HISTOIRE DE MENTON "DE LA RESTAURATION A 1861" Chronique Historique de Thierry JAN
MENTON DE LA RESTAURATION Á 1861
LA DOMINATION MONEGASQUE
Chronique Historique de Thierry JAN
Il y a une rivalité entre Monaco
et Menton, entre le Rocher où se trouve le Palais princier et une garnison et
cette ville qui assure à elle seule la production économique et paye les
impôts. De plus il y a des différences linguistiques et sociologiques qui
séparent les deux cités. Si la langue est le français à Monaco, c’est l’italien
qui est parlé à Menton note en 1816 dans ses carnets de voyage le naturaliste
Millin. Les mœurs elles aussi varient. L’esprit français prévaut sur le Rocher,
tandis que les mentonnais ont une plus grande religiosité. Ces différences
n’étaient pas insurmontables et un Prince habile auraient pu les niveler. Mais
en 1814 le Prince, tout comme Louis XVIII en France ou encore le roi de Piémont
Sardaigne veut que tout redevienne comme avant. Il souhaite effacer la
Révolution et faire comme si rien ne s’était passé. C’est très maladroit et à
Menton, il y a un ressentiment contre la dynastie et la population, maintenant
que Vintimille appartient aux Savoie, son regard se porte de l’autre côté du
pont Saint Louis.
Un autre facteur va jouer dans
ce rejet du Prince de Monaco. En 1814 la Principauté est à nouveau sous la
protection du royaume des Lys. Mais après le vol de l’Aigle et les 100 jours,
il y a 1815. Un nouveau traité sera
signé à Stupinigi le 8 novembre 1817. La Principauté se retrouve alors sous la
protection du roi de Piémont Sardaigne. Les Etats du Prince sont enclavés dans
ceux de Savoie. La république de Gènes est maintenant sous la souveraineté de
Turin. Avant la Révolution Gènes était l’alliée des français et le Roi de
France pouvait ainsi protéger la Principauté. Ce que Louis XVIII ne peut
maintenant plus faire. Ce changement de souveraineté de la côte Ligure jouera,
c’est certain pour Nice, un rôle non négligeable pour Menton.
Le prince Honoré V réside rarement dans ses Etats, en 26 ans de règne il n’y séjournera que quatre très courts séjours. Il gouverne par procuration. Une autre erreur est cette volonté de centralisation de son pouvoir et de son administration. On peut dire que sur ces deux points , le caractère d’absolutisme de son pouvoir s’est aggravé par rapport au XVIIIe siècle.
Ce déséquilibre entre le Rocher
et Menton se retrouve dans la démographie. Les trois quarts des habitants
résident entre Roquebrune et Menton. Le Prince voulant compenser ses pertes de
revenus, ceux de ses terres de France perdues avec la Révolution, augmente les
impôts et c’est Menton qui les subit du fait de sa population plus nombreuse.
En 1817 suite au gel et des
problèmes de disette, le Prince menace le recours à la Sainte Alliance face au
mécontentement du peuple. Deux ans plus tard il prend une ordonnance contre les
propos séditieux, s’interdisant ainsi tout dialogue. Il proclame en
1820 : «Mon despotisme vaut mieux que la liberté de bien des
gens. » Honoré V est décidément
bien maladroit. Pourtant ce Prince avec l’école gratuite instaurée dès 1815,
avait une vision moderne du développement social. Comme toutes les monarchies
européennes, il refusait d’admettre la fin du principe absolutiste et cet
entêtement provoquera la séparation entre Menton et le Rocher. En 1821 les
mentonnais imitent Turin où Victor Emmanuel 1er a du abdiquer. Honoré V
continue malgré tout la même politique. Au milieu des années 1830 le calme
revient. Le Prince envisage la création d’une station balnéaire en 1837.
L’année suivante on construit un port au Caréï. Florestan 1er a succédé à
Honoré V et remet en question la gratuité de l’école par l’ordonnance du 24
janvier 1843.
