Ukraine : Supériorité de la
guerre électronique russe

par Drago Bosnic
La guerre électronique (GE) est l’un des aspects les plus importants des capacités militaires modernes et constitue souvent le test décisif du degré d’avancement d’un État et de ses forces armées. Elle fait partie des combats « invisibles » et pourtant extrêmement intenses que nous ne pouvons généralement pas voir directement. Cependant, son impact est tout à fait indéniable. La Russie fait partie des leaders mondiaux en matière de guerre électronique et ses capacités de combat dans ce domaine sont une source de fierté pour le géant eurasien, mais aussi de crainte pour ses adversaires. La domination russe en matière de guerre électronique sur les lignes de front en Ukraine est si complète et massive qu’elle est l’une des rares choses que la machine de propagande grand public n’a jamais osé remettre en question ou ridiculiser. Même les capacités thermonucléaires stratégiques de la Russie ont parfois fait l’objet d’attaques de la part de la propagande, mais ses capacités en matière de guerre électronique n’ont jamais été remises en question. Et pour cause.
Pourtant, comme pour tout ce qui concerne la machine de propagande traditionnelle, nous devons agir avec prudence. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit des médias qui citent les « fuites » du Pentagone comme leur principale source d’information. Il va sans dire que pour qu’il y ait fuite, il faudrait que des informations classifiées soient divulguées par inadvertance, et la plupart des experts du renseignement s’accordent à dire qu’il est extrêmement improbable qu’il y ait eu une quelconque inadvertance. Toutefois, cela ne signifie pas que toutes les informations liées à la « fuite » sont fausses. Au contraire, sa nature relativement élaborée implique qu’une grande partie est effectivement vraie, mais il peut être difficile de discerner ce qu’elle contient exactement. L’un des rares faits « divulgués » que nous pouvons certainement croire concerne précisément les capacités russes en matière de guerre électronique. Toutefois, la question se pose de savoir pourquoi.
Pour y répondre, il convient d’abord de disséquer et de préciser les affirmations de la machine de propagande dominante. Les « fuites » contiennent une grande quantité d’informations, notamment l’affirmation selon laquelle les bombes JDAM (Joint Direct Attack Munition) fabriquées aux États-Unis échouent en Ukraine en raison de la réussite des mesures russes en matière de guerre électronique. Les documents de la « fuite » ne se contentent pas d’examiner l’utilisation des contre-mesures russes pour rendre les JDAM inefficaces, mais indiquent également que, dans certains cas, ces contre-mesures entraînent même l’échec de la détonation. Il semble que cela concerne également les bombes JDAM-ER (Extended Range) que l’administration Biden, en proie à des difficultés, a envoyées au régime de Kiev afin d’offrir à ses forces certains avantages sur le champ de bataille. Un effort futile, semble-t-il aujourd’hui, bien que les documents suggèrent qu’au moins un millier de kits JDAM ont été envoyés jusqu’à présent.
Politico affirme que « la Russie utilise le brouillage GPS pour interférer avec le processus de ciblage des armes, selon la diapositive et une autre personne familière avec la question qui ne fait pas partie du gouvernement américain ». Le rapport indique également que « les responsables américains pensent que le brouillage russe fait que les JDAM, et parfois d’autres armes américaines telles que les roquettes guidées, manquent leur cible ».
Mick Mulroy, ancien fonctionnaire du Pentagone et officier de la CIA à la retraite, affirme : « Je pense que l’on peut craindre que les Russes brouillent le signal utilisé pour diriger les JDAM, ce qui expliquerait pourquoi ces munitions ne donnent pas les résultats escomptés et comment elles se comportent dans d’autres zones de guerre ».
Il s’agit d’une surprise assez désagréable pour le régime de Kiev, qui s’attendait à ce que les JDAM changent la donne et offrent des avantages tactiques clés que la Russie ne pouvait prétendument pas égaler. Cependant, ce n’est pas seulement ce faux sentiment de sécurité qui s’est effondré, mais il s’avère que les performances d’autres armes de l’OTAN tant vantées ne sont rien d’autre que de l’optique de relations publiques. La « fuite » suggère que même les roquettes M270 et HIMARS sont contrées avec succès par les tactiques russes de brouillage du GPS. De nombreux documents montrent constamment que les forces du régime de Kiev sont généralement en proie à des pénuries chroniques de munitions et d’armes de pointe, et le fait que les capacités russes de guerre électronique empêchent le ciblage de précision exacerbe cette situation de manière exponentielle, malgré les innombrables milliards d’euros d’armes fournis par l’Occident politique.
C’est là que nous en arrivons à la « solution » que le complexe militaro-industriel (CMI) américain pourrait proposer. Alors, comment le plus grand cartel de producteurs d’armes du monde résout-il les problèmes de précision de ses armes ? Eh bien, plus d’armes ! Avec l’acquisition potentielle par le régime de Kiev de milliers de JDAM supplémentaires, évidemment en utilisant des fonds fournis par l’Occident politique, puisque la junte néonazie elle-même est « financièrement morte », comme l’a évalué avec précision le président hongrois Viktor Orban, les entrepreneurs du CMI américain obtiennent encore plus de milliards de dollars des contribuables américains. Le contrat de modification et/ou de mise à niveau de milliers de JDAM et d’autres munitions offrirait des contrats à long terme à des entreprises telles que Boeing, Lockheed Martin, Raytheon, BAE Systems, etc. Cela pourrait être l’une des rares réponses logiques à la question de savoir pourquoi la machine de propagande grand public a soudainement ressenti le besoin de dire la vérité pour une fois.
Cependant, il ne faut pas tomber dans le piège de penser que cela a quelque chose à voir avec des motifs altruistes ou même le désir de faire du régime de Kiev une force de combat plus efficace. L’objectif principal consiste avant tout à causer le plus de morts et de destructions possible, en particulier dans les infrastructures civiles du Donbass et d’autres régions de l’ancienne Ukraine. Cela présente un double avantage pour les États-Unis. D’une part, la Russie se retrouve avec des bâtiments et des infrastructures détruits qui doivent être rénovés et, d’autre part, la machine de propagande grand public peut présenter les destructions comme étant le fait de la Russie. Cela explique également pourquoi la junte néo-nazie continue d’utiliser des armes occidentales qui ne cessent de manquer et de frapper des zones civiles. Le seul aspect positif dans tout cela est peut-être que l’ampleur même de la corruption et du copinage tant dans l’Occident politique qu’à Kiev pourrait bien accélérer la victoire russe.
source : Southfront via Veille Stratégique
L’art lent de la « guerre »
pangouvernementale

par Alastair Crooke
La simple survie pourrait devenir plus urgente que les réflexions spéculatives de Macron sur la transformation de l’UE en une troisième force.
