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23 juin 2010

MAIS QUI EST REELLEMENT FRED FOREST ?

MAIS QUI EST REELLEMENT FRED FOREST ?

Le Territoire de FRED FOREST :

embarquement in médias

EXPO_FRED_FOREST_CHEZ_DEPARDIEU_BIS_010
photo Gérard Diaconesco

Entretien avec Eric MAILLET et Anne-Marie MORICE

Il est plus connu aujourd'hui pour ses performances avec les médias, et surtout avec l'internet. Souvent décriées. Et pourtant Fred Forest a été une figure importante de l'art des années 70-80, d'autant plus importante que controversée. Ses engagements souvent prémonitoires incitaient à considérer l'univers des médias et de la communication comme un champ de création au même titre que l'espace des musées et autres lieux d'art contemporain. Pourtant à l'époque peu de gens concevaient les réseaux en tant que lieu à part entière.

Notre ambition était de rappeler certaines de ces actions pour, en quelque sorte, réhabiliter cette démarche, souvent noyée par le bruit médiatique qu'elle engendrait par son principe même, et parfois masquée par la personnalité de l'artiste.

Nous lui avons donc laissé la parole dans ce long entretien mais il nous reste une insatisfaction. Celle de n'avoir pu obtenir quant à son travail sur l'internet d'arguments aussi solides que pour les travaux qui l'ont fait connaître. Nous restons donc persuadés qu'avec ses créations récentes, Fred Forest s'est de plus en plus lié à l'événementiel au point que sa démarche qui n'est pas sans évoquer les projets d'ambiance situationnistes peut laisser croire qu'il se moule dans ce qu'en attend le "spectaculaire intégré" qu'a repéré Guy Debord.

Nous avons soumis cet entretien avec ce préambule à Fred Forest et nous vous communiquons telle quelle sa réaction :

" Mon seul désir c'est de combler votre "insatisfaction" et de tenter d'apporter des éléments de réponse explicites à votre question.

Avant même de rentrer dans le vif du sujet qui est celui du rôle de l'événementiel dans notre société, je voudrais tordre le cou à certaines opinions et théories qui pour avoir été fondamentales, originales et décisives à leur origine, sont devenues au fil du temps des truismes qui encombrent, aujourd'hui, le discours politique, philosophique, artistique, esthétique, sans plus avoir forcément une grande adéquation avec la situation que nous vivons ici et maintenant. La situation de " l'explosion " (non-maîtrisée et exponentielle) des technologies de la communication dont celle de l'Internet. Il faut donc cesser de regarder le présent dans un rétroviseur, de même que de prédire l'avenir dans du marc de café. Ni Marx, ni Sartre, ni Kant, ni Duchamp, ni même Debord, véritablement, n'ont vécu le phénomène Internet. Que leur âme repose donc en paix...Il faut peut-être s'efforcer, aujourd'hui, de commencer par dépoussiérer notre pensée, aller chercher nos modèles ailleurs; et s'ils n'existent pas encore, s'essayer, voire s'empresser, alors, de les élaborer... avec bien sûr toute la prudence nécessaire requise. Avec toujours, présent à l'esprit, que les idées les plus brillantes, victimes de l'effet-mode, deviennent quelque fois à l'épreuve du temps des sentences ennuyeuses et vides de sens.

La société du spectacle, parlons-en ! Traduit sommairement, cela voudrait-il dire qu'un action comme celle que mène actuellement José Bové, après les résultats obtenus à Seatlle et Washington, participant de fait à la " societé du spectacle " par sa mediatisation, est inutile, voire " douteuse " ?

