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22 février 2010

VOYAGE EN ITALIE SUITE 3 : ANECDOTES ITALIENNES de Fiorella GIOVANNI

Drapeau_Italie                  Fiorella GIOVANNI                                          

                      ANECDOTES ITALIENNES



VENISE 1995

Octobre 1995. Le dîner raté.

CAMPO_DE_VENISE

J’entrai dans un restaurant situé sur l’un des plus grands Campo de Venise. Ici, la restauration ferme tôt. Un serveur d’un certain âge m’accueillit, me passa le bras autour de la taille, m’appelant Signorina (mademoiselle). Je m’assis. Un autre serveur, m’apporta le menu. Je choisis un plat de lasagnes. Probablement congelées puis chauffées au four à micro-ondes, elles étaient insipides. Voici la demoiselle très mécontente  ! Le prix du plat ? Exorbitant. Je mangeai pour ne pas mourir de faim dans la nuit, avalai mon quart d’eau minérale "frizzante" (pétillante) et me levai pour payer à la caisse cherchant à gagner du temps. Le premier serveur me croisa  :

  • Vous êtes satisfaite ?

  • Pas du tout. On m’a donné un plat congelato !

  • Ma come congelato ? Impossibile !

  • Je n’ai pas le temps de discuter 3 heures !

  • Ma allora, au revoir.

  • J’aimerais ma monnaie par-dessus le marché !

Les vénitiens exèlent dans l’art de frapper financièrement ceux qui passent par leur ville. Toutes les marchandises arrivent par bateaux et porteurs : c’est vrai. L’élévation extravagante des prix est-elle réellement motivée pour le poisson, les légumes et les fruits de la lagune ?


La « Bella chiachierata » (On a bien discuté)

VAPORETTO2

J’étais en retard pour mon rendez-vous à l’École Internationale de la Graphique de San Stae. Pourquoi ? Mon œil avait aperçu une gondole à la proue sculptée exceptionnelle et des reflets flirtaient avec le fer de la gondole et les six barrettes représentant les six quartiers de Venise. Je voulus capter l’œuvre sur ma pellicule. Dans le vaporetto numéro 1, desservant le Grand Canal, un monde fou se pressait sur le pont. Je me glissai à l’entrée de la cabine de pilotage. La porte ouverte me fit découvrir un conducteur à lunettes de soleil alors que le ciel gris n’annonçait rien de bon. Je posai mon sac à l’entrée de la cabine.

  • Je n’ai pas l’intention de conduire le vaporetto ! dis-je au conducteur.

  • Combien de temps faut-il pour arriver à l'arrêt de S. Stae ?
  • Environ 20 minutes, Madame. Nous devons ralentir ces jours-ci à cause de l'eau basse.
  • Les vaporetti m’inquiètent. Je les évite car je n’aime pas l’eau. Certains me paraissent bien rouillés. Vous ne passez pas un coup de peinture de temps en temps ?

vaporetto

  • Vous parlez un italien impeccable. Compliments.
  • Merci à vous. Compliments pour cette langue merveilleuse. Le monde entier devrait s'exprimer en italien ...
  • Le conducteur s'arrêtait de parler, à chaque manoeuvre, pour aborder les pontons flottants. Il regardait dans ses rétroviseurs. Puis, la conversation reprenait.
  • D’où venez-vous Madame  ?

  • De Paris.

  • Ah Paris, c’est beau aussi. Quelle chance vous avez.

  • Je dois descendre à la prochaine n'est-ce pas ?
  • Oui San Stae arrive. Je suis ravi d’avoir fait votre connaissance, Madame. Nous avons fait « una bella chiachierata  !  » (on a bien discuté)

Décembre 1995. Dans le bus reliant l’aéroport Marco Polo à Venise.

VUE_AERIENNE_DE_VENISE

Deux jeunes français montèrent en demandant difficilement au conducteur :

  • Piazzale Roma ?

  • C’est l’autre bus, derrière celui-ci.

Les deux touristes quittèrent en fait le bus qui se rendait au Piazzale Roma, à l’entrée de Venise. Ils montèrent donc dans un autobus qui allait à Padoue ! Le chauffeur se vengeait-il des essais nucléaires en cours ? (La plupart des Italiens sont contre le nucléaire) ou exprima-t-il une fantaisie passagère ?


