant de Saint
François Xavier, " Hélas, le soleil entre dans la Maison de
Vénus, l ' agneau dans le lupanar, l ' ange dans Babylone ", a
été reproché, également, au père Guiglaris. Par méconnaissance du
baroque, on a critiqué de plus ce dernier pour l ' abus des
métaphores, des antithèses et des comparaisons poussées jusqu'aux
limites de la bienséance. Ne fallait-il pas plutôt parler d 'u n style
persuasif, visant à ébranler les auditeurs par des apostrophes
véhémentes, familières, comme cette fin de sermon sur la paix entre
les hommes : " Ne pensez pas d'échapper cette fois ! Oui ! Vous
pouvez donner cette paix et moi, je ne vous laisse aucun répit jusqu'à
ce que vous vouliez ce que vous pouvez ! ". De même, le théologal
Bottieri cherchait à émouvoir les fidèles par la puissance
évocatrice d' une poésie sacrée, quasi charnelle :
Comment sous ce fardeau écrasant ( de
la croix ) Enserré de liens Le corps teint par le sang ( Le Christ )
résistera-t-il ?
Émouvoir, pour mouvoir, transporter
et transformer les cœurs, dans maintes autres oeuvres apparaît ce
leitmotiv du mouvement et du changement, voire des transmutations. C'
est parfaitement visible dans l'Hommage du Paillon de
Jules Torrini. " Cette poésie exprime une vision du monde et c'est
d'abord, pour reprendre la célèbre expression de Jean Rousset, "
le royaume de Circé " c'est-à-dire celui des métamorphoses"
(Rémy Gasiglia ). Et le poème La Vite de François Alberti, dans son
chant second, ne comporte-t-il pas le récit d' un voyage qui mena
Radegonde Degrevorj de Turin à Nice, vers son époux Pierre Ricci baron
des Ferres, par Cuneo et Sospel ? Chaque cité y est symbolisée par un
cours d' eau : Stura, Bevera, l ' eau sans cesse en mouvement et en
devenir, " métaphore essentielle du temps qui passe", mais
encore miroir des images changeantes.
Au point d'aboutissement d'une
pareille dynamique, la capitale du Comté restait bien le centre
fondamental, auquel toute chose était ramenée. Quand l'abbé Pierre
Gioffredo publia sa Nicaea civitas monumenti illustrata ...,
il voulait être le premier à utiliser les monuments antiques locaux
pour expliquer le passé niçois, car " avant moi personne n'a
essayé de faire quelque chose pour notre berceau bien-aimé".
Certesil devait ajouter plus tard : " Entre les deux mon cœur
balance : si en effet Nice m'a donné le jour, Turin m' a fait ce que je
suis" ; mais son retour final au bercail indiquait, de manière
éloquente, où allaient ses préférences. Comme lui, beaucoup d'
écrivains racontèrent la première ville, à travers des discours
historiques (Honoré Pastorelli), des chroniques ( Giraudi et Scaliero
), voire des articles qui allaient servir de base aux futurs guides
touristiques, comme la rubrique " Nice ( ville )" insérée
par Charles Cristini dans le Dictionnaire de l'Encyclopédie
méthodique, paru en 1790. D'autres auteurs, et quelque soit le sujet,
tenaient à la célébrer, ne fût-ce que par un passage restreint, mais
dont la valeur significative, elle, n'avait pas de limite. Ainsi, aux
yeux de Camille Audiberti, elle présentait " tous les éléments
d'une grande Cité, hormis que d' être grande". Jean-Louis
Raiberti, qui savait s'exprimer en nissart, ne pouvait se dispenser dans
son Triomphe de la Paix, rédigé en langue italienne, d'
écrire : " L' Aigle est l' emblème de la Cité, patrie de l'auteur", ni d' accorder un rôle prophétique aux variations de la
" Fuon Santa" ( la Fontaine Sainte de la colline de Gairaut,
chère aux indigènes et réputée ne couler que rarement comme annonce
d' un malheur imminent). Luigi Andrioli devait faire encore mieux dans
sa Ségurane. Ce poème épique, consacré à l '
héroïne niçoise qui apparaît sous les traits d'une puissante amazone
que seul l 'amour pourra vaincre, ne manquait pas dans son chant second
de magnifier Nice, à travers tous ses enfants célèbres, même nés
bien après le siège de 1543 : Charles Louis Caissotti de
Sainte-Victoire, Jean Dominique Cassini ( qui n'est pas réellement
Niçoi), Jean Baptiste Cotta, Augustinien, Jérôme Marcel Roger
de Gubernatis, Jean Paul Lascaris, Alexandre Victor
Papacino d ' Antoni, Jean Charles Passeroni, Jean François Villar,
baron d' Entrevaux, constituant ainsi un abrégé des " Niçois
dans l'Histoire" ! Par un véritable phénomène symbolique de
contraction et de dilatation, un trait supplémentaire de la thématique
baroque, le microcosme niçois récapitulait l'univers, aux yeux de ses
habitants.