Allons, il faut être un peu sérieux, réaménager nos classiques, ou les remiser au vestiaire.
Pour en revenir maintenant à votre question, celle de l'événement dans ma démarche, je dirai que bien avant mon utilisation d'Internet, l'événementiel a été déjà, non seulement un support de mes actions, un facteur de diffusion et d'amplification critique, mais surtout un vecteur déterminant de " sens ". Certaines de mes actions, vous le savez bien, ont été significatives de ce point de vue, ne serait-ce que par les réactions répressives qu'elles ont suscitées. Cela prouve bien que l'événement au même titre que la peinture de Goya constitue une " matière " en soi qui peut-être " informée " et " véhiculée ", porteur de symboles, d'imaginaire et de sens critique. Un sens critique qui bât en brèche, justement, la société du spectacle elle-même, en utilisant ses propres armes.

Je ne pense pas que la contestation d'aujourd'hui puisse emprunter les formes de Mai 68, pas plus que l'expression artistique puisse rester limitée à la peinture, à la photo ou à l'installation d'objets telles qu'on peut le voir encore à la FIAC . Sur Internet l'art peut emprunter des formes d'expression, de détournement, de remise en question, plus subtiles. Attention un train peut en cacher un autre. Il ne faut pas s'en tenir au premier degré. Allez donc faire un tour sur pavu.com, vous m'en direz des nouvelles. Parcelle-Réseau, était aussi, en quelque sorte, un pavé lancé dans la mare de l'art contemporain et non pas seulement la première oeuvre numérique vendue sur Internet. Le fait d'utiliser Internet n'est pas l'essentiel en soi, n'est pas le seul " corps " de l'oeuvre , l'essentiel c'est le " dispositif " multimédia mis en oeuvre (croisé éventuellement avec des supports de communication traditionnels...) dont le résultat est un " événement-kyste " qui questionne et injecte du symbolique dans le corps social. Il y a sur Internet les laborieux du pixel comme il y avait hier les fanas de la touche peinte et du style. L'oeuvre d'un artiste comme moi doit s'appréhender globalement par les dispositifs qu'il conçoit et met en oeuvre, qui certes utilisent Internet mais pas seulement Internet. Internet souvent n'est qu'un des supports-éléments qui constitue l'oeuvre, sans plus. Vous me gratifiez, et je vous en suis gré, d'une certaine prémonition dans les année 80 pour ce qui se passe aujourd'hui... Je persiste donc et signe, fort de cet aval, en disant :

-Primo :Aucun artiste ne peut se prévaloir de ne faire toujours que des chefs d'oeuvre et je ne le prétends pas moi-même. C'est aux autres d'en juger. Collègues du net et de la Grande Chaumière un peu d'humilité...

-Secundo : Souvent on reconnaît en art que les choses sont intéressantes dix ou quinze ans plus tard, si ce n'est plus... J'en sais quelque chose, mais je n'ai jamais été pressé ! Après la communication tous azimuts des années 2 000 ( il y en a qui en sont encore aujourd'hui à la Beauté, les pauvres...) l'événement informationnel sera, peut-être, la forme la plus aboutie de l'esthétique...

-Tertio : c'est aux jeunes générations, désormais, de prendre la relève, de bosser, de galérer et de faire leurs preuves. On n'est pas là pour leur faire de l'ombre, ni jouer les cadors, mais simplement pour titiller le goujon au bord du ruisseau. Mais attention on considérera demain, peut-être, dans une société techno, entièrement déshumanisé, que c'était là que se trouvait le "grand " art !

Fred Forest "


Sites de Fred Forest 

Bibliographie de Fred Forest
dernier ouvrage paru :
Fonctionnements et dysfonctionnements de l'art contemporain, un procès pour l'exemple, l'Harmattan Paris, 2000.