L’aqua alta (l’eau haute = la marée haute)

J’arrivai au ponton du piazzale Roma et demandai mon billet pour Accademia. Temps bas hivernal, sans luminosité. J’interrogeai l’employé :

  • L’eau haute est annoncée pour ces jours-ci ?

  • Oui, pour demain.

Pendant le trajet, selon mon habitude, j'engageai la conversation avec ma voisine :

  • Madame, nous aurons l’aqua alta demain ?

  • Ma no, ne vous inquiétez pas, ça n’est pas prévu en ce moment. D’ailleurs regardez, l’eau est très basse à la base des palais.


SUR LES TRACES DE THOMAS MANN

Octobre 1995.

CARTE_DE_L_ILE_DU_LIDO

J’embarquai à San Zaccaria dans le but de passer l’après-midi sur l’île du Lido. Elle sépare la lagune de la mer Adriatique. Les vénitiens y viennent en été pour la plage de sable et les bains de mer. Peu de temps auparavant, le film « Mort à Venise » m’avait fortement impressionnée. Un voile de brume enveloppait délicatement le paysage automnal.

Je fis tout d’abord un détour par la plage de l’Hôtel Les Bains. Le ciel gris teintait de la même couleur les vagues, l’eau, le sable. Des images du film de Visconti me revenaient en mémoire ainsi que l’atmosphère étrange, angoissante d’une Venise qui cache une épidémie de choléra. Belle histoire, traitée avec l’extrême délicatesse qu’exigeait le sujet à la fin du XIXe siècle, par un écrivain renommé puis par un metteur en scène célèbre. Le bruit des vagues rythmait le temps qui semblait ne pas s’écouler vraiment. Comme dans le film, des voix parvenaient jusqu’à moi. Pourtant, personne ne se promenait alentours. Seule une mouette, perchée sur un pieu enfoncé dans le sable surveillait ce décor nostalgique. Le brouillard et la mélancolie descendaient sur la mer.


L’Hôtel Les Bains :

HOTEL_DES_BAINS_DE_VENISE

Une architecture de pierre fin XIXème, imposante et riche, sa façade de 300 mètres de long, son parc rougissant sous l’automne, ses statues. A l’intérieur : ses lustres en verre de Murano, ses meubles anciens ... L’hôtel semblait désert. Je me dirigeai vers le bar.

  • Excusez-moi, puis-je rester là quelques heures afin de m’imprégner du décor, de l’ambiance  ? Je désire écrire quelques lignes sur les traces de Thomas Mann et j’ai particulièrement apprécié le film de Visconti.

  • Aucun problème Madame. Vous pouvez aller et venir dans l’hôtel comme il vous plaira. Ce sera un plaisir pour nous.

  • Je vous remercie pour votre amabilité. Un café ristretto (très serré) sera le bienvenu. Venise est une ville fatigante.

Je m’assis dans un fauteuil crapeau. Décoration de moulures aux tons abricot et ivoire et peintures en trompe-l'œil. Thomas Mann séjourna ici sept étés.

Je fis quelques pas et découvris une porte ouverte sur une immense salle dont les parois étaient recouvertes, en alternance, de boiseries et de glaces. Une salle de bal  ? Un homme en costume surveillait des travaux. Admirative, j’approchai doucement.

  • Signore, permettez-moi de savoir à quoi sert cette si belle salle. Je me souviens de l’avoir vue dans le film de Visconti.

  • C’est la salle des fêtes de l’hôtel, utilisée aussi comme salle de congrès. J’ai vu Visconti tourner le film « Mort à Venise » en 1970, apporter des meubles pour la circonstance. Je travaille ici depuis 1949. Vous vous intéressez à l’hôtel ?

  • J’écris un livre. J’aimerais parler de l’Hôtel Les bains. Je passe l’après-midi ici dans ce but.

  • Venez avec moi, Madame, je vais vous faire découvrir la plus belle vue, au 5ème étage.

Nous montâmes par le large escalier central revêtu d’épais tapis. La rampe de fer forgé s’envolait vers les étages. Il m’ouvrit une fenêtre qui donnait sur Venise. On apercevait le campanile de la place Sain Marc dans la « nebbiolina » (brouillard). En dessous de nous, dans le parc, les arbres roussissaient. Nous échangeâmes nos cartes de visite.

