HISTOIRE DU COMTE DE NICE par l'écrivain-historien Niçois THIERRY JAN
HISTOIRE DU COMTE DE NICE par TIERRY JAN
NUMÉRO : 13
LA VIE INTELLECTUELLE
Rue Pastorelli on trouve l’Excelsior au 39 et l’Eldorado. En avril 1914 Pierre Ivaldi prend la direction de l’Eldorado pour la saison estivale. Nice essaye en effet de créer une saison d’été pour faire suite à celle d’hiver, les bains de mer devenant petit à petit à la mode. Il avait programmé la troupe italienne « Magnani ». D’autres théâtres animent la vie culturelle : il y a entre autres, le Politéama créé en 1892, le théâtre français de Nice que l’on nomme aussi l’opéra-comique et qui jouera de 1879 à 1885, son directeur étant monsieur Cortellazzo. Le théâtre des Folies Niçoises dirigé par monsieur Paroli, recevra la 27 février 1875, la première troupe de théâtre italien. Le music-hall d’été ou les Ambassadeurs qui donneront des représentations de 1907 à 1911, avant que le maire Sauvan l’interdise ainsi que l’Alcazar d’été pour tapage. C’est Tiranty qui créera le premier « Théâtre de verdure » sur la pelouse sise derrière le théâtre municipal. En 1913 circulera une pétition pour la réouverture de l’Alcazar d’été du boulevard Mac Mahon ou du pont vieux et une autre sous forme de lettre anonyme pour demander le maintien de sa fermeture. C’est pour des raisons de sécurité que le théâtre Risso ou théâtre niçois sera fermé en 1886. L’éclairage était au gaz et les risques d’incendie très importants. Malgré les consignes draconiennes de sécurité, un an plus tard, le théâtre Italien ou opéra sera détruit par un incendie, causant une immense tragédie. Notre liste serait incomplète si nous ne citions pas le théâtre de la famille Parisiani du 29 avenue Malausséna qui de 1908 à 1919 monta des pièces aux critères moraux strictes et surtout très ligne bleue des Vosges, avec l’éloge des vertus patriotiques. Le petit théâtre Maccarani de 1776, se trouve après la restauration trop exiguë. Aussi il est rasé en 1826, laissant place au théâtre Italien, lequel sera inauguré en 1828. Il va successivement s’appeler : Théâtre Royal, Impérial après le rattachement et Municipal en 1871. Le mercredi 23 mars 1881, ce devait être la création de Lucia di Lamermoor, la salle était comble. En quelques instants, la salle s’embrase suite à une explosion de gaz, c’est l’horreur et la panique. Ce n’est que le lendemain que l’on aura circonscrit l’incendie. Il y aura plus de 200 morts. Après maintes hésitations sur le lieu de construction d’un nouvel opéra ; certains souhaitaient le pied du château, d’autres la Terrasse, quelques-uns suggéraient le square des Phocéens, on songeait même à édifier la nouvelle salle devant la gare. C’est finalement au lieu et place de l’ancien édifice que sur les plans de François Aune, lesquels approuvés par Charles Garnier, on décida le 7 novembre 1882, la construction du nouvel Opéra.
Le 7 février 1885 il était inauguré, l’affiche étant Aïda. La vie intellectuelle ne se limite pas au théâtre ou à l’opéra. La Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes Maritimes est créée le 22 octobre 1861. C’est monseigneur Sola évêque de Nice qui en assure la première présidence. A son origine elle est volontairement limitée à 40 membres. Le 25 août 1879 le président de la république : Jules Grévy et son ministre de l’instruction publique : Jules Ferry, signent le décret la reconnaissant d’utilité publique. En 1911 pour fêter son cinquantenaire, c’est un membre de l’académie française : Gabriel Hanotaux qui préside les festivités. Des hommes illustres comme Camille Flammarion ou Frédéric Mistral en ont été membres. Le préfet des Alpes Maritimes, l’évêque et le maire de Nice en sont présidents d’honneur.
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PATISSERIES ET RESTAURANTS AVANT 1914
La chocolaterie Cima, est la plus ancienne de Nice. Elle existe depuis 1750, en 1873 elle emploie une douzaine d’employés dont le salaire va de 2 à 4 francs. Elle se situe rue de la préfecture au 24, proche de la place saint Dominique et de l’hôtel d’York ou du palais. On n’oubliera pas la fabrique de fruits confits de Joseph Escoffier. Elle se trouve rue de France, vers la croix de marbre, ce quartier majoritairement habité par la colonie britannique. Les pâtissiers confiseurs sont nombreux. On commencera par le plus prestigieux, celui qui a les colonies étrangères pour clientèle, je veux parler de Vogade qui est idéalement installé sous les arcades de la place du jardin public qui deviendra Masséna. D’autres maisons ont aussi leur renommée, on peut citer entre autres : Auer depuis 1820 officie en face de l’Opéra, dans la rue saint François de Paule qui fut avant le rattachement la promenade chic qui menait au pré aux oies. Rumpelmayer qui au 26 du boulevard récemment baptisé en l’honneur de Victor Hugo, se trouve dans ce quartier bourgeois en plein développement.