AMM et EM : Nous avons imaginé pour cette interview faire la relation entre certains de tes travaux anciens qui nous ont semblé emblématiques et ce que tu fais aujourd'hui sur l'internet. Aux vues de certains de ces anciennes pièces, nous avons relevé des notions fortes, et constaté qu'il s'agissait d'axes très présents dans l'internet. Nous retenons quatre projets caractérisant quatre notions auxquelles tu t'attaches : la question de l'espace public, pour ton intervention à la XIIe Biennale de Sao Paulo en octobre 1973, la question de la participation, avec ton travail sur le Mètre carré artistique de 1977, la question du direct/différé, avec l'Archéologie du présent en 1974, et la question de la transaction, pour la vente publique de Vidéo portrait d'un collectionneur en temps réel en 1974. Ces axes se retrouvaient dans ce que tu appelles avec Mario Costa "l'Esthétique de la communication", mais les définissais-tu déjà comme ça à l'époque où tu les a réalisés ?
FF - Il y a deux étapes : l'Art sociologique et l'Esthétique de la communication, qui se confondent ensuite en une seule chose. Dans l'Art sociologique, il y a utilisation des technologies de l'époque, notamment la vidéo, il y a la participation, et cette notion de déplacement de l'art dans un autre espace, qui est l'espace urbain d'une part, et d'autre part l'espace de l'information, tous vecteurs de communication confondus. l'Art sociologique se situe entre les années 60 et 80, très marquées par 1968, privilégiant un changement de vie, le dialogue, l'échange, et la participation des publics. Frank Popper a écrit sur le sujet dans Art, participation, action que cette différence ou évolution vient du fait que l' action, la participation et l'échange ne se passent plus forcément dans un espace physique entre des êtres incarnés charnellement, mais à travers des vecteurs de communication, et aujourd'hui à travers les réseaux. l'Art sociologique est quand même un art engagé, de questionnement, aussi bien des institutions culturelles, que du politique. À partir des années 84, avec l'Esthétique de la communication marque une extension, elle questionne le rapport au monde de façon beaucoup plus large. Marshall McLuhan parle de prothèses qui prolongent notre corps, d'actions à distance, de présence à distance, de simultanéité, d'ubiquité. Vous avez évoqué l'Archéologie du présent à la rue Guénégaud, système de communication qui utilise la rue en la faisant glisser à l'intérieur de la Galerie Germain. Ici, le questionnement n'est pas d'ordre social, mais plutôt sur notre rapport au monde et de jeu avec le temps. C'était déjà de l'Esthétique de la communication et pas simplement de l'Art sociologique.
AMM - Quand tu parles d'Esthétique de la communication, c'est bien les systèmes de communication et d'information que tu veux donner à percevoir?
FF - Les artistes, à travers l'histoire de l'art, ont réalisé des objets symboliques en travaillant la matière. Après on a travaillé l'énergie, maintenant l'information. Quand on travaille avec la matière, c'est elle qui détient toutes les informations, on peut tourner autour, l'appréhender, elle existe en tant que telle. Avec l'Esthétique de la communication et les nouvelles technologies, la structure même de l'oeuvre devient différente. Elle peut naître par le regroupement de différentes sources d'informations. Le récepteur se trouve soumis à une série d'émissions, d'informations, et c'est lui qui, à un moment donné, dans le système induit par l'artiste, "capte" ou ne capte pas l'oeuvre qui n'a pas de réalité physique en soi. Voilà ce qu'est l'Esthétique de la communication. Toute oeuvre est une sorte de système mis en place pour produire du sens ou de l'émotion, à la différence que le système de l'Esthétique de la communication est un dispositif temporel dans un espace indéterminé : c'est une information donnée ultérieurement qui réactive ce système