  • Madame, savez-vous que peu de gens s’intéressent au passé, nous n’en voyons jamais. S’il vous manque des informations, contactez-moi.

Je retournai à ma table, écrivis quelques notes et commandai un jus d’orange frais. La luminosité commençait à baisser. Vers 17 heures, des touristes se présentèrent dans des tenues qui respectaient bien peu l’élégance de l’architecture.

Je quittai le XIXème siècle et traversai à pieds l’île du Lido, l’une des bandes de terre qui protège la cité des Doges. Le vaporetto stationnait devant l’embarcadère, au bout de l’artère commerçante de l’île. Depuis le pont du bateau, un spectacle imprévu m’accueillit : l’eau, d’un bleu sombre et lumineux se rayait du reflet orangé des faisceaux de lumières projetés par des fanaux posés sur « le bricole » (les pieux) délimitant le chenal. Le ciel ? Du même bleu intense. Dans le soir, les lumières de la Place Saint Marc et de Riva Schiavoni. Un bateau de croisières, tous hublots éclairés, longeait la Piazzetta (place entre le Palais des Doges et le campanile).

Je descendis à San Zaccaria, près de l’hôtel Danieli. Pour le dîner, je choisis la Trattoria Da Vincenzo à Castello, située dans les ruelles derrière la basilique Saint Marc. Le serveur parlait gentiment. Je lui fis confiance, espérant ne pas renouveler la malheureuse expérience de la veille au soir. Il me proposa un plat de crabes frits, sans carapaces en période de mue, accompagnés d'une « polentina » (petite polente). J’appréciai les crustacés et fis transmettre mes compliments au chef.

Place Saint Marc, campo Santa Maria Del Giglio puis le campo Santo Stefano et le pont Accademia. Devant le musée des beaux arts, je pris la ruelle à droite qui passe devant le cinéma « Accademia » pour rejoindre le canal San Trovaso. Les charmes de mon palais XVIIe m’attendaient. Trois lanternes éclairaient la porte d’entrée et la cour de l’hôtel où des statues de terre cuites se dissimulaient dans la verdure. De hautes fenêtres gothiques allégeaient l’esthétique de la façade. A l’intérieur : poutres ancestrales, lustres de verre de Murano, meubles anciens et tableaux contemporains. Depuis ma fenêtre, je pouvais voir le trafic des barques à moteur allant et venant.


INTERVIEW A LA  SCUOLA  GRANDE  SAN  ROCCO

Octobre 1995.

LES_CHATS_DOMESTIQUES


Je quittai l’hôtel pour me rendre, sans rendez-vous, à la Scuola Grande San Rocco. M’accepterait-on ? Sur le campo, une dame donnait à manger à un groupe de chats sortis d’un jardin dissimulé derrière une grille.

  • Chaque jour à 17 heures, je suis là avec mes gamelles. Ces bêtes m’attendent. Ils ont une pendule dans l’estomac. Ils sont toute ma vie. Je leur dédie mes économies et ils me le rendent bien, Madame.

  • Comme je vous comprends ! Les chats sont des bêtes intelligentes. Un chat m’a sauvée quand j’étais petite.

La Scuola Grande fermait à 17h30. Je saluai la « mamma-gatti » (maman-chats).

À l’entrée du musée, j’expliquai à un jeune homme que j’aimerais rencontrer un responsable.

  • Suivez-moi, Madame, je vous présente tout de suite.

Il me conduisit au rez-de-chaussée dans une salle aux de boiseries sombres.

  • Excusez-moi, Monsieur, j’arrive sans rendez-vous. Permettez moi de vous dire que j’ai beaucoup apprécié, en janvier dernier, pour l’ouverture de l’auditorium de la Cité de la Musique à Paris, un concert de Gabrieli Consort and Players, qui était la création de celui, donné ici en 1608, pour la fête de Saint Roc.

  • Oui, je sais Madame, ils sont venus le chanter ici le 16 août dernier.

Je répétai plusieurs fois :

  • Vous me dites vrai  ? Ils ont chanté ici comme en 1608 ? D’après les notes du voyageur Thomas Coryat ?