Le Washington Post nous apprend que l’escapade du président Macron en Chine a suscité un « tollé » européen. C’est ce qu’il semble. Bien qu’à première vue, sa recommandation géostratégique selon laquelle l’Europe devrait se tenir à égale distance du mastodonte américain et du colosse chinois ne soit guère très radicale, il n’en demeure pas moins que les motivations sous-jacentes de Macron ne sont pas les mêmes. Pourtant, quelles que soient les motivations sous-jacentes de Macron, ses commentaires semblent avoir touché des nerfs à vif. Il est accusé de ce qui s’apparente à une « trahison ». La trahison des États-Unis curieusement – plutôt qu’une trahison des Européens ordinaires.
Cette irritation reflète peut-être notre amour habituel du confort, de la normalité et notre désir de « ne pas faire de vagues ». Ce penchant pour la normalité fige les gens dans un état de statu quo, comme si une voix intérieure s’immisçait pour dire : « Tout ira bien d’une manière ou d’une autre. Cela passera et les choses redeviendront ce qu’elles étaient ». « Tout doit changer pour que tout reste pareil », selon la célèbre citation prononcée par Tancrède, le neveu bien-aimé du prince Fabrizio Salina dans « Le Léopard ».
En revanche, Malcom Kyeyune, depuis la Suède, décèle un changement plus profond, une agonie au sein de l’atlantisme européen :
« La fièvre guerrière qui a envahi l’Europe à l’été 2022 a rendu toute discussion impossible. Les dénonciations rituelles des « poutinistes » et même des supposés espions russes sont devenues monnaie courante sur les médias sociaux, et les clameurs sur l’immense pouvoir de l’Occident et de l’OTAN sont devenues obligatoires. Une fois de plus, une pression énorme s’est exercée pour que l’on ne s’aperçoive de rien :
La seule position acceptable était maximaliste : Suggérer qu’un accord de paix impliquerait probablement de parvenir à une sorte de compromis vous faisait passer pour un « loyaliste de Poutine » et un « agent russe ».
Mais une fois de plus, la fièvre commence à tomber. Peu de gens parlent encore de l’Ukraine sur les réseaux sociaux ; la plupart des gens préfèrent faire comme si rien ne s’était passé. Les coups de gueule ont disparu, remplacés par un silence maussade et amer. Les gens ne sont pas tout à fait prêts à admettre que les sanctions ont été un échec et que l’Occident a surjoué, mais beaucoup savent que ces choses sont vraies et que les conséquences économiques et politiques de ces échecs commencent seulement à se faire sentir. »
Macron perçoit-il ces « vibrations » ? C’est-à-dire l’auto-illusion, par laquelle nous ressentons l’illogisme de mener notre vie quotidienne avec des « nuages de plus en plus sombres » qui se rapprochent de plus en plus, sans jamais nous demander pourquoi l’Europe se désindustrialise, pourquoi son industrie se délocalise aux États-Unis ou en Chine, ou pourquoi les Européens doivent importer du gaz naturel liquéfié à trois ou quatre fois son prix de vente.
Les Européens commencent-ils alors à s’apercevoir de certaines choses ? Se demandent-ils comment il se fait que le paradigme économique ait été si radicalement éclipsé, ou comment il se fait que l’on soit tombé dans une ferveur folle pour les guerres naissantes contre la Chine et la Russie ?
La prescription équidistante de Macron est entièrement aspirationnelle. Il ne lui donne aucune substance ; il n’explique pas comment l’autonomie stratégique serait atteinte et n’aborde pas non plus la question de « l’écurie vide ». Il ne sert à rien de fermer la porte de l’écurie maintenant que le « cheval de l’autonomie » s’est enfui depuis longtemps ; il s’est « enfui » avec la fièvre de la guerre de 2022. Nous en sommes donc là. Le cheval de l’autonomie peut-il encore être ramené à la maison ? Cela semble improbable.
Une grande partie du « tumulte » reflète sans aucun doute l’évitement d’aveux inconfortables, alors que les choses commencent à être remarquées à nouveau. Macron a au moins ouvert la question (aussi sensible soit-elle) ; il est pour l’instant un cas isolé, mais il n’est pas le seul.
Le chef du Conseil de l’UE, Charles Michel, a déclaré lors d’une interview : « Certains dirigeants européens ne diraient pas les choses de la même manière qu’Emmanuel Macron », a-t-il ajouté : « Je pense qu’un certain nombre d’entre eux pensent vraiment comme Macron ». Le président du SPD au Bundestag, Rolf Mützenich, a quant à lui déclaré que « Macron a raison » et que « nous devons veiller à ne pas devenir partie prenante d’un conflit majeur entre les États-Unis et la Chine ».
De multiples révolutions se préparent partout dans le monde. Et Macron demande quelle est la place de l’UE, ce qui est très bien. Mais il ne donne pas de réponse. Pour être honnête, à ce stade, il n’y en a peut-être pas, pour l’instant.
À équidistance des États-Unis ? Macron veut-il dire « à équidistance » de la stratégie néoconservatrice qui consiste à maintenir l’hégémonie mondiale des États-Unis par le biais de projections agressives de puissance militaire et de sanctions ? Si c’est le cas, cela doit être explicité.
En effet, les États-Unis connaissent eux aussi une révolution tranquille, et la prescription de Macron pourrait avoir besoin d’être nuancée dans le cas où la guerre en Ukraine marque l’effondrement final de l’éphémère « siècle américain » des néoconservateurs. La semaine dernière, les reportages des médias occidentaux ont pris un ton de désespoir. Depuis les fuites des services de renseignement, c’est l’apocalypse, la morosité et la panique. Les fuites ont rendu les vérités gênantes incontournables (même pour ceux qui préféraient ne pas s’en apercevoir), à savoir que la vaste construction « optique » qu’est le projet ukrainien est en train de se défaire peu à peu.