et fait qu'il a un sens. J'ai été invité à la Documenta de façon officielle pour montrer de la vidéo, mais parallèlement, j'ai présenté une oeuvre de façon sauvage. J'ai pris le plan du Fredericianum, et sur les règles du nombre d'or, j'ai tracé une ligne virtuelle. Après, je suis descendu dans les salles, et sur cette ligne, j'ai placé des émetteurs ultrason 14 Hz. Personne ne les voyait, ne les entendait, on ne pouvait ni les sentir, ni les toucher. C'était une oeuvre constituée par un espace d'ultrasons bâti à partir du nombre d'or. Mais j'avais un accord avec un grand journal de Cologne, qui le lendemain, a consacré une page entière à ce travail disant : "nous rendons visible l'oeuvre invisible de Fred Forest ".
EM - Ces traits sont greffés à des oeuvres de l'art conceptuel, comme lorsque Robert Barry lâchait des gaz rares dans l'atmosphère, un geste pas du tout spectaculaire, qui n'eut aucune incidence, et qui n'existait que parce qu'il était relayé, par exemple par les affiches de Seth Sigelaub annonçant l'événement. Mais là il n'y avait pas d'argument sur le système des médias, mais l'idée de porter quelque chose de non sensible à la connaissance.
FF - Je pense que l'Art sociologique ou l'Esthétique de la communication n'auraient pas été ce qu'ils sont sans l'art conceptuel. Les choses n'existent pas ex-nihilo et l'intérêt des artistes est d'essayer d'élaborer quelque chose de plus spécifique et original avec les conditions inhérentes à un moment donné.
EM - Tu dis que l'Esthétique de la communication est quelque chose qui s'inscrit dans cette histoire de la dématérialisation de l'oeuvre d'art qui a débuté dans les années 60.
FF - Oui, et elle est en même temps en rupture.
EM - Pourtant il y a une forme extrêmement visible qui résulte de certains de tes travaux. Par exemple le territoire du m2 est très physique, il y a toute une mise en scène avec des accessoires et même un simulacre d'administration… Dans l'Esthétique de la communication, je relève tout de même un paradoxe : d'un côté, il y a tentation vers cette histoire de la dématérialisation de l'œuvre d'art, et d'autre part, il y a aussi une espèce de théâtralité
FF - Mais c'est peut-être résiduel, et j'espère qu'on s'en débarrassera un jour. Je suis formaté et marqué par une certaine culture… (rires). Les nouvelles générations ne devraient avoir besoin que de représenter, sous je ne sais quelle forme, les systèmes d'informations plutôt que de mettre en place des objets finalement assez anecdotiques.
AMM - Quand tu faisais de l'Art sociologique, tu faisais des interventions un peu "militantes" ou porteuses de sens rassemblant les gens, politiques. Par contre, avec l'Esthétique de la communication, tu as plus centré ton travail sur nos modes de perception.
FF - l'Esthétique de la communication a mis effectivement l'accent sur notre nouveau rapport à l'espace, et la nouvelle sensibilité qui pouvait en être induite. On n'y trouvait plus le questionnement politique de l'Art sociologique, qui était une première étape, une utopie. Aujourd'hui, il reste pourtant encore de l'utopie qui, pour moi, seule peut changer le monde, bien qu'il y ait peu d'espoir. L'avènement de tous ces moyens de communication qui ont changé les rapports de force, c'est peut-être une chance à saisir. l'internet est pour cela un instrument extraordinaire : reconnaître les anonymes qui sont dans une réalité profonde et indéterminée, les amener à se fédérer pour constituer une force de pouvoir, de pression par rapport aux autres pouvoirs. Ça doit notamment fonctionner avec les artistes. J'aimerais par exemple proposer aux artistes de faire la grève symbolique de l'art. On arrête de produire du jour au lendemain, on supprime le ministère de la culture, le système marchand n'a plus de raison d'être. À ce moment-là, votre condition d'artiste, votre fonction dans la société est reconnue comme indispensable. Mais pour cela les artistes doivent aussi revendiquer la fonction qu'ils veulent avoir.