  • Oui. Une soirée de qualité.

  • Me permettriez-vous de voir la salle où eut lieu le concert en 1608. Je veux écrire quelques lignes à ce sujet.

  • Bien sûr. Nous vous y conduisons de suite.

L’accès à la salle supérieure se faisait par un large escalier de marbre blanc. Murs recouverts de peintures du Tintoret. Je reconnus les lieux décrits par le voyageur anglais : l’autel baroque, les lampions de verre devant les boiseries du pourtour de la salle, les peintures, la salle contiguë appelée l’albergo, le pavement de marbre de mille couleurs aux formes géométriques. Ces voix ... ici, dans la splendeur baroque !

J’avais acheté un billet pour le concert du soir même. Il avait lieu dans la salle inférieure. J’en parlai au conservateur. Il me permit d’arriver avant l’horaire afin que je puisse observer les détails de l’architecture de marbre.

J’ignore encore le patronyme de mon guide. Il n’aimait pas les cartes de visite.

Dehors, sur le campo, les chats finissaient leur plats. Un américain chantait des chansons des Beatles en s’accompagnant à la guitare devant la façade baroque de marbre blanc, rouge et vert.

Les « scuole » existèrent à Venise depuis le moyen-âge jusqu’à la chute de la république à la fin du XVIIIème siècle. Ces confréries laïques, placées sous la protection d’un saint comprenaient des membres ayant juré leur obéissance aux règles de ces Scuole. Elles obtenaient des dons importants et les utilisaient pour des œuvres de bienfaisance et l’aide aux membres malades. Annuellement, une fête grandiose, qui durait plusieurs jours, célébrait le saint de chaque confrérie. Il n’y avait pas d’office religieux mais des séances de réflexions, de la musique. Ces édifices sont devenus des musées. La Scuola San Rocco fonctionne encore actuellement partiellement.



IL RISTORANTE « ALLA MADONNA »

Octobre 1995. Quartier de Cannaregio.

QUARTIER_CANNAREGIO_A_VENISE

La patronne du restaurant m’invita. Elle perpétuait la cuisine vénitienne de ses ancêtres. Faire découvrir son restaurant au décor simple, les tables déjà utilisées par ses grands-parents dans les années 1950, les peintures contemporaines aux couleurs vives dédiées à la Sérénissime … une joie pour elle. Les vénitiens regrettent tous le passé, leurs carnavals, leurs réjouissances locales authentiques qu’ils essaient de garder entre-eux. Je les comprends tant.

La serveuse m’installa à une table sur le quai. Un léger voile opaque enveloppait le quartier, dissimulant le décor romantique. Je commandai du foie à la vénitienne garni de polente. Il était 14 heures 30 et mon estomac criait famine, après une matinée de marche et de photos. J’adressai quelques mots à mes jeunes voisins autrichiens. Un homme transforma le rebord de la fenêtre du restaurant en bar personnel. Il but debout en regardant autour de lui. Soudain, deux enfants blonds aux yeux bleus sortirent en courant. Ils lancèrent une bouteille de plastique dans le canal. Je voulus connaître la signification de leur geste.

  • Nous avons enfermé un message dans la bouteille.

Ils parlaient un italien stylé des beaux quartiers.

  • Vous êtes vénitiens ?

  • Nous vivons ici. Nous sommes originaires de Hollande.

La petite fille, très belle, voulait absolument expliquer l’histoire du message enfermé dans la bouteille. Le garçon lui, voulait prendre la direction du discours. J’interrogeai :

  • Que dit le message ?

  • « Je suis dans l’eau. Carlo, aide-moi. Je veux rentrer à la maison ».

Les enfants s’appelaient Stefano et Aurora. J’inventai que l’eau du canal Ormesini, s’écoulant très lentement, la bouteille arriverait difficilement jusqu’à New York. Quand la bora soufflera pendant Carnaval, le courant plus rapide propulsera la bouteille de Venise vers les buildings américains, via la Méditerranée et l’Atlantique. Les enfants pensaient que la bouteille croiserait d’énormes bateaux et des baleines rouges. Quel voyage !