Malgré la secousse de la période
révolutionnaire et impériale qui vit le rattachement à la France du
premier département des Alpes-Maritimes, cette mentalité et ses modes
d' expression allaient maintenir presqu' intacts jusqu'en 1860 et même
accentuer leurs manifestations. Il faut parler d'épanouissement, dans
le domaine religieux, avec, par exemple, le renouveau des confréries
dont Rancher faisait partie. " Solidarité ( ou corps organiques
entièrement autogérés )... ce sont des associations composées de
laïcs et qui relèvent de l ' Ordinaire du lieu... Leur but est l'
exaltation du culte public. Leurs membres ne prononcent pas de vœux.
Ils
prennent l'habit en la forme religieuse". Cette orientation allait
de pair avec " un rôle très important de société de secours
mutuel et d ' assistance"; dans la capitale du Comté, gestion de
trois des cinq hôpitaux et des deux ou trois monts de piété locaux.
Or, dans cette ville, et malgré le décret de l'Assemblée Nationale
du 18 août 1793 supprimant ces pieuses organisations, l' effectif des
confraternités n ' avait pour ainsi dire pas varié entre la fin de l'Ancien Régime et les débuts de la Restauration : sa diminution de 7 à
4 ou 5 n'était qu' apparente, car, entre-temps, trois d'entre elles,
Saint-Esprit, Très-Saint-Nom-de-Jésus puis Très-Saint-Suaire se
réunirent en 1782 puis 1824 pour devenir " Les Rouges". C'est
à partir de cette ultime date que ces derniers entreprirent la
restauration de l'ancienne chapelle du Sénat qui, laissée à l'abandon, se dégradait et dont ils sont encore aujourd'hui les
propriétaires.
Il en est de même pour l '
Archiconfrérie de la Miséricorde qui racheta l'ancienne église
Saint-Gaétan, alors désaffectée. Le sanctuaire fut ouvert au public,
l 'an 1831. Les membres étaient " 70 frères environ qui
appartiennent tous à des familles nobles ou bourgeoise de la
ville". Mais l'Archiconfrérie des " Pénitents blanc
dite del Gonfalone ", inexactement raccordée aux seules classes
populaires, surpassait tout avec " 1800 frères ", alors
qu'elle en comptait seulement 800 en 1792 et que l'enquête de 1809 en
faisait apparaître 600. Elle poéra la révision de ses statuts de 1816
à 1818. Surtout, elle transféra son hôpital de la rue Pairolière
dans un terrain situé sur la grande route royale, hors la porte de
Turin ( actuelle avenue de la République ). Faut-il donc s' étonner de
voir, le 15 août 1852, lors de l'inauguration de l 'église du Voeu,
formulé par la municipalité niçoise contre la menace d' épidémie de
choléra-morbus, selon une tradition éprouvée, se répéter un de
" ces actes les plus voyants " de l'activité confraternelle,
c'est-à-dire une procession ? La fête " avait commencé dès la
veille de ce jour par un feu d'artifice tiré au centre de la place
Victoire, aux frais de la confrérie des pénitents bleus... Dans la
matinée du 15, la municipalité, représentée par le syndic, un
vice-syndic et trois conseillers municipaux, s'est rendue à la
Cathédrale, d'où l'on est sorti processionnellement pour inaugurer l'
église votive N.D. des Grâces. Le cortège était composé de
pénitents et pénitentes blancs, bleus, rouges y compris l'
intéressante confrérie des ensachées... " ( L'Avenir de Nice ,
n° 415 ).