Le projet « Sauver l’Ukraine pour la démocratie » était censé soutenir la légitimité de l’ordre mondial dirigé par les États-Unis. En réalité, l’Ukraine est devenue le « signe avant-coureur d’une crise terminale », suggère Kyeyune.
La voie politique susceptible d’être suivie aux États-Unis est toutefois loin d’être évidente. Il est toutefois possible que « l’Autre projet » d’aujourd’hui, le « projet » d’inversion de la « guerre des classes occidentales », s’effondre lui aussi dans la crise (dans ce cas) du schisme sociétal américain. Le « projet » woke est improbable – une étrange construction néo-marxiste, dans laquelle une « classe opprimée » est en fait composée de l’élite des intellectuels de la discrimination positive (qui revendiquent le titre d’oppresseurs repentis), tandis que les Américains, qui travaillent dans l’industrie et dans le secteur des services faiblement rémunérés, sont à l’inverse dénigrés en tant qu’oppresseurs blancs suprématistes et anti-diversité racistes.
La Chine est elle aussi en pleine transformation : Elle se prépare à la guerre que les faucons américains « unipartites » réclament de plus en plus. Entre-temps, sa stratégie de « guerre politique » consiste à utiliser la médiation géopolitique, soutenue par une économie puissante, comme moyen non intrusif de poursuivre l’art opérationnel chinois. Ce projet a déjà remodelé le Moyen-Orient et son attrait géostratégique s’étend au monde entier.
La pratique lente et à long terme de la guerre politique du président Poutine (par opposition à « l’art » opérationnel de la Chine) est clairement conçue en tenant compte du fait que la désillusion qui s’installe lentement en Occident à l’égard du libéralisme éveillé nécessite du temps dans la chrysalide. Dans la perspective russe, cette approche de Sun Tzu (vaincre le paradigme occidental sans le combattre militairement) appelle à « l’économie de l’application militaire » dans le cadre d’une « guerre » politique globale et holistique.
L’approche russe est donc peut-être plus complexe et plus révolutionnaire : Elle englobe la réforme et l’efficacité dans tous les domaines (culturel, économique et politique) de la société russe.
La Chine rejette l’objectif explicite d’imposer un changement de comportement à l’Occident, mais pour la Russie, sa sécurité dépend du fait que les États-Unis modifient fondamentalement leur position militaire en Europe et en Asie. Cet objectif exige à la fois de la patience et l’utilisation de tous les moyens complémentaires à la disposition de la Russie (c’est-à-dire la « militarisation » effective d’outils non militaires tels que la « guerre » financière et l’énergie) pour vaincre l’ennemi – tout en restant à un certain seuil, juste avant la guerre totale.
L’Occident, en revanche, sépare conceptuellement les moyens militaires des moyens politiques, ce qui explique peut-être pourquoi les analystes occidentaux considèrent à tort que le « passage » de la Russie des procédures militaires aux pressions diplomatiques ou financières reflète une déficience ou une défaillance de la machine militaire russe. Ce n’est pas le cas. Parfois, ce sont les violons qui jouent, d’autres fois, ce sont les violoncelles. Et parfois, c’est le moment pour les grosses caisses de retentir ; c’est au chef d’orchestre de décider.
Julian Macfarlane a déclaré que la Russie avait entamé une véritable « révolution », à laquelle la Chine se joint désormais. Pour faire valoir son point de vue, Macfarlane adapte le discours de Thomas Jefferson « We hold these truths to be self-evident … » (nous tenons ces vérités pour évidentes …) et le glose en disant « … que tous les États ont un droit égal à la souveraineté, à la sécurité sans partage et au plein respect ». Il contextualise cela en se référant à Jefferson qui mettait l’accent sur la tyrannie de la Couronne britannique, tandis que Poutine formule sa doctrine de l’ordre multipolaire en opposition à la tyrannie hégémonique des « règles » des États-Unis.
Xi Jinping ne mâche pas ses mots : « Tous les pays, indépendamment de leur taille, de leur puissance et de leur richesse, sont égaux. Le droit des peuples à choisir indépendamment leur voie de développement doit être respecté, l’ingérence dans les affaires des autres pays doit être combattue, et l’équité et la justice internationales doivent être maintenues. Seul celui qui porte les chaussures sait si elles lui vont ou non ».
Il s’agit d’une doctrine qui bénéficie d’un soutien dans le monde entier. L’UE serait mal avisée de ne pas tenir compte de son attrait.
Revenons donc à Macron et au concept équidistant d’« autonomie stratégique » de l’Union européenne : Il est difficile de voir quel espace pourrait constituer un terrain médian entre « l’hégémonie des règles » homogène et la déclaration sino-russe des « droits nationaux » hétérogènes. Ce sera l’un ou l’autre (avec peut-être un petit « entre-deux » possible, si les États-Unis abandonnent leur dogme du « avec nous ; ou contre nous »).
De même, Macron met en garde l’UE contre la portée extraterritoriale du dollar américain (et donc des sanctions contre les pays tiers).
Pourtant, l’UE ne peut échapper au dollar américain. L’euro est son dérivé.
L’Europe dispose de peu d’infrastructures autonomes de fabrication de matériel de défense. L’OTAN est le cadre politique et militaire dans lequel l’UE opère. Comment échapper à un cadre OTAN qui est si étroitement lié au cadre politique de l’UE ?
L’UE est profondément divisée sur son avenir : Macron veut plus d’autonomie stratégique pour l’Europe (et Charles Michel dit que cela est soutenu par pas mal d’États membres), tandis que la Pologne, les États baltes et certains autres veulent plus d’États-Unis et plus d’OTAN, ainsi qu’une guerre continue pour détruire la Russie. La Pologne s’est révélée être un critique véhément de l’Europe occidentale, perçue comme trop molle à l’égard du Kremlin.
En effet, la guerre en Ukraine a inauguré une sorte de changement géopolitique en Europe, écrit Ishaan Tharoor, déplaçant « le centre de gravité de l’OTAN » – comme l’a récemment dit Chels Michta, un officier du renseignement militaire américain – loin de ses ancrages traditionnels en France et en Allemagne, et vers l’est, vers des pays tels que la Pologne, ses voisins baltes et d’autres anciennes républiques soviétiques. En Europe centrale et orientale, a écrit Sylvie Kauffmann, éditorialiste au journal Le Monde, « le poids de l’histoire est plus fort […] qu’à l’Ouest, les traumatismes sont plus frais et le retour de la tragédie est ressenti avec plus d’acuité ».
