DISPARITION DE JOHNNY HALLYDAY ( SUITE )
En Johnny plus que Johnny… le sens profond de notre désarroi
La sidération et l’émotion immenses suscitées par la mort de Johnny Hallyday ont généré une multitude d’articles qui n’ont toujours pas fini d’épuiser leur sens.
Nécessité s’impose d’y revenir après ce premier survol de la carrière et des funérailles de notre rocker national.
Quelques précisions peuvent en effet éclairer certains raccourcis qui ont suscité des questionnements.
Le consumérisme et l’hédonisme américains, dont Johnny Hallyday avait été musicalement le passeur et le symbole en France et dans les pays d’Europe francophones, ont conduit à la société calamiteuse, régressive et moribonde que nous subissons aujourd’hui.
Pour tous ceux qui s’étaient protégés de cette réalité par l’aveuglement ou le déni, la mort de Johnny a fait l’effet d’un détonateur.
Par delà le pathos du public attaché à son héros, la sidération et l’étranglement douloureux sont très largement partagés. Car ce deuil excède son objet, il s’étend à une société entière, bel et bien perdue, en laquelle le monde occidental avait placé toutes ses espérances.
Une société où la jeunesse érigée en symbole de modernité, ses revendications de jouissance consumériste et sexuelle mises en oeuvre quarante années durant ont abouti à un immense échec : le désenchantement sexuel et un effondrement civilisationnel.
La mort de Johnny en est la métaphore : la jeunesse n’est pas éternelle et la jouissance ne constitue pas une valeur constructive pour la société. Bien au contraire. Telle est la signification de cette énigmatique petite phrase de Jean d’Ormesson : « J’ai toujours pensé qu’une des supériorités de l’Occident venait du retard de la sexualité chez les jeunes gens ».
Autrement dit : C’est en contenant et canalisant les visées de jouissance dès l’enfance (par une éducation exigeante, orientant la dynamique libidinale vers l’investissement dans le travail et la création) que la civilisation s’accomplit et progresse.
Johnny a été le symbole d’un credo, d’une période où la jeunesse a cru détenir la clé de la Vérité et du bonheur et pouvoir s’autoriser à balayer l’héritage éducatif qu’elle avait reçu.
La persistance de la mort et le résultat de la gestion calamiteuse de la société par cette génération viennent sanctionner par un échec cuisant ces quarante dernières années qui s’avèrent avoir été une illusion et une malencontreuse parenthèse.
C’est un sacré deuil auquel ouvre symboliquement la mort de Johnny Hallyday… Un deuil qui peut être salutaire. Espérons-le.
Véronique Hervouët
Vice présidente du SIEL
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Il y a 3 jours, le dimanche 10 décembre 2017
Vice-présidente du SIEL
La mort de Johnny Hallyday a produit l’effet d’un tsunami émotionnel et médiatique avec de multiples résonances et récupérations politiques. De quoi Johnny Hallyday est-il l’emblème pour susciter pareils remous ? Quelle en est la lame de fond ?
Johnny Hallyday est apparu sur la scène médiatique en tant que « l’idole des jeunes » au début des années 60. Pour la première fois dans l’Histoire, « les jeunes » se distinguaient en catégorie sociale et politique. En opposition au « conservatisme à Papa », celui transmis jusqu’alors par toutes les générations précédentes, formatées par un christianisme économe, interdicteur, qui orientait la dynamique libidinale des jeunes vers le travail.
Cette irruption de la jeunesse sur la scène sociale américaine allait de pair avec l’émergence d’une classe moyenne, constitutive de la société de consommation. Cette mutation sociale et culturelle a engendré musicalement le rock’n’roll. Johnny a été, sa vie durant, le passeur et l’emblème de cette mutation américaine. À sa façon, il a contribué à son installation en France et, plus largement, dans les pays francophones européens. C’est pourquoi sa carrière a été toujours un peu frappée au coin du mépris par un public français plus restreint, qui préférait l’original anglophone à la copie.
Mais la mort de Johnny change la donne jusqu’à atteindre l’unanimité et la sacralité réservée aux saints et aux héros. Car la mort de Johnny, c’est plus que la mort d’un sympathique showman français à l’américaine qui a accompagné trois générations. C’est la mort d’une jeunesse que l’on croyait éternelle, la fin d’une époque, celle de la France des Trente Glorieuses, des idéaux et de l’idéologie, du credo libéral et libertaire, qui la portaient. La mort de Johnny survient en effet dans une France en totale décomposition, qui a perdu sa joie de vivre, dont la jeunesse est plus que jamais paumée et sans avenir. Une France dépouillée de son identité, de sa solidarité, livrée à l’insécurité et à la pauvreté, à la corruption. Que nous l’ayons aimé ou peu aimé en tant qu’artiste importe peu, ce sont nos souvenirs d’une France aimée, une part de nous-mêmes qu’avec lui nous enterrons. Une France que Johnny avait, à sa manière et sur le temps long, incarnée. C’est ainsi que Johnny, mort, est devenu un emblème.
Ces funérailles, dites « populaires », sont en fait d’envergure nationale. La réunion de tout ce que la France compte de fossoyeurs de notre pays et du christianisme sous les voûtes catholiques de l’église de la Madeleine en est un signe singulier, entaché d’un monumental oxymore. Les prêches des amis du chanteur, qui rythment la cérémonie religieuse urbi et orbi, redonnent soudain place au catholicisme. Les funérailles sacrées du rockeur national nous glissent un message subliminal. Nous sommes dans un entre-deux que nous qualifions de « crise » : la mort d’une époque et la venue d’une autre. Mais laquelle ? Question de vie ou de mort. Que voulons-nous ?
Pour le savoir, nous devons faire le point sur les erreurs du passé et sur celles du présent, considérer les enjeux, pour tracer l’esquisse de notre avenir. Jean d’Ormesson, qui vient aussi de nous quitter, oriente notre réflexion vers un point fondamental, autour duquel s’articulent les succès de notre civilisation mais aussi l’échec douloureux que nous vivons aujourd’hui. Dans une interview donnée il y a quelques années, il parlait de son éducation, de sa jeunesse investie dans le travail et livrait cette intime conviction : « J’ai toujours pensé qu’une des supériorités de l’Occident venait du retard de la sexualité chez les jeunes gens. » Bien vu !
L’échec de la génération soixante-huitarde et de ses émules est total : la libération sexuelle a abouti au désenchantement et à l’effondrement de notre pays, de notre civilisation. La haine de soi et la politique suicidaire menée aujourd’hui par nos « gouvernances » n’en sont-elles pas les symptômes les plus flagrants ? Le deuil national de la France que nous aimions, symbolisé par la mort de Johnny Hallyday, sera-t-il enfin en mesure de nous réveiller ?
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QUELQUES PHOTOS DE PRESSE DE LA VIE DE JOHNNY HALLYDAY
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