Mon foie délicieux me donna quelques forces, accentuées par un tiramisu’ (gâteau) maison. Je remerciai et complimentai la patronne dans sa cuisine. Elle ne servait que les plats qui lui plaisaient, refusant une demande de client si cela lui chantait. Et puis, quand vient l’acqua alta ? Madame, nous rehaussons les tables, les chaises, le matériel. Nous sommes habitués. Nous continuons à servir, à vivre. Elle venait d’obtenir l’autorisation de la mairie pour la pose d’une balustrade le long du canal, devant son restaurant. Des enfants étrangers à la ville tombaient parfois dans l’eau, en courant, par manque d’habitude des lieux.

  • La ville est malcommode, Madame. Oui, nous profitons d’une certaine qualité de vie, de peu d’agressions, mais les inconvénients sont autres : le transport des paquets sur des diables à travers les ruelles, des bébés dans les poussettes avec toutes ces marches sur les ponts, les courses depuis la supérette ou le supermarché en terre ferme à rapporter à pieds, depuis les arrêts de vaporetti parfois éloignés, l’humidité continuelle, les rénovations permanentes.

Elle apporta un agenda où les clients artistes laissaient une pensée. Elle me demanda d’en faire autant. Nous échangeâmes des vœux pour Noël et la nouvelle année.



LES CASTRATS DE VIA GARIBALDI

Octobre 1995. Venise. Quartier populaire de Castello : le marché du samedi matin via Garibaldi, sous le soleil.

VIA_GARIBALDI_DE_VENISE

L’animation intense du marché hebdomadaire inspirait mon œil de photographe. Il se tenait sur la large rue principale du quartier, un ancien canal comblé. Des étalages de poissons, des fruits et des légumes. On y trouvait aussi des vêtements simples, des objets pour la maison. 12 h 30 : des ouvriers « en bleus » sortaient de leur travail pour déjeuner. Les petits cafés et les terrasses se remplissaient pour l’apéritif. Dans via Garibaldi, il existe encore de vieilles boutiques minuscules, parfois poussiéreuses, d’un style démodé, oublié des habitants des villes aux quartiers plus récents. Sur les bâtiments, les briques des murs apparaissaient à travers des zones de crépi délabré. Je notai sur les façades, l’enchevêtrement des fils électriques, les compteurs extérieurs. Pourtant, je n’imaginais pas un décor plus restauré pour ma ville-passion. Des sottoporteghi (ruelles étroites passant sous un immeuble) conduisaient à des cortili (cours). Du linge coloré y sèchait été comme hiver. Ces passages, aux allures de coupe-gorges, ne sont aucunement dangereux. Au bout de via Garibaldi, le canal ressortait. Le linge, suspendu entre les maisons, se transformait en reflets aux formes abstraites à la surface de l’eau. Des ménagères faisaient la queue au bateau épicier. Elles attendaient leur tour pour choisir des fruits et des légumes. 13 heures sonnèrent au campanile voisin : les boutiques commençaient à fermer. Les commerçants du marché remballaient. Dans la petite vitrine d’un boucher, un écriteau annonçait : aujourd’hui, castrats de chez nous. Passionnée par les castrats à la sortie du film « Farinelli », j’avais lu les livres concernant ce célèbre personnage. Le boucher nettoyait le sol de sa boutique.

  • Je ne savais pas qu’on castrait à nouveau à Venise ! Pourtant, ici, on reconnaissait aux femmes le droit de chanter à l’époque baroque. Les castrats donnèrent des spectacles à Venise comme ailleurs. Pourtant, fait incroyable, j’ai lu qu’un prêtre castrait à Venise.

  • Madame, ma boutique propose du mouton castré, notre spécialité locale !

Une dame de 83 ans, à qui j’avais parlé la veille au soir, ouvrait la porte de sa boutique d’une autre époque. Je la photographiai de dos. La devanture de bois réclamait un sérieux coup de vernis. La vitrine contenait des cartes postales aux couleurs fanées par le soleil, recouvertes de poussière. Elle me reconnut.

  • Me permettriez-vous de vous photographier dans votre boutique ?

  • Impossible. Il y a tant de poussière, dit-elle.

  • Madame, votre boutique est rare. Je recherche des lieux authentiques.

  • Non, laissez-moi. Je suis âgée.