L’UE est également profondément divisée sur la structure : Varsovie, nerveuse à l’approche des élections générales prévues cet automne, encourage la paranoïa anti-allemande. Sa propagande suggère que les politiciens polonais de l’opposition sont des agents secrets d’un complot allemand visant à prendre le contrôle de l’UE et à imposer la permissivité dégénérée de l’Occident à la Pologne catholique hétérosexuelle – un « bastion de la civilisation chrétienne occidentale » – contrairement à Bruxelles, qui est considérée comme une conspiration « germanisée » visant à annuler le droit des nations indépendantes à établir leurs propres lois.
Jarosaw Kaczyski, chef du parti PiS, joue avec un avenir alternatif pour l’Europe. Il s’agirait d’une Europe des patries, presque sur le modèle de de Gaulle : une alliance d’États-nations pleinement souverains, au sein de l’OTAN mais indépendants de Bruxelles, qui inclurait la Grande-Bretagne après le Brexit, plutôt que les seuls membres actuels de l’UE. (Il n’y a pas de troisième « empire » de l’UE ici).
Dans un discours important, le Premier ministre polonais a souligné que le moment était venu de bousculer le statu quo à l’Ouest et de dissuader ceux qui, à Bruxelles, voudraient « créer un super-État gouverné par une élite restreinte. En Europe, rien ne peut mieux protéger les nations, leur culture, leur sécurité sociale, économique, politique et militaire que les États-nations », a déclaré Morawiecki. « Les autres systèmes sont illusoires ou utopiques ».
Les élections doivent avoir lieu cet automne en Pologne et les sondages suggèrent que le résultat sera serré.
Il semble que Macron ait ouvert une véritable boîte de Pandore. Peut-être était-ce là son intention, ou peut-être s’en moquait-il, son objectif étant avant tout national : façonner une nouvelle image dans le contexte d’un paysage électoral français changeant et turbulent.
Quoi qu’il en soit, l’UE est prise dans un tourbillon de changements géopolitiques à un moment où elle est confrontée à la possibilité d’une crise bancaire, d’une forte inflation et d’une contraction économique. La simple survie pourrait devenir plus urgente que les réflexions spéculatives de Macron sur la transformation de l’UE en une troisième force.
source : Strategic Culture Foundation
traduction Réseau International
Ukraine : La frappe meurtrière sur
l’immeuble résidentiel à Slaviansk
par un missile « russe »

par Oleg Nesterenko
Après la frappe meurtrière sur un immeuble résidentiel dans la ville de Slaviansk de la région du Donetsk, à Donbass, le 14 avril dernier, la propagande de Kiev diffuse largement la vidéo des restes d’un missile de fabrication russe en affirmant que ce sont les restes d’un missile lancé par les monstres russes, l’un de ceux qui ont touché l’immeuble.
La propagande sur les missiles russes bombardant les civils, répétée à de nombreuses reprises dès le début de la phase active du conflit en Ukraine est largement et aveuglement reprise par les mainstream médias occidentaux, sans le début d’une moindre vérification des faits.
Aujourd’hui, l’appareil de propagande du régime de Kiev a fait, une fois de plus, une grave erreur en montrant le numéro de série de la fusée (plus précisément, du moteur de celle-ci) : 5V55. Pourquoi ceci est une grave erreur ? C’est très simple : ce numéro 5V55 (5B55 en russe) est celui attribué à la première série du complexe S-300 PS de la défense aérienne. À savoir, que cela est justement l’un des seules trois systèmes de missile anti-aérien que les forces armées ukrainiennes disposent depuis 1991 (hormis les toutes nouvelles livraisons des systèmes occidentaux) : S-300 PT, S-300 PS et S-300 V.
En ce qui concerne les unités de la défense aérienne des forces armées de la Fédération de Russie, elles ont été intégralement rééquipées des années auparavant, bien avant le début du conflit en Ukraine, par la version ultérieure et profondément modernisée de ce système de défense. Version structurellement distincte et qui comporte des numéros de séries complètement différents de ceux affichés sur le corps du propulseur exposé par l’Ukraine actuellement.
Plus un seul système S-300 PS n’est en service au sein de l’armée russe.
Ainsi, l’appareil de propagande de Kiev, sans le vouloir, confirme que l’attaque meurtrière contre l’immeuble résidentiel à Slaviansk – ville, dont la majorité de la population est profondément pro-russe – a été infligée par un missile de leur propre système de défense antiaérienne.
Ce fait malheureux est, en soit, pas étonnant, étant donné que les forces armées ukrainiennes placent une partie de leurs lanceurs obsolètes équipés souvent de missiles défectueux, faute d’âge, directement sur les territoires des villes, en total violation du droit international humanitaire. Par ailleurs, l’utilisation des missiles S-300 dans le ciel au-dessus de zones densement peuplées n’est nullement dissimulée par les autorités ukrainiennes qui se vantent régulièrement d’avoir abattu des fusées russes au-dessus de telle ou telle ville ukrainienne.
À noter que ce type d’« accident » n’arrive gère pour la première fois. Parmi les derniers, les plus connus, celui en date du 8 avril 2022, quand exactement la même modification obsolète du missile antiaérien a frappé la gare de la ville de Kramatorsk. De même que pour le projectile tombé sur l’immeuble résidentiel à Slaviansk, le numéro de série de celui retrouvé sur le lieu du massacre à Kramatorsk était bien celui en service dans les forces armées ukrainiennes. Vu que des restes de la fusée du même système ont été retrouvés par les forces pro-russes sur leurs positions bombardées dans le Donbass dès 2015 et qu’ils comportaient des numéros de séries extrêmement proches de celui explosé le 8 avril 2022 – même l’unité précise des forces antiaériennes de l’armée ukrainienne qui les a lancés a été déterminée. Une affaire judiciaire est instruite et le tribunal du Donetsk attend les responsables pour les traduire en justice.