AMM - Parcelle-Réseau entre dans ce programme, en mettant le marché de l'art devant un défi.
FF - C'est une façon de montrer qu'une oeuvre peut exister en dehors des circuits qui sont établis, qu'elle peut être diffusée, avoir sa propre économie.
AMM - Il s'agissait pourtant d'une véritable vente aux enchère, avec un commissaire priseur.
FF - Pour qu'une action, ou une oeuvre ait son plein sens, il faut absolument qu'elle s'ancre au départ dans une certaine réalité. Ensuite, elle la détourne. L'intérêt se trouve justement dans une certaine ambiguïté : pour mon action du Mètre carré artistique, j'avais créé une réelle société civile immobilière. Cette structure ne fonctionne pas par rapport à son propos habituel, mais pour questionner le fonctionnement de ce type d'institution. Pour la véhiculer, j'ai utilisé la presse. À partir du moment où une société immobilière du Mètre carré artistique qui vend des mètres carré artistiques et que ça parait dans la page économie du Monde, ça questionne vraiment le système économique.
EM - Alors que devient le Territoire du Mètre carré?
FF - J'ai créé ce Territoire du Mètre carré après la vente du Mètre carré. Mais n'empêche que ce sont des jeux de simulation et de communication.
EM : Oui, c'est pour ça, tu parles de parodie mais il y a bien eu un fonctionnement réel, ça a donné lieu à une production ! Je ne suis pas convaincu. Ce n'est pas qu'une parodie dans le système extérieur comme on a vu les entreprises d'artistes dans les années 80.
FF - Est-ce que "questionnement critique" te convient mieux ? Mais dans les années 80 ces actions sont restées confidentielles dans le milieu de l'art. Elles n'ont pas été visibles dans les grands médias. L'humour, la parodie permettent de créer des contre-pouvoir pour agir.
AMM - Mais à partir de là comment es-tu passé à Parcelle-Réseau ? Je voulais poser la question "quel support, quel type de diffusion, et quelle économie possible?".
FF - La question est d'autant plus forte si tu l'implantes dans un lieu de l'art reconnu et traditionnel. On a mis une oeuvre en vente sur l'internet sans qu'elle ait été jamais vu avant et ne puisse être vue ailleurs que sur ce média. Il y a eu beaucoup acheteurs. La circulation d'information a été telle que l'impact fut énorme, ça a été un événement mondial. En France, en Italie, en Allemagne, sur CNN, on a fait le 20 heures de tous les journaux télévisés. Tout cela sans un sou d'investissement en promotion : c'est jouissif. J'ai maintenant l'impression que tout est possible.
EM : Ton travail a surtout consisté a poser les bases mais pas tellement à gérer le projet. Idéalement, est-ce que tu aimerais avoir quelqu'un qui gère au quotidien par exemple le Territoire du m2 ? Ca pourrait être intéressant, mais je n'en suis pas sûr.
AMM - C'est important par rapport à la question de la participation du public…
FF - La question qui se pose est l'ambiguïté qu'il pourrait y avoir soi-disant entre l'auteur aujourd'hui et les gens qui participent. Mais je pense que l'auteur est toujours l'auteur. C'est lui qui met en place l'architecture, la structure de l'œuvre et ce qui la remplit n'est pas forcément intéressant. Dans La bourse de l'imaginaire, on peut dire que le pourcentage de réponses intéressantes était de 5%. Il faut être lucide, la participation à tout crin il faut voir dans la réalité, dans les faits, ce que c'est !
EM - Donc tu n'es pas si soixante-huitard que ça ? (rires)
AMM - Donc tu préfères donner des indications de situations participatives plutôt que de les réaliser ?