Son fils arriva pour l’aider. Il me demanda de partir. Je m’éloignai.



LE LIVRET DE CAISSE D’ÉPARGNE AU PORTEUR

Octobre 1995.

Depuis Paris, je contactai le Président d’une importante association culturelle à Venise. Je pouvais participer à une exposition collective de son association en décembre prochain. Je me proposai comme responsable de leurs contacts culturels à Paris. Accepté. Pendant mon séjour automnal à Venise, le Président me reçut deux fois. Il envisageait de créer des cours d’italien pour étrangers. Un pourcentage du montant des inscriptions parisiennes, transmises par mes soins, me serait versé sur un carnet de caisse d’épargne au porteur. Les sommes figurant sur le carnet me permettraient de payer mon hôtel lors de mes déplacements. Pas de contrat écrit et un pourcentage fluctuant, inscrit sur des petits bouts de papier qui volaient à terre. La méthode me parut originale et peu fiable. De toute façon, mon agenda ne permettait pas une nouvelle charge.

  • Et, si au moment de régler l’hôtel, « un porteur » à vidé le carnet … dis-je.

Il ne répondit pas. Le soir même, voulant entendre sa réaction, je téléphonai à une amie italienne, pour conter l’histoire. La ligne ne résonnait que de silence. Elle articula finalement :

  • Laisse tomber !

J’avais compris de toute façon. Je téléphonai pourtant au portier de nuit de l’hôtel :

  • On me propose un livret de caisse d’épargne au porteur. Cela existe ici ?

  • Oui Madame, mais vous devriez demander un livret nominatif, c’est beaucoup plus sécurisant.



LE DEJEUNER CHEZ MARIE ET PIERRE
Octobre 1995.

LES_TOITS_DE_VENISE

Je rencontrai des Français, Marie et Jean, lors d’un rendez-vous. Ils enseignaient la sculpture et la photographie dans une école artistique internationale. Nous quittâmes l’école ensemble et ils m’invitèrent pour un verre de prosecco (vin blanc) sur le zinc du petit bar Vivaldi de San Polo. En fin de journée, il règne, dans ces petits bars à vins, une ambiance chaleureuse. La cacophonie des voix y explose. Nous rencontrâmes d’autres artistes dans les ruelles. Chacun commentait les nouvelles. Qui étais-je ? La soirée se prolongea par un plat de pâtes. Marie et Jean habitaient une grande mansarde près du pont de l’Académie. Depuis les quatre fenêtres de l’immense cuisine carrée, une superbe vue sur les toits de Venise, dans plusieurs directions et sur le pont de bois, franchis par les passants, pour rejoindre le Campo Santo Stefano. Dès la belle saison, Marie travaillait sur la vaste terrasse dominant la ruelle Foscarini menant au quai sud appelé «le Zattere».

Le jour de mon départ, je déjeunai chez eux. Trois musiciens vinrent de Padoue pour me rencontrer. A l’époque, j’organisais des concerts de musique classique. Ils voulaient jouer à Paris. La conversation, très animée, se focalisa sur les façons de pratiquer « à l’italienne ». Je suggérai à ce sujet quelques améliorations nécessaires. Mais comment réunir tout le monde à la même heure et le même jour devant le Quirinale à Rome pour agir, avança le pianiste. Les préoccupations de chacun : qui avec la copine, l’autre avec la musique et l’autre encore qui se repose ...

Il me fallut quitter la joyeuse bande et me rendre à l’hôtel. En fin d’après-midi, mon taxi d’eau remonta le Grand Canal, passa sous le pont du Rialto puis obliqua à droite à travers Cannaregio. Nous débouchâmes dans la lagune nord. Nous suivîmes le chenal et l’eau noire. La peur m’envahissait : l’eau. Les lumières de Fondamenta Nuove sombraient derrière moi. Je priais pour la vue sans failles du conducteur. L’heure se figeait sur le cadran de ma montre. Peur de l’eau. Les lumières de l’aéroport apparurent enfin au loin. Encore quelques minutes ... Attendre une place de parking flottant. Le taxi dansait comme une coque de noix.

Salle d’embarquement, décollage, des voisins japonais. Une heure trente après : le décor moderne des périphériques entre Roissy et Paris. Traverser les siècles ...