Nul besoin de commenter en détail un autre cas connu, quand ce même modèle de missile ukrainien est tombé sur le territoire de la Pologne, le 15 novembre 2022, et y faisant une victime civile. Une déclaration du mensonge prémédité de Zelensky a immédiatement suivi le méfait en accusant la Russie. Même après l’apport des preuves matérielles indiscutables du contraire par la Pologne, qui a dû le faire, vu l’évidence flagrante des faits, et non pas suite au zèle vis-à-vis de la vérité – aucun réel retour formel, direct et officiel sur sa déclaration n’a jamais eu lieu de la part de Kiev et aucune prise de responsabilité n’a toujours pas eu et, d’ailleurs, n’aura jamais lieu.
Bien évidemment, le pouvoir ukrainien a trouvé la parade, l’unique possible, pour expliquer ces faits plus que gênants en déclarant haut et fort que l’armée russe continue à utiliser les missiles de cette modification obsolète pour la raison que leurs missiles plus modernes sont à deux pas d’être épuisés. La première déclaration de Kiev sur l’épuisement imminent des missiles modernes russes date du mois de mars 2022 – second mois de la confrontation. Tout au long de l’année qui a suivi, cette annonce farfelue a été répétée à des nombreuses reprises, sans se soucier du fait que chaque mois suivant la réalité sur le théâtre des opérations démontrait le contraire.
En parlant de l’utilisation des systèmes S-300 par la Russie, Kiev en tire un double bénéfice : d’une part, en se soustrayant de sa responsabilité sur des crimes commis contre sa propre population, d’une manière volontaire ou involontaire ; d’autre part, en remettant cette lourde accusation sur les forces armées russes, le régime ukrainien fournit un des éléments clés pour le fonctionnement de l’appareil de la propagande « atlantiste » qui n’a certainement guère besoin de la moindre preuve à l’appui dans le cadre de la guerre de la désinformation qu’elle mène vis-à-vis de la population occidentale, afin de continuer à recevoir l’approbation de la majorité pour la continuation de l’alimentation militaro-financière de la guerre en Ukraine.
Les déclarations sur l’utilisation par l’armée russe des système obsolètes S-300 PS comportant les numéros de série 5V55 sont mensongères et totalement coupées de la réalité.
N’ayant passé dans ma jeunesse qu’une année dans les murs d’une école militaire supérieure du commandement des régiments des missiles stratégiques de la Fédération de Russie, mais en ayant, néanmoins, toujours de bons contacts auprès des officiers des divers régiments russes de missiles qui sont une excellente source d’information sur le sujet, il ne m’est pas difficile d’exposer très en détail les preuves techniques prouvant les mensonges orchestrés par le régime de Kiev.
Un tel exposé prendra plusieurs pages – je me retiens donc de le produire au sein de cet article. Cela étant, je mets au défi les journalistes à l’esprit corrompu et principes moraux discutables des mass-médias de la propagande « atlantiste » russophobe de me présenter leurs « preuves » de l’origine russe des crimes de guerre en question et de m’obliger, ainsi, à présenter un dossier complet sur le sujet qui sera la preuve de leur profonde incompétence et amateurisme dans le métier de journaliste qu’ils n’ont pas dû choisir et dont l’action frôle le crime, tout au moins sur le plan moral, vu les ravages qu’elle cause dans les esprits des masses crédules.
La débandade

par Patrick Reymond
Des nouvelles de la guerre, la vraie, avec des centaines de morts et des milliers de blessés, essentiellement des innocents, mitraillés simplement parce qu’ils étaient là.
Une puissance d’occupation vient d’abandonner ses positions avancées, après avoir essayé de les tenir et avoir gaspillé un argent et un équipement monstrueux pour le tenir. Le dispositif général est disloqué et annonce d’autres retraits ultérieurs, après avoir été, brièvement, soulagé.
La propagande pérorait et les autorités politiques jacassaient, avant, bien sûr, que ce pouvoir politique soit remplacé.
Ce territoire abandonné, c’est un cimetière d’empire bien connu.
Tout le monde, bien entendu, aura compris. Je vous parle de Chicago, de ses ghettos, où Wal-Mart a jeté l’éponge et fermé 4 magasins, n’en laissant plus que 4 autres, et les trous dans la raquette de ses implantations sont irréparables. En effet, Wal-Mart avait imité les révolutionnaires français, et mis une distance minimum entre bassins de population et centre de distributions.
Ces 4 Wal-Mart n’avaient jamais été rentables, et comme tout empire en décomposition, il abandonne ses positions trop avancées.
Bien sûr, les « soldats », ses employés, sont de la chair à canon, mal payée, souvent obligés de se nourrir avec des bons alimentaires tellement les salaires sont maigres. Des avocats célèbres, les Clinton, ont été réputés avoir commencé leur carrière comme avocats travaillant pour Wal-Mart, à empêcher les syndicalisations.
On voit donc le problème apparaitre, ceui d’une guerre interne, et d’une lutte des classes violentes. Les bourgeoisies sont en état d’agression contre les peuples. On dit que les USA profitent du prix du gaz en Europe ? Faux. L’exportation du GNL entraine la hausse des prix à l’interne et du prix de l’électricité. Une petite frange de chaque bourgeoisie profite de cette guerre des classes généralisée. Le consommateur américain qui ne produit plus rien, est sensé acheter chez Wal-Mart avec de l’argent qu’il n’a pas, qu’il gagne avec difficulté, qu’il emprunte ou qu’il vole…
Les quartiers de Chicago ravagés par la guerre de la drogue ont trouvé une activité palliative à la fin de l’économie productive. Mort violente assurée, mais rémunération cent fois supérieure à celle de Wal-Mart. Pour les plus habiles, entrée à la Maison-Blanche.
Il y a divergence flagrante entre le sort ACTUEL de la petite bourgeoisie, et celle du reste du peuple. Pour le moment, le macronien de base profite encore.
« Mais le coût de maintien de ce système de pillage devient tellement élevé par les dépenses militaires, dépenses de police, cout du dysfonctionnement généralisé que peu à peu cette petite bourgeoisie est autant laminée que si l’exploitation cessait ! »
De fait, la bourgeoisie a oublié l’histoire. Elle se voit supérieure au négro, bougnoule, niakoué, tout en professant un anti-racisme avantageusement remplacé par un suprémacisme qui peut s’appliquer aussi au petit blanc. En bref, à tous ceux qui pourraient s’attaquer à son gout du fric et du clinquant.