FF - Quel est le moteur qui fait bouger les choses? C'est le plaisir et mon plaisir est plutôt dans la découverte, la recherche permanente, l'expérimentation, ça ne m'intéresse pas de répéter. Même si vous avez décelé des fils permanents dans mon utilisation des médias, ce qui m'intéressait c'était d'inventer les outils, les formes. J'ai d'ailleurs une grande admiration pour Picasso parce qu'il a su pratiquement toujours ne pas s'enfermer dans des systèmes où il se serait répété. Il y a d'autres gens, comme Duchamp qui a arrêté de produire pour les mêmes raisons. Ce qui est important c'est l'invention des modèles.
AMM - Et l'utopie là-dedans ? ce serait à ce moment-là d'appliquer ces modèles ? Introduire un autre réseau dans le réseau par exemple…
FF - Oui, mais là-dessus je n'ai pas abandonné. Dernièrement j'ai fait une tentative qui a bien marché dans l'émission " L'argent public " portant sur la commande publique. J'ai fait un mailing au moment de la diffusion en inventant l'existence d'un groupe de guerilla sur l'internet, le GIGA. Une émission de télévision c'est reconnu socialement, ça me permettait de donner une sorte de réalité à ce groupe. J'ai pu rencontrer des tas de gens qui ne sont pas contents de ce système et sont prêts à s'investir totalement. Ca demanderait évidemment beaucoup de temps…Des modèles qui sont expérimentaux ou de l'ordre de l'art peuvent peut-être avoir aussi des applications dans la réalité sociale pour essayer sans se faire trop d'illusion de la changer.
EM - Justement on se demandait si, pour toi, l'internet est vraiment le prolongement de la rue ? Comment justifier ce glissement des pièces que tu as réalisé dans l'espace public - autant la manifestation que le circuit de télévision de la rue Guénégaud - vers tes propositions sur l'internet ? L'internet est-il vraiment un espace public ?
FF - Je n'ai pas encore assez de recul pour appréhender tout cela. C'est effectivement un espace public, mais pas au même titre que la rue. Au niveau intuitif c'est un prolongement d'un ordre différent. C' est un espace indéterminé et planétaire. Les conditions d'action y sont différentes de celles que tu as sur la place publique où tu connais les gens, on a une même culture, les mêmes problèmes. Ce qui est intéressant de voir, avec ces nouveaux outils, c'est quels nouveaux types de relations et d'actions peuvent naître et c'est de l'expérimenter. Tu vas peut-être te sentir un peu frustré par ma réponse ?
EM : Il y a cette autre ambiguïté à laquelle tu n'as pas répondu c'est que l'internet est un lieu privilégié qui ne concerne à l'échelle mondiale qu'une toute petite minorité favorisée…
FF - Est-ce que ce n'est pas toujours le cas dans l'art ?
EM : Mais tu es sorti du musée en l'opposant à la vie, l'internet est-ce que ce n'est pas pour toi une façon de re-rentrer dans une nouvelle sorte de musée ?
FF - Je ne crois pas. L'espace qui m'intéresse sur l'internet est quand même plus ouvert que celui de l'institution culturelle.
AMM : Pour chaque action tu t'appuies sur des financements extérieurs au monde de l'art...
FF - Oui de façons ponctuelles et circonstancielles effectivement on peut se demander comment j'arrive à faire tout cela. Ainsi l'installation pour l'Espace Cardin, Pierre Cardin apportait juste le lieu, j'ai réussi à avoir France Télécom et d'autres services, j'ai fait moi-même la communication. Je leur apporte une image culturelle, un événement et eux me donnent du matériel. Qui a les moyens aujourd'hui ? Ca demande un travail considérable, est-ce que un travail artistique ce n'est pas ça aujourd'hui ? Autrefois on parlait de la résistance des matériaux, maintenant on affronte la résistance du milieu social, celui qui a les ordinateurs c'est le banquier, le militaire. L'artiste s'il a le sens du fonctionnement de la communication, des pouvoirs de la société, des stratégies, s'il est bien informé, il arrive à arracher des choses.
AMM - Donc l'oeuvre c'est aussi cet exploit-là ?
FF - Oh oui !
AMM - Est-ce que ça te rapporte de l'argent ?
FF - Non, avec Pierre Cardin j'ai dû mettre 30 000 F de ma poche ! Ca fait 30 ans que j'agis dans ce sens, tu imagines combien de patience, de coups de téléphone, de dossiers il faut déployer…