Les musiciens m’avaient donné un numéro de fax pour les contacter plus vite. Ils ne vinrent pas chercher mes courriers. Ils ne purent donc pas me répondre dans les délais. Le concert n’eut pas lieu.



LE VERNISSAGE FANTÔME

Décembre 1995.

QUARTIER_DE_SANTA_CROSE_VENISE

Tôt le samedi matin, je décidai de partir pour Venise et d’assister au vernissage de l’exposition collective à laquelle je participais. Il avait lieu le dimanche à 16 heures. Les grèves générales en France m’occasionnèrent plusieurs réservations de billets d’avion et de train, de chambres à Roissy afin de favoriser au maximum mon départ pour l’exposition. Des annulations furent ensuite nécessaires. Je partis dans la matinée même sur la compagnie Alitalia qui elle, fonctionnait normalement.

Arrivée à l’aéroport Marco Polo par un ciel bas. Je montai dans le bus desservant le Piazzale Roma, l’entrée de la ville. Le vaporetto numéro 1 me transporta jusqu’à l’arrêt San Tomà. Là, je descendis afin de repérer avec précision la Scuola dei Calegheri (l’École des Cordonniers), lieu du vernissage le lendemain. Étrange : aucune affiche n’annonçait l’événement. Délicieuse promenade à travers les ruelles jusqu’à mon hôtel du campo Santa Maria del Giglio dans le quartier Saint Marc. Quelques mètres séparaient ma fenêtre des murs du Palais Barbarigo.

Le dimanche matin, je confirmai mon arrivée au Président. Rendez-vous fixé à 16 heures au vernissage. Je lui fis confirmer le lieu : la Scuola dei Calegheri.

Au lieu et à l’heure convenus de la manifestation : pas de lumière, pas d’affiche. Je m’assis devant l’entrée principale de l’ancienne école devenue un centre culturel. Personne. Jean arriva. Marie ne pouvait se joindre à nous. Nous téléphonâmes au Président. Numéro continuellement occupé. Claudia et sa sœur se présentèrent puis l’ami bijoutier. Le ton monta, vu les circonstances. Une scène à l’italienne éclata : chacun apportait sa version et commentait  les faits. Tout le monde parlait en même temps. 16 heures : le vernissage commençait, mais où ? J’étais quand même venue exprès de Paris ... Quelqu’un appela le numéro personnel du Président. Sa femme répondit que le vernissage se tenait Calle Fava à la galerie de l’association, derrière Saint Siméon dans le quartier de Santa Croce.

  • Oui mais Saint Siméon le Grand ou le Petit ?                                                                                    

  • Saint Siméon-le-Petit, qui a le gros bulbe vert de l’autre côté du pont des Scalzi, devant la gare.

  • Les vénitiens connaissaient le labyrinthe. Nous prîmes le chemin le plus court. Nous arrivâmes vers 16 heures 30 à la galerie.

    • Et voici notre responsable parisienne, dit le fameux Président.

    Applaudissements des invités.

    • Bonjour Président, que s’est il passé ? dis-je discrètement.

    La question ne reçut pas de réponse. Le discours d’ouverture de l’exposition ? déjà prononcé. La critique d’art observait les œuvres afin d’écrire son article. Je vis tout à coup, en face de moi, mes deux photos aux tons doux fixées sur un fond rouge vermillon ! Mon Dieu, quel goût  délicat ! Comment était-ce possible que, dans une association d’artistes, tout le monde ne possédât pas au moins un minimum de notions esthétiques ? Serait-ce l’œuvre du « Presidente » ? Est-ce bien une association artistique ? Le cinéaste filmait encore. Un rafraîchissement attendait les invités. Je parlai avec différents exposants de leurs œuvres contemporaines de facture classique ou moderne, puis retournai vers mes amis.

    Vive l’organisation défaillante ... J’avais failli payer des frais importants de voyage et d’hôtel pour ne pas trouver le lieu du vernissage. Plus tard, je ne reçus pas à temps l’adresse d’un lieu d’exposition collective de cette association en Allemagne et la vidéo cassette du vernissage de Venise ne me parvint pas comme prévu.

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à suivre ... à suivre ... à suivre ... à suivre ... à suivre ... à suivre ...


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