A LA RENCONTRE DU PLUS GRAND JARDINIER DE NICE AU XIXe SIECLE : ALPHONSE KARR
Chronique Culturelle et historique
par Thierry JAN
Nice fut jusqu’à la fin des années soixante, une des capitale de l’œillet, concurrente directe de San Remo en Italie. L’urbanisation a envahi peu à peu les terres horticoles et on ne trouve les serres aujourd’hui que vers Saint Antoine de Ginestière et Saint Roman de Bellet où elles se partagent les terrains avec la vigne. Ce qui avait tant séduit les Anglais au XVIIIe siècle est aujourd’hui une ville qui poursuit son développement dans la vallée du Var où des industries tertiaires et bientôt un stade de football bétonnent encore davantage le paysage. Cet essor de l’urbanisme semble aujourd’hui vouloir être maîtrisé. On nous parle d’une coulée verte qui sauvegarderait des espaces de natures dans le paysage urbain. C’est une volonté politique salutaire qui concilie l’inévitable développement et la préservation des espaces verts. On peut regretter que ce consensus n’ait pas été appliqué dans ces années soixante où l’urbanisation était incontrôlée. Cette semaine nous allons à la rencontre du plus grand jardinier de Nice.
ALPHONSE KARR Á NICE
Alphonse Karr s’était installé à Nice en décembre 1853 d’abord dans une annexe de la villa Bermond où résidaient des membres de la famille impériale russe.
Sa plume ne suffit pas pour le faire vivre, aussi il acquière une ferme au quartier saint Etienne où il va s’adonner à la culture des fleurs qu’il vendra dans son magasin. Cette activité devient une vraie industrie, il loue d’autres propriétés où il plante des rosiers, des violettes et des arbres fruitiers. Il créera même une variété de poire qui portera son nom et ses fraises seront très appréciées des gourmets.
Alphonse Karr tient à Nice une boutique de fleurs coupées. Elle est située dans le bâtiment de l’hôtel de Grande Bretagne à côté de la librairie étrangère, sur le quai des Palmiers, aujourd’hui avenue de Verdun. Dans son commerce, il propose outre ses produits, la presse avec une soixantaine de titres, ainsi que sa revue satyrique ‘Les Guêpes’. Cette boutique devient le rendez vous des hivernants et des gens de qualités, une sorte de salon où l’on devise de l’actualité et des derniers potins littéraires.
Alphonse Karr organise dans sa propriété du quartier saint Etienne, des déjeuners où se réunissent à son invitation des hommes de lettres, des aristocrates et ses amis. Alexandre Dumas père obéissait à la mode du grand tour classique. Ayant acquis une goélette en avril 1860, il entame son périple au départ de Marseille le 9 mai. Tant bien que mal il arrive à Nice le 14 mai au soir. Il y retrouvera son ami Alphonse Karr. Une partie de campagne en son honneur sera organisée le 15 mai 1860. Elle eut un très large écho dans la presse. Théodore de Banville s’en inspira dans les deux derniers chapitres de son poème : ‘La Mer de Nice.’
Après l’arrivée du chemin de fer, cette campagne qui l’avait séduit par son calme s’urbanise. Alphonse Karr endetté, exproprié d’une partie de ses terrains agricoles par le développement de l’urbanisation et le passage du train, quitte Nice pour saint Raphaël en 1867, il y meurt en 1890 âgé de 82 ans.
Thierry JAN