POLITIQUE INTERNATIONALE POLITIQUE INTERNATIONALE
La stratégie de Vladimir POUTINE
Editorial de Guy MILLIERE
Ce qui s’est joué ces derniers jours aux Nations-Unies a montré, une fois de plus, que Vladimir Poutine est un maître du réalisme politique et un grand joueur d’échecs.
Il est vrai qu’en ayant, en face de lui, le premier Président islamo-gauchiste de l’histoire des États-Unis et, dans le rôle du nain, un piètre joueur de dames, chef d’une moyenne puissance, la France, la partie n’était pas très difficile pour lui.
Poutine a laissé Obama courtiser les mollahs iraniens, passer un accord honteux avec eux, laisser se mettre en place l’État islamique, abandonner la Syrie au chaos, trahir les alliés traditionnels des États-Unis dans la région, traiter les dirigeants européens comme des pantins impuissants.
Puis il a décidé, quand le moment lui a semblé approprié, de prendre la main et d’avancer vers l’échec et mat. C’est ce qu’il est en train de faire. Le débarquement de matériel militaire à Tartous, la construction d’un aéroport à Lattaquié ont pour but de renforcer l’emprise russe sur les régions alaouites de la Syrie, et d’en faire une place forte durable pour la Russie.
L’objectif affiché est la lutte contre l’État islamique. L’objectif réel est d’endiguer l’État islamique sans le détruire et de parachever la mise en place d’un axe Iran-Russie.
Cet axe Iran-Russie est destiné à devenir hégémonique sur la région, à être entériné par les dirigeants occidentaux (voire de faire des dirigeants occidentaux des alliés implicites ou explicites de cet axe), à utiliser en parallèle la capacité de nuisance de l’EI pour faire pression sur les régimes arabes sunnites (émirats du Golfe, Arabie Saoudite, Jordanie, Égypte), et à faire peu à peu de ceux-ci des protectorats russes…
Poutine sait que le Président islamo-gauchiste des États-Unis ne lui fera pas obstacle, car celui-ci tient à l’accord suicidaire qu’il vient de passer avec les mollahs iraniens, et il sait, de surcroît, que les milliards qui commencent à arriver dans les caisses iraniennes vont se retrouver en partie dans les caisses russes grâce à l’achat d’installations nucléaires et
d’armement supplémentaires par l’Iran.
Il sait que les dirigeants européens ne lui feront pas obstacle non plus (passées les quelques gesticulations de Hollande),parce qu’ils sont impuissants militairement et prêts à passer n’importe quel contrat avec les mollahs iraniens, et parce qu’ils font aussi face à une crise migratoire (sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale) qui menace leur équilibre intérieur et fait monter en puissance des partis de droite souverainiste, en général alliés de la Russie.
Il sait que les régimes arabes sunnites menacés vont, tôt ou tard, demander protection. Il sait qu’en jouant la partie qu’il joue au Proche-Orient, il joue aussi une autre partie en Europe centrale.
En effet, Poutine peut désormais obtenir des dirigeants européens d’Europe occidentale des concessions majeures concernant l’Ukraine, la Crimée, les pays baltes sans doute.
Il sait qu’il tient les fournitures énergétiques de plusieurs pays d’Europe, et pourrait les tenir plus encore si, comme c’est prévisible, l’hégémonie irano-russe sur le Proche-Orient se renforce.
Il ne pourra pas reconstituer la puissance des temps soviétiques, même s’il en a, à l’évidence, la nostalgie. Mais, en se rendant maître du Proche-Orient, en plaçant l’Europe sous sa coupe, en renforçant ses liens avec la Chine (ce qu’il fait aussi), Poutine peut s’assurer un poids planétaire et, conformément à la théorie eurasienne chère à Alexandre Douguine, se rendre maître, avec les dirigeants chinois, de ce qu’Halford John Mackinder appelait le « heartland », l’île-monde.
Rien de ce qu’il met en place n’aurait été possible sans Obama. Celui-ci aura été un effroyable stratège guidé par la volonté d’abaisser les États-Unis, de détruire le monde occidental, et de donner le pouvoir planétaire à un cartel de régimes autoritaires.
Obama aura aussi été l’idiot utile d’un Poutine bien plus intelligent que lui. Ce qui se dessine n’est en tout cas pas un monde meilleur pour la liberté d’entreprendre, de parler, de penser et de choisir.
Ni Poutine, ni les dirigeants chinois, ni les mollahs iraniens ne sont des amis de quelque forme de liberté que ce soit.
Source : Guy MILLIERE