Charles Albert en Piémont Sardaigne, le Pape Pie IX, Léopold II de Toscane font en 1847 une union douanière, on peut y voir l’amorce de l’unité de la Péninsule. C’est ce nouvel état d’esprit libéral et national qui va amener 1848. A Menton après l’anniversaire du Prince fêtée en grande pompe le 4 novembre, les Mentonais réclament les mêmes mesures qui viennent d’être appliquée dans le royaume des Savoie. Ils demandent aussi un abaissement des droits de douanes de 50 %. Honoré V ne fait que des promesses évasives ce qui exacerbe la population. Le 1er décembre ils se réunissent au Trabuquet. Le 20 le duc de Valentinois et son aide de camps Honni (Honoré Rey de Villarey) sont interpellés et hués par la foule.
La situation est tendue et Honoré V fait appel le 4 janvier 1848 à un bataillon Piémontais pour arrêter les meneurs et les mener à Monaco pour y être fusillés. En mars 1848 Charles Trenca fait arracher les symboles princiers et proclame Menton ville libre avec Roquebrune qui n’est pas encore une cité mais seulement un quartier Mentonais.
Menton devient une ville libre
sous la protection du Roi de Piémont Sardaigne. Florestan 1er succédant à
Honoré V avait, mais bien trop tard, essayé de promulguer une constitution.
Toujours conduit par Charles Trenca la population adopte le drapeau tricolore,
montrant ainsi sa volonté d’être rattachée au royaume de Piémont Sardaigne. Le
4 avril, le droit de vote est élargie aux habitants de plus de 25 ans et aux
résidants depuis au moins dix ans. Le
30 du même mois, la loi fondamentale est proclamée . Le 1er mai le gouvernement
est élu, il se compose de cinq membres. Un plébiscite le 30 juin ratifie une
demande de rattachement au royaume de Haute Italie. Le Prince de Monaco a
encore des partisans, 370 signataires demandent un retour à la Principauté.
LE "PROTECTORAT" DES SAVOIE
Le 18 septembre 1848, après s’être assuré de la neutralité de la France, le gouvernement Sarde occupe Menton et Roquebrune. Le commissaire extraordinaire du Roi s’installe le 15 octobre. Des incidents opposent légitimistes fidèles au Prince et sécessionnistes à la frontière entre Roquebrune et Monaco. Le 10 mai 1849 un décret rattache Menton à l’intendance générale de Nice. Le 10 novembre la chambre des députés à Turin adopte une loi qui fait de Menton une entité du royaume. Le sénat ne statut pas, laissant cette loi à l’état de projet.
Le royaume de Piémont Sardaigne a profité d’une crise pour s’installer à Menton. Cette situation se poursuit et la question de droit n’est pas résolue. Napoléon III est sollicité par la princesse Caroline qui plaide la cause monégasque dans une lettre du 21 décembre 1855. Victor Emmanuel II propose une rente au Prince contre l’abandon de Menton. Les incidents se multiplient entre les autorités piémontaises et la famille princière. En 1854 à l’occasion de la Sainte Dévote, patronne de Monaco, le duc de Valentinois est surpris à Menton alors qu’il se rendait à Gènes. Trois ans plus tard Albert est reconduit à la frontière alors qu’il visitait des églises.
C’est le traité de Turin en 1860 qui scellera
définitivement le sort de Menton. Celui que l’on peut maintenant nommer Roi
d’Italie a cédé la Savoie et le Comté de Nice à la France pour son aide dans la guerre contre
l’Autriche. Menton fait partie du marché, bien que n’étant pas en droit,
possession du royaume de Piémont Sardaigne. Les Mentonais comme les Niçois
votent pour la France. Par le traité du 2 février 1861 Charles III renonce à
ses droits sur Menton contre une indemnité de 4 millions de francs et le
désenclavement de sa Principauté avec le tracé d’une route et l’arrivée
prochaine du chemin de fer.
EN ROUTE VERS LA MODERNITE
En quelques années Menton va connaître de nombreux bouleversements. Le chemin de fer, la route, tout cela amène le tourisme et modifie complètement l’économie. La langue, il faut apprendre à parler français. Le suffrage universel qui change la vie politique, tout le monde peut voter, il n’y a plus de censure. Toutes ces modifications en moins de dix ans vont faire de ce qui n’était qu’une petite ville assoupie aux confins de la Principauté, une destination touristique prisée par les anglais. Toute la rivièra va séduire les sujet de sa majesté. Dès le XVIIIe siècle avec Smollet, les britanniques adoptent cette côte accidentée de la méditerranée. De Hyères à San Remo les anglais vont s’installer et un nouveau terme sera créé : ‘hiverner’.