De fait, l’esclavage mental des bourgeoisies, c’est le syndrome du larbin. Obnubilé par ses sous, le petit bourgeois, en même temps, ne comprend rien à la finance. Et au système financier tel qu’il existe.
Pour résumer, le macronisme est une bourgeoisie en guerre contre le reste de la population au profit du 1%. Mais comme l’histoire nous l’apprend, elle ne se finit jamais. (l’histoire).
source : La Chute
Des habitants de Bakhmout
accusent les soldats ukrainiens
d’enlever des enfants

par Christelle Néant
Le 11 avril 2023, le média russe RIA FAN publiait un reportage glaçant, lors duquel une famille évacuée de Bakhmout (Artiomovsk) par le groupe Wagner, accuse les soldats ukrainiens d’enlever des enfants à leurs parents ou à leurs proches. La question qui vient immédiatement à l’esprit c’est pourquoi et où ces enfants sont-ils emmenés ?
La petite Milania, 11 ans, témoigne lors de ce reportage de ce qu’elle a vu et de ce qu’elle a vécu à Bakhmout (Artiomovsk), lorsque le quartier où elle se trouvait avec ses grand-parents était encore sous contrôle ukrainien.
Elle raconte ainsi comment des soldats ukrainiens d’une unité appelée « Anges blancs » (qui rappelle méchamment le nom de l’organisation terroriste pseudo-humanitaire des « Casques blancs » en Syrie) ont emmené de force une enfant de quatre ans, sous les yeux de ses parents qui n’ont rien pu faire face aux armes pointées sur eux.
Ces mêmes soldats ukrainiens ont tenté d’enlever Milania à ses grand-parents à plusieurs reprises, allant même jusqu’à prétendre que la mère de la petite avait été tuée par la Russie, alors qu’elle était bien vivante dans une autre ville du Donbass ! Mais comprenant qu’il s’agissait d’un mensonge, les grand-parents et les habitants du quartier ont caché Milania afin de lui éviter de subir le même sort que l’enfant enlevé devant les yeux de ses parents.
Voir le reportage filmé par RIA FAN, sous-titré en français :
Fait troublant, lors d’une de ces tentative d’enlèvement, les soldats ukrainiens ont prétendu qu’ils devaient emmener Milania en Allemagne. Pourquoi en Allemagne ? Pourquoi pas dans une autre région d’Ukraine ?
Et ce témoignage n’est pas le seul. Le 3 avril, Natalia Tkatchenko, une habitante de Bakhmout (Artiomovsk), a raconté à RIA Novosti, comment non seulement les soldats ukrainiens de l’unité « Anges blancs » mais aussi ceux de l’unité « Phénix », emmenaient les enfants de force afin d’obliger les parents à partir pour le territoire ukrainien. S’ils refusaient de partir de Bakhmout (Artiomovsk) avec leurs enfants, les soldats ukrainiens enlevaient ces derniers purement et simplement.
Elle explique qu’après que le régime de Kiev a annoncé l’évacuation de Bakhmout (Artiomovsk), les habitants ont été invités à partir en Ukraine avec leurs familles et, peu après, les enfants ont été envoyés en masse dans des camps et des sanatoriums.
« Les enfants partaient en vacances et n’en revenaient pas, et les parents étaient obligés d’aller en Ukraine, même s’ils ne le voulaient pas. Puis, au bout d’un certain temps, l’évacuation forcée des enfants par les unités « Anges blancs » et « Phénix » a commencé. Il s’agissait de militaires en uniforme qui se rendaient dans les maisons, dans les sous-sols, à la recherche d’enfants et qui les emmenaient sous la contrainte, par la force. Si les parents étaient d’accord, ils pouvaient les accompagner. Si les parents étaient contre, ils emmenaient les enfants. Il y a donc eu une période où nous avons simplement caché nos enfants », a déclaré Natalia Tkatchenko.
Elle a ajouté que des enfants étaient cachés dans des appartements vides – où ils n’avaient jamais été vus auparavant – et que cela a duré deux ou trois semaines en février.
« J’ai personnellement caché une fillette de quatre ans. Elle savait ce qu’était « Phénix », qu’elle devait se cacher. Lorsqu’on lui disait « Silence ! », elle s’asseyait silencieuse comme une souris. L’une après l’autre, nous regardions par la fenêtre pour surveiller ces voitures – si une voiture s’arrêtait dans la cour ou commençait à allumer ses phares quelque part, les adultes prenaient rapidement les filles, allaient à d’autres étages dont ils avaient les clés, dans des appartements froids. Ils les enfermaient, elles restaient assises comme des souris jusqu’à ce que les voitures s’éloignent, puis retournaient dans l’appartement chaud pour se réchauffer », a déclaré la femme.
Si ces témoignages d’enlèvements d’enfants par des soldats ukrainiens à Bakhmout (Artiomovsk) sont aussi inquiétants, c’est que comme le révèle ce reportage d’Arte, publié en 2019, un enfant sur 10 victime de la traite dans le monde vient d’Ukraine !
Or, je rappelle qu’en 2014, l’Ukraine a déjà déporté de force des enfants du Donbass vers d’autres régions, et que plusieurs centaines de ces enfants ont purement et simplement disparu des radars. Où sont partis ces enfants, et ceux enlevés par les soldats ukrainiens à Bakhmout (Artiomovsk) ? La mention de l’Allemagne lors de la tentative d’enlèvement de Milania a de quoi faire craindre que ces enfants se retrouvent ensuite envoyés à l’étranger pour toutes sortes de trafics.
Au lieu d’accuser Vladimir Poutine de déporter des enfants ukrainiens, la CPI ferait mieux de se pencher sur le vol pur et simple d’enfants du Donbass par les soldats ukrainiens à Bakhmout (et sûrement ailleurs près de la ligne de front), et sur les éventuels trafics dont ils sont les victimes !
source : Donbass Insider
Les armées privées font des ravages

par Thomas Fazi
Les mercenaires prospèrent tandis que la démocratie se meurt…
La semaine dernière, la Russie a affirmé avoir pris le contrôle de la ville de Bakhmout après une bataille de huit mois avec les forces ukrainiennes – le combat le plus long et le plus sanglant de la guerre jusqu’à présent. L’assaut n’a toutefois pas été mené par les forces armées russes, mais par une armée privée qui se bat aux côtés des troupes russes régulières depuis l’invasion : le tristement célèbre groupe Wagner.