EM - Est-ce qu'aujourd'hui, tu ne travailles plus que sur le web ?
FF - Comme je ne veux pas me répéter, j'irai désormais très peu sur le terrain, comme je le faisais auparavant. Ces dernières années, j'ai fait énormément de choses, j'ai besoin d'avoir un temps de réflexion. Je veux écrire, je veux aussi faire d'autres choses. J'ai déjà écrit, mais toujours théoriquement par rapport à l'art, j'ai envie de raconter des choses de pure imagination. J'ai sur le chantier depuis longtemps l'idée d'un roman qui se passe dans un aéroport un jour de grève. Avec le temps, les oeuvres que j'avais conçu entrent exactement dans le mode et les structures que peut être le CD rom.
AMM - Peux-tu nous parler de ton mariage ?
FF - On va encore dire " Forest il a trouvé un moyen de se faire un coup de pub ! " Comme moi, Sophie Lavaud est une artiste qui travaille avec les nouvelles technologies, il n'y avait pas d'autre issue que de se marier sur l'internet.
AMM - Mais votre mariage à priori ne concerne que vous et vos proches ; pourquoi en faire un événement si spectaculaire ?
FF - Un mariage, c'est aussi un événement public ; je n'allais pas mettre une caméra dans notre chambre à coucher ; j'ai donc voulu mettre en évidence la présence à distance, avec les témoins par exemple. Ce fut aussi la création d'une oeuvre qui est un programme de réalité virtuelle. Il y a eu un gros travail au niveau des personnages, de la scène : on avait des capteurs, et les événements qu'on avait décidé se produisaient en temps réel.
EM - Mais pourquoi n'avoir pas fait un mariage uniquement sur l'internet ?
FF - Ce qui m'intéresse, c'est de tout ajouter, que tout fasse un tout. On dit souvent que l'internet déshumanise les choses par rapport à d'autres formes relationnelles physiques ou charnelles. J'ai voulu superposer à un rituel qui existe déjà une nouvelle procédure.
EM - Dans quelle mesure l'internet était-il envisagé non pas comme un relais, une médiation d'information - on aurait pu imaginer votre mariage retransmis plus classiquement à la télévision - mais comme une inscription dans un réseau ?
FF - C'est nous même qui avions décidé de mettre en place un système de communication donné du point de vue de l'architecture, de la forme, et du contenu en créant des rituels.
AMM - Un peu dans la même idée qu'Orlan retransmettant ses opérations ?
FF - Oui d'ailleurs Orlan aussi s'est mariée en faisant un événement formel…
AMM - Mais est-on encore dans le domaine de l'art ?
EM - Les préoccupations plastiques ne sont pas synonymes de l'art…
FF - Bonne question ! Voici le point le plus important de notre conversation ! Vous me demandez si je suis dans le domaine de l'art, et moi je réponds " qu'est-ce que c'est que le domaine de l'art ? " Bien sûr j'ai quelques idées, mais je dirai que ça se définit plus par défaut, et par certains ingrédients qui viennent en certaines quantités dans quelque chose de symbolique. Et puis je dirai, la réponse me vient maintenant, comme tu fais de l'art avec de la peinture, eh bien tu peux en faire avec un mariage !
EM - Le plus inattendu de ta part, ce n'est pas ton mariage sur l'internet, mais plutôt cette dimension plastique très évidente
FF - Je suis victime d'une certaine culture…
AMM - N'est-ce pas l'influence de Sophie ?
FF - La plupart de mes environnements sont très " clean ", on a chacun ses trucs… C'est un travail a part égale.
AMM - C'est comme pour Parcelle-Réseau, où tu aurais pu faire quelque chose de plus virtuel, comme par exemple vendre un espace de 5 Mo authentifié Fred Forest…
EM - …ou un monochrome de bleu électronique, en tous cas quelque chose de non décoratif…
FF - Pour faire quelque chose de ce type là, il faut tenir compte des récepteurs… et des acheteurs. Pour que ça marche, il fallait que ce soit acheté.
AMM - Il y a donc une régression par rapport aux années 70 et au Mètre carré artistique…