Les voyageurs vantent la douceur
du climat, la beauté des paysages, on parle même des vertus curatives de l’air
pour les phtisiques et les asthmatiques. C’est en 1860 qu’Elysée Reclus,
célèbre géographe donne à Menton le nom
de perle de la méditerranée . De 1855 à 1865 le nombre de familles qui viennent
à Menton hiverner se multiplie par dix. On en dénombrera plus d’un millier à
l’aube du nouveau siècle.
Menton n’évolue pas exactement
comme Nice ou Cannes, c’est avant tout une ville de repos, de convalescence, on
vient avant tout s’y soigner. Le jeu, les divertissements ne sont pas vraiment
le but recherché par ces malades de la poitrine. Ils recherchent le calme et la
tranquillité. Cela n’empêche pas l’essor du commerce de luxe et de
l’immobilier. L’économie essentiellement agricole se transforme en une
industrie touristique. Le prix des terrains augmente et les terres cultivées se
réduisent, faisant place à des constructions de villas le long du littoral. La
population de 5000 habitants environ lors de l’annexion à la France sera de
presque 20 000 âmes à la veille de la première Guerre mondiale.
Ce sont des immigrants venus de l’Italie qui viennent chercher ici du travail. Les constructions, le chemin de fer, un port en 1866, des rues à tracer sur le modèle haussmannien, tout cela demande de la main d’œuvre. Le tourisme semble une source inépuisable et l’Empire de Napoléon III une manne qui garantie le progrès. Si les Mentonais furent hésitants au moment de choisir entre l’indépendance, Monaco, l’Italie ou la France, les notables comprirent où était l’intérêt de leur ville et ils firent ainsi pencher la balance, permettant à Menton de connaître comme Nice la modernité et la célébrité internationale.
Thierry JAN
DES AGRUMES AU GOUT "ANTIQUE"
LA FÊTE DES CITRONS
A MENTON
C’est à la fin du XIX° siècle que les hôteliers organisent des défilés pour le plaisir des riches hivernants dont en 1882 la reine Victoria. Ce défilé n’est alors que la manifestation de la liesse populaire avant le carême. Menton est en 1929 le premier producteur de citron d’Europe. Cinq ans plus tard naît la fête du citron et c’est en 1936 que les jardins Biovès deviennent l’écrin de cette manifestation qui après la guerre sera mondialement connue. La fête des citrons cette année nous invite à une balade dans les légendes mythologiques, l’histoire antique et l’histoire des civilisations. L’homme des cavernes, le cheval de Troie, les héros des lettres latines, le sphinx et les jardins suspendus de Babylone nous attendent dans les jardins Biovès de Menton. Le voyage nous emmènera ensuite dans le nord, là où se trouvèrent les Celtes et les Vikings. Un drakkar toutes voiles gonflées est prêt à prendre le large. Qui n’a pas lu les aventures de Tintin et du temple du soleil ? Les Incas sont là cette année. On est donc invité à un voyage dans le temps et l’espace.
Cette 78° édition poursuit la série des thèmes, ce qui lui a donné un élan nouveau. L’édition 2011 est appelée à un très grand succès. Il faudrait que le public puisse aller dans les coulisses de la fête, afin de savoir le travail immense qui est nécessaire pour faire les motifs des jardins et la dizaine de chars. Tout est fait avec des agrumes, ces dernières sont fixées sur des armatures en acier avec des élastiques. Pour donner une idée du travail à réaliser, il faut 500 000 élastiques pour fixer tous ces fruits qui orneront les jardins et les chars. Le palais de l’Europe accueille les orchidées et le salon de l’artisanat qu’il ne faut surtout pas manquer. Outre l’exposition des jardins, il y a des corsi de jour et nocturnes sur la promenade du soleil. En guise de conclusion on posera cette question : « Que peut-on rêver de mieux que d’assister à un corso, baigné par le soleil ? »
Thierry JAN