Le groupe Wagner a toujours été entouré de mystère. Dans les premiers jours de la guerre, des rapports ont souligné la nature secrète de ses opérations militaires, y compris un complot visant à assassiner Zelensky et son cabinet. Jusqu’à récemment, l’existence même d’une société enregistrée sous le nom de « Wagner » n’était pas claire.
Tout a changé en septembre 2022, lorsque Yevgeny Prigozhin, un proche allié de Poutine, a publié une déclaration affirmant qu’il avait fondé le groupe en 2014 pour « protéger les Russes » lorsque « le génocide de la population russe du Donbas a commencé ». Puis, en janvier de cette année, il a décidé de rendre les choses officielles, en enregistrant Wagner en tant qu’entreprise et en ouvrant son siège « PMC Wagner Center » à Saint-Pétersbourg. Il n’a pas caché ses activités : comme l’indique clairement le nom de la société, qui figure également sur le logo du groupe, le groupe Wagner est une PMC : une société militaire privée, également connue sous le nom de groupe de mercenaires. Le gouvernement russe a été contraint de reconnaître son existence. Le statut clandestin du groupe Wagner a été officiellement abandonné.
À bien des égards, la sortie de l’ombre de Wagner symbolise la nature changeante de la guerre moderne, dans laquelle le paradigme clausewitzien traditionnel – fondé sur une distinction claire entre public et privé, ami et ennemi, civil et militaire, combattant et non-combattant – a cédé la place à une réalité beaucoup plus désordonnée, dans laquelle les armées d’État se battent désormais régulièrement aux côtés de groupes paramilitaires et mercenaires privés et/ou d’entreprise. Les conflits actuels, même lorsqu’ils sont violents par nature, se déroulent souvent dans une « zone grise », en deçà du seuil de l’action militaire conventionnelle ; les États adversaires s’affrontent de plus en plus par l’intermédiaire de mandataires ou de substituts – y compris des armées privées – plutôt que par l’intermédiaire de leurs propres forces armées. Et il ne s’agit pas seulement d’un problème russe : le rôle de plus en plus central des sociétés militaires et de sécurité privées (SMSP) dans la guerre moderne est un phénomène mondial.
Les armées privées existent depuis des siècles. Au cours des dernières décennies, le recours aux mercenaires a été particulièrement répandu pendant la guerre froide, notamment en Afrique, dans le contexte de la décolonisation et des guerres civiles qui en ont découlé. Entre les années soixante et le début des années quatre-vingt, l’Occident a eu largement recours aux mercenaires pour empêcher les colonies d’accéder à l’indépendance ou pour déstabiliser ou renverser les gouvernements nouvellement indépendants, comme en République démocratique du Congo, en République du Bénin et en République des Seychelles.
À l’époque, il n’existait pratiquement aucun cadre juridique international concernant le mercenariat. Ce n’est qu’en 1977 que les Conventions de Genève en ont donné une définition juridique internationale. Un mercenaire est une personne recrutée pour combattre dans un conflit armé, qui prend une part active et directe aux hostilités et qui n’est ni un ressortissant d’une partie au conflit ni un résident d’un territoire contrôlé par l’une d’elles. Il s’agissait d’une définition très étroite, mais qui, à la demande des nations nouvellement indépendantes, a été spécifiquement conçue pour répondre à l’utilisation de mercenaires par l’Occident contre les gouvernements post-coloniaux.
Cela a conduit à la nomination, en 1987, d’un rapporteur spécial sur le recours aux mercenaires, puis, en 1989, à la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires, qui est entrée en vigueur en 2001 et a ajouté une clause spécifiant que les mercenaires étaient des personnes qui sapaient les gouvernements légitimes – une autre clause qui reflétait implicitement les préoccupations des pays postcoloniaux. À ce jour, la Convention – qui reprend pour l’essentiel le libellé de la définition de 1977 – représente la définition juridique internationale du mercenariat.
En conséquence, au cours des années 90, le nombre de sociétés militaires et de sécurité privées a considérablement augmenté. Elles ont cherché à distancer leurs activités de la définition juridique du mercenariat en se présentant comme des entités commerciales officielles offrant des services de sécurité et de défense « légitimes », prétendument distincts de ceux des groupes mercenaires malhonnêtes. Et, dans l’ensemble, elles y sont parvenues. Au cours de cette seule décennie, les SMSP auraient formé les armées de 42 pays et pris part à plus de 700 conflits.
Cette croissance s’inscrit également dans un contexte plus large. L’influence croissante de la logique néolibérale de rationalisation et de déréglementation économiques au cours des années 90 a également poussé les États à privatiser et à externaliser de nombreuses fonctions et services gouvernementaux – y compris la guerre. La sécurité en est venue à être perçue comme une marchandise, un service comme un autre qui pouvait être vendu et acheté sur le marché. Cette évolution s’inscrit également dans le cadre d’une tendance plus large au transfert des prérogatives nationales à des acteurs supranationaux ou, comme dans le cas présent, à des acteurs non étatiques, afin d’éloigner le processus décisionnel des institutions démocratiques. Cette tendance a été aggravée par la réduction des effectifs des forces armées nationales à l’échelle mondiale, qui a également élargi le bassin de recrutement des SMSP.
Bien que les SMSP aient commencé par vendre leurs services principalement aux pays en développement et aux États dits en déliquescence confrontés à des crises politiques, les gouvernements occidentaux, en particulier les États-Unis, ont commencé à les utiliser également vers le milieu des années 90. En les chargeant de soutenir, de former et d’équiper les forces militaires et de sécurité de gouvernements amis, notamment en ex-Yougoslavie, les puissances occidentales ont pu promouvoir leurs intérêts et leurs programmes de politique étrangère, tout en évitant de s’impliquer dans des conflits impopulaires, voire en contournant les contraintes nationales ou internationales en matière de déploiement de troupes. À la fin de la décennie, les ONG (telles qu’Oxfam) et même les Nations unies en sont venues à dépendre fortement des SMSP pour leur propre sécurité et même pour les missions de maintien de la paix.