Et de tels phénomènes culturels
perdurent jusqu'à nos jours. Les importantes manifestations qui ont
salué en 1985 le bicentenaire de la naissance de Rancher, le
rassemblement, par l' entremise de la Maintenance des confréries des
Pays de langue d' oc, le 17 mai 1987 à Saint-Etienne-de-Tinée, de
" trois cents pénitents environ ", en témoignent. Sursaut
archaïsant d' un passé révolu et qui se fossilise ? Ou signe des
temps et de l'histoire à méditer pour l'avenir ? La question reste
posée.
LES NIÇOIS ET L'HISTOIRE POLITIQUE
Cette sensibilité religieuse plus
ultramontaine que provenço-française a puissamment contribué à tisser
des liens étroits avec la monarchie piémontaise. Turin devint le pôle
d' attraction aussi bien des ambitieux de la carrière ecclésiastique
que la consécration des destinées des grandes familles niçoises. En
effet, les exigences de l ' État moderne, au regard d'un appareil
administratif efficient, entraînèrent la formation d'une solide
bourgeoisie d'officiers bureaucrates qui, au milieu du XVII siècle,
recouvrait la majeure partie des fonctions publiques dans les domaines
de la monarchie savoyarde et, durant les premières années du siècle
des Lumières, occupait 84% des échelons les plus élevés, comme 98%
des niveaux moyens et inférieurs.
à suivre ... à suivre ... à
suivre ... à suivre ... à suivre ... à suivre ... à suivre ... à
suivre ...
( Extrait du Texte " Les Niçois dans l' Histoire " de
Michel Derlange aux Éditions Privat Novembre 1988 )
HISTORIQUE DE LA CATHÉDRALE SAINTE-REPARATE DANS LE VIEUX NICE
Selon la tradition, Sainte-Réparate était une jeune fille
qui fut martyrisée au III e siècle, à l' âge de quinze ans, à
Césarée, sous l' Empereur Romain Dèce. D'après la légende, des
pêcheurs aperçurent une frêle embarcation de bois, ornée de palmes
et guidée par une colombe. A l'intérieur, sur un lit de roses et de
lys, et sous un voile, reposait la dépouille mortelle d' une jeune
fille.
C' est ainsi que naquit la dévotion à Sainte-Réparate,
patronne du Diocèse de Nice. La barque était survolée par deus anges,
ceux-là même qui donneront son nom à la Baie des Anges.
Une église placée sous son vocable fut édifiée à l '
ouest de la colline du château par la famille seigneuriale de Nice qui
en fit don, vers 1075 à l'abbaye bénédictine de Saint Pons. Déjà
siège d'une paroisse avant 1248, elle est agrandie en 1454.
Au XVI e siècle, la cathédrale Sainte-Marie, étant
insérée dans les nouvelles fortifications du château, l'évêque et
les chanoines décidèrent de s' établir dans la ville basse, la
vieille ville actuelle. L ' abbaye de Saint-Pons consentit à échanger
l' église Sainte-Réparate contre l' église Saint-Jaume : l'échange
prévu dès 1531 ne fut réalisé qu' en 1576, et en 1590 le siège
épiscopal fut transféré dans l'église Sainte-Réparate. Au milieu du
XVII e siècle, la paroisse est vétuste, et devenue trop petite : la
population a grandi et la paroisse est immense puisqu'elle couvre une
partie de la ville et toute la campagne niçoise. L'évêque Didier
Paletis décide alors de reconstruire et d'agrandir en même temps l
'église Sainte-Réparate.