FF - Disons qu'il y avait plus d'enjeux économiques et plus de pressions. Et puis ça fait partie d'une stratégie, j'ai inventé toute une histoire sur le personnage représenté dans l'image ; c'est comme ça que les journalistes font des trucs sur toi !
EM - Ranges-tu cette action dans les parodies ?
FF - Oui, c'était une parodie du système commercial.
EM - A la limite tu aurais pu prendre une image de quelqu'un d'autre ?
FF - Ce n'aurait pas été assez mystérieux…
AMM - Tu as beaucoup utilisé la participation, notamment avec les "graffitis" sur le pont d'Avignon.
FF - J'avais déjà utilisé ce système à l'Espace Cardin, pour le projet appelé le Centre du monde. J'ai demandé aux gens de m'envoyer des mots ou des phrases. Dans les réseaux et sur l'internet, il n'y a plus de centre. Le propos était de dire aux gens que s'ils voulaient voir pour la dernière fois le centre du monde, ils devaient se précipiter à l'espace Cardin. L'installation était mouvement, fluide, puisque tous ces fragments de pensée du monde entier se retrouvaient dans ce réceptacle, cette lessiveuse où ils tournaient. Les phrases circulaient sur écran géant. C'est un système fabriqué avec des ampoules électriques, qui chauffent. C'était très émouvant parce que selon le nombre de messages, tu sentais qu'il faisait plus ou moins chaud dans l'espace où ils étaient diffusés. Par l'internet, tu peux aussi communiquer de la chaleur. J'ai proposé une installation de ce type pour Avignon. Finalement c'est annulé et ça s'est déroulé pendant la fête de l'internet à Paris .
AMM - Pourquoi as-tu choisi le terme graffiti, qui est connoté jeune, urbain, banlieue ?
FF - Pour avoir un certain public, il faut peut-être connoter. J'ai fait aussi référence à Raymond Queneau qui fait des poèmes-graffitis, c'est à la fois littéraire et culturel.
EM - Acceptes-tu le fait que tout ce que tu mets sur l'internet, on puisse le copier et l'utiliser autrement ?
FF - Absolument. Pour Parcelle-réseau, j'ai précisé aux internautes qu'ils pourraient utiliser commercialement comme ils le voudraient cette oeuvre, qu'ils pouvaient la manipuler au niveau des formes et des couleurs. C'est aussi un clin d'oeil à cette tentative de répéter sur l'internet la défense des artistes comme elle l'était précédemment. Il faut trouver d'autres manières de rémunérer les artistes. Je ne suis pas sûr qu'on puisse vraiment protéger une oeuvre, c'est vain. D'autre part, c'est contraire à l'esprit du réseau. Avec l'internet et ce type de création, on entre dans la manipulation des images alors qu'il y a logiquement interdiction de le faire. Il y a incompatibilité entre la protection des droits d'auteurs qui ont fourni du travail, et l'internet. On se trouve dans des conditions différentes, il faut trouver d'autres façons de fonctionner, pour la création et pour les systèmes institutionnels qui régissent cela.
EM - On peut aussi voir l'internet comme un lieu où tout est à prendre et où tout est donné. Il faut jouer le jeu : si tu prends, tu acceptes qu'on te prenne.
FF - Je partage complètement ce point de vue. Je récupère moi-même plein de petites choses sur le net. Certaines choses nous dépassent toujours dans les inventions techniques. Tous les systèmes sont liés, si tu introduits dans le système un petit élément, il peut changer tout le système. Il y a peut-être là-dedans un potentiel pour les artistes d'introduire dans les systèmes, à dose homéopathique, de choses qui fassent que le système change. 


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Photos Copyrights DIACONESCO.TV Tous droits réservés

RETROSPECTIVE PHOTOGRAPHIQUE PAR Gérard DIACONESCO

COPYRIGHTS BLOG PRESS DIACONESCO.TV - 2010

http://diaconescotv.canalblog.com/archives/2010/06/10/17824224.html

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The Traders' Ball by FRED FOREST on SECOND LIFE NEW-YORK Jun 2010



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