En ce sens, les SMSP n’ont pas remplacé le rôle des États, mais l’ont plutôt intégré. Dans certains cas, elles ont même renforcé la puissance militaire de l’État, en permettant aux gouvernements de s’engager dans des formes de guerre qu’ils n’auraient pas pu entreprendre autrement, de peur de provoquer une réponse militaire conventionnelle de la part d’États plus puissants, tout en échappant au contrôle de l’opinion publique. Les activités du groupe Wagner dans plusieurs pays d’Afrique et du Moyen-Orient – tels que la Syrie, la Libye, la République centrafricaine et le Mali – en sont une bonne illustration, dans la mesure où elles ont permis à Moscou de nier de manière plausible ses interventions à l’étranger et les violations présumées des droits de l’homme commises par Wagner.
Au fil des ans, divers efforts ont été déployés pour réglementer ce nouveau phénomène au niveau international, ce qui a abouti à la création d’un groupe de travail des Nations unies sur l’utilisation des mercenaires en 2005. Mais ces organismes ont, dans l’ensemble, échoué. Aujourd’hui, le secteur reste largement non réglementé et fonctionne dans un vide juridique de fait. Les SMSP ne peuvent être considérées comme des soldats ou des milices de soutien au sens du droit international humanitaire, puisqu’elles ne font pas partie de l’armée ou de la chaîne de commandement, mais elles ne peuvent généralement pas non plus être considérées comme des mercenaires au sens de la définition juridique étroite adoptée par les Nations unies. Dans le conflit actuel en Ukraine, par exemple, le groupe Wagner ne peut être considéré comme un groupe de mercenaires au regard des normes juridiques, pour la simple raison que ses membres sont des ressortissants de l’une des parties au conflit.
Ces sociétés militaires privées n’ont guère de comptes à rendre et se caractérisent par un « manque fondamental de transparence et de contrôle [de leurs opérations] », comme l’a noté le groupe de travail des Nations unies en 2021. En effet, il a suggéré que cela est parfois « fait précisément avec l’objectif inquiétant de fournir un « déni plausible » de l’implication directe dans un conflit ». Une meilleure réglementation serait bien sûr la bienvenue, mais elle ne changerait rien au fait que les armées d’entreprise sapent intrinsèquement la responsabilité démocratique – sans doute l’une des raisons qui les rendent attrayantes pour les États en premier lieu.
Plus fondamentalement, nous avons affaire ici à la légalisation et à la normalisation du mercenariat. La seule différence réelle entre les sociétés traditionnelles de location de fusils et les SMSP est que ces dernières sont souvent des entreprises légalement constituées et dotées de structures organisationnelles. Cela leur confère une légitimité et, théoriquement, facilite le contrôle de leurs actions et les poursuites judiciaires. Mais en fin de compte, elles restent, à toutes fins utiles, de « nouvelles modalités de mercenariat », comme l’a même affirmé l’Assemblée générale des Nations unies il y a quelques années.
Le rapport de l’ONU reconnaît que l’industrie militaire et de sécurité privée est un phénomène mondial en pleine expansion. Si l’accent est mis aujourd’hui sur l’affaire Wagner, le véritable essor du mercenariat s’est produit lors des interventions militaires menées par les États-Unis en Afghanistan et en Irak. Dans les deux cas, les États-Unis se sont fortement appuyés sur des SMSP telles que DynCorp et Blackwater (aujourd’hui connue sous le nom de Constellis). À certains moments, le nombre de contractants sur le terrain a même dépassé celui des troupes américaines. En 2006, on estimait à au moins 100 000 le nombre d’employés de SMSP en Irak travaillant directement pour le ministère américain de la défense.
Et comme Wagner aujourd’hui, ils ont été impliqués dans plusieurs violations des droits de l’homme dans le pays. Blackwater, par exemple, la SMSP la plus connue en Irak, a été impliquée dans le massacre de 17 civils irakiens en 2007 (qui a conduit à la condamnation de quatre employés de Blackwater), tandis que d’autres SMSP ont été impliquées dans le scandale de la prison irakienne d’Abu Ghraib (bien qu’aucune n’ait été poursuivie) et auraient participé au programme de « restitutions extraordinaires » de la CIA – l’enlèvement et le transfert forcé d’individus vers des lieux connus pour leur pratique de la torture. Malgré ces échecs évidents, à l’été 2020, les États-Unis comptaient plus de 20 000 contractuels en Afghanistan, soit environ deux fois plus que les troupes américaines. Avant cela, en 2017, Erik Prince, fondateur de Blackwater, avait proposé de privatiser entièrement l’effort de guerre dans ce pays.
Qu’est-ce qui peut bien inspirer une telle audace ? Eh bien, si les conflits irakien et afghan sont généralement considérés comme une gaffe stratégique pour les États-Unis, sans parler d’une tragédie humanitaire, ils ont été une aubaine pour le secteur des SMSP : jusqu’en 2016, le département d’État américain a dépensé 196 milliards de dollars en contrats ave des SMSP pour la guerre d’Irak, et 108 milliards de dollars pour la guerre d’Afghanistan. Et les affaires n’ont pas ralenti : en 2022, le secteur des SMSP – dont les plus grandes entreprises sont désormais américaines ou britanniques – était évalué à 260 milliards de dollars et devrait atteindre une valeur d’environ 450 milliards de dollars d’ici à 2030. La plus grande SMSP au monde, la société britannique G4S, emploie à elle seule plus de 500 000 personnes et est présente dans plus de 90 pays.
Faut-il s’en étonner ? En fin de compte, la croissance du secteur des SMSP n’est qu’un exemple supplémentaire de la manière dont les transformations économiques de ces dernières décennies ont estompé la frontière entre la sphère publique et la sphère privée au point de la rendre indiscernable. Le résultat a été la montée en puissance d’un Léviathan étatique et corporatiste qui s’est emparé de tous les secteurs de l’économie – soins de santé, banques, énergie, technologie – et qui s’est maintenant emparé également du domaine de la guerre, au détriment du contrôle et de la surveillance démocratiques. Cela vaut pour la Russie comme pour les pays occidentaux. Si le conflit en Ukraine nous a bien appris quelque chose, c’est que la guerre est aujourd’hui une affaire plus importante qu’elle ne l’a jamais été. Il n’est donc pas étonnant que la paix – en Ukraine ou ailleurs – semble constamment hors de portée.
source : Unherd via Aube Digitale