Les plans du nouvel édifice furent dressés par l
'architecte niçois Jean_André Guiberto. Les travaux commencèrent en
1650, le lendemain de la fête de l ' Epiphanie. Malgré un effondrement
de la voûte, qui coûta la vie à Mgr de Paletis, les travaux furent
continués avec persévérance par ses successeurs : Mgr Solaro, Mgr
Della Chiesa et Mgr Provana . Si ces travaux avaient duré près de
cinquante ans, c'est que leur financement avait été très difficile;
il avait été assuré par l' évêque, les chanoines, la ville de Nice,
les princes de la Maison de Savoie, et les particuliers. En 1731, l'
évêque Recrosio commença le clocher qui est terminé en 1757 par
l'évêque Cantono. La façade datant de 1825 a été restaurée en
1980.
D 'une manière générale, la
cathédrale s'inspire de Saint-Pierre de Rome. Le dôme, couvert de
tuiles vernissées, constitue un des éléments les plus
caractéristiques du Vieux-Nice.
Le 14 juillet 1794, les portes
de Sainte-Réparate furent fermées et l'église devint le Temple de l
' Etre Suprême, dont le culte fut dédaigné par la population
niçoise. Elle fut rendue au culte le 30 mars 1795 et c'est le vicaire
général de Garidelli qui en reçu les clefs. Le Concordat lui redonna
son titre de Cathédrale, qu'elle a conservé. Le 30 mai 1949, à l
'occasion du 250 ème anniversaire de sa consécration, la cathédrale a
été élevée au rang de Basilique Mineure par le Pape Pie XII.
Désoramais, l'église-Mère du diocèse se prénomme :
BASILIQUE-CATHEDRALE SAINTE - MARIE - SAINTE - REPARATE
Le clocher longiligne du XVIII
e siècle, indépendant du bâtiment, abrite quatre cloches. Faisant
communier en une douce harmonie l' ocre tamisée et le vert amande, la
façade principale restaurée en 1980, flanquée de colonnes lisses,
parsemée de redondantes moulures dorées, abrite dans des niches au
sommet ovale, de saints personnages. Des peintures bleu ciel, des
angelots potelés, des statuts, des retables de stuc ou de marbre, des
boiseries, des tableaux, des chapelles latérales, remplissent un chœur
de forme pentagonale.
Une partie des reliques de
Sainte-Réparate, obtenue en 1060 par un Niçois, Rambaud Rostang, a
été déposée dans un oratoire bâti au pied de la colline, où s '
étalait la ville. Où sont passées les reliques? Sous la voûte de la
cathédrale Sainte-Réparate, l 'une des chapelles a contenu le
squelette entier de Saint Alexandre, martyr des premiers temps de la
chrétienté, persécuté par les Romains. Donné par le Pape Clément
XI, le corps du Saint se trouvait d ' abord au couvent des Dominicains,
à l ' emplacement de l'actuel Palais de Justice.
Transféré
à la cathédrale, il brûla entièrement le 25 décembre 1986, ainsi que
des tableaux de valeur, au cours d' un feu de crèche. La chapelle
depuis a été restaurée.
HISTORIQUE DE L ' ORGUE DE SAINTE-REPARATE
Dans la cathédrale qui
précédait l ' édifice actuel, élevé par André Guibert à partir de
1650, se trouvait un orgue dont le conseil de fabrique décide la
construction en 1601. Plusieurs instruments lui succédèrent, notamment
un Concone ( Turin ) en 1804, aujourd' hui dans l ' église Saint-Martin
- Saint Augustin, puis un très grand Serassi ( Bergame ) en 1847.
En 1901, le facteur d' orgue
suisse installé à Nice, Martella, élève de Cavaillé-Coll à Paris,
le reconstruit selon le style symphonique. Le buffet date aussi de 1901.
Il fut exécuté à Paris par Biais et Noiret selon un dessin de
Labrouste, architecte du diocèse de Nice.
C ' est une nouvelle reconstruction
qu' achève le facteur Robert Boisseau, en 1974 suivant le plan de
Pierre Cochereau, il ajoute un positif de dos, avec son buffet, augmente
le nombre de jeux de 42 à 69, et installe un quatrième clavier. L'instrument est de style français moderne.
Le Dôme et le clocher de la Cathédrale Sainte-Réparate
émergeant des toits de tuiles rouges du Vieux Nice.
Photo copyright DIACONESCO.TV - Nice Avril 2009 -
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