Les frères Peyrani qui officient 22 rue du pont vieux et 17 rue du Collet. Guitton et Rudel 31 avenue de la gare et pour terminer cette évocation gourmande : Cogerey et Laurent sont quant à eux au 4 place du jardin public ou Masséna. Après les plaisirs sucrés, nous allons découvrir ceux de la table avec des restaurants qui furent en leur temps réputés. Les guides touristiques vantent certains établissements aux touristes. On peut remarquer certains d’entre eux qui sont conseillés : Le restaurant du cours et du palais d’Emile Lantéri 30 cours Saleya, la ferme Bretonne ou casino
de Cimiez. Le restaurant du Elder tenu au 4 place Masséna par monsieur Terrassier, où se trouve déjà un pâtissier confiseur.
L' ancien Casino municipal sur la Place MASSENA
C’étaient les commerces d’agrément de l’îlot du Casino municipal avec le café Monot. Monsieur Schubel tient le restaurant de la marine 15 rue hôtel des postes. Le chapeau vert qui au 28 boulevard du pont neuf est géré par madame Boccardi Cette liste est bien entendu incomplète Il faudrait un ouvrage unique pour traiter ce sujet et nous avons voulu remémorer ceux qui furent et qui pour certains sont toujours, les références obligées de la pâtisserie et de la table à Nice. Le tourisme se développait aussi à Cannes, Menton et Monaco, mais ces trois cités ne font pas parties du Comté et il eut donc été hors sujet de nommer leurs restaurants ou pâtisseries.
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LES PRINCIPAUX SERVICE PUBLICS A NICE AVANT 1914
Le service des Postes est un des plus importants, surtout dans une ville vouée au tourisme. La clientèle doit pouvoir correspondre d’une manière rapide et efficace. L’hôtel des postes se trouve place de la liberté. C’est après la chute de l’empire qu’elle changea de nom. Auparavant elle se nommait place des platanes. Après la première guerre mondiale, elle sera de nouveau débaptisée en hommage au président des Etats-Unis « Wilson ». La poste principale est secondée par trois autres bureaux : Place Garibaldi, place Grimaldi et avenue de la gare (Jean Médecin aujourd’hui). L’instruction publique, celle qui luttera contre l’analphabétisme se développe dans le Comté Nice dépend de l’académie d’Aix en Provence. Il y a une école normale d’instituteur route de la corniche ou de Gènes, boulevard Bischoffsheim aujourd’hui.
Le Lycée MASSENA sur l'Avenue Félix-Faure
Il y a deux lycées de garçons et un de fille. Le lycée de Nice avenue Félix Faure, qui deviendra le lycée Masséna. Le petit lycée de Nice rue Carabacel, aujourd’hui disparue, suite à la construction de la voie rapide et du tunnel Malraux. Le lycée de jeunes filles avenue Beaulieu qui en 1919 devient l’avenue Foch. La justice est un des pouvoir régalien de l’État. Le rattachement a déclassé Nice sur le plan juridique. Avant 1860 Nice était Cour d’appel. Maintenant il faut se déplacer à Aix-en-Provence pour interjeter appel contre une décision d’instance. Dans le Comté, il y a deux tribunaux d’instance : Nice et Puget Théniers qui restera sous-préfecture et tribunal jusqu’en 1926. On trouve aussi : un tribunal de commerce et un conseil des prud’hommes.
L'Hôpital public SAINT ROCH
La santé s’organise autour de l’hôpital public. Ce dernier au moment du rattachement n’a pas le sens qu’on lui connaît aujourd’hui. Il s’occupe surtout des pauvres, des indigents, des vieillards et des orphelins. C’est des salles communes où néanmoins un minimum d’intimité est assuré. Chaque malade a son écuelle, son assiette, deux cruches et un pot de chambre. Selon les besoins, on fournit également : des biberons, des crachoirs, des urinoirs et des bassins. Avant le premier conflit mondial, Nice est dotée d’hôpitaux qui ont leurs origines pour saint Roch fin du XVIIIème début du XIXème, l’hospice de la Charité au camp long avenue de la gare date de 1858. En 1849 l’archiconfrérie de la très sainte croix « SSS » ou pénitents bleus, construit route royale, aujourd’hui rue de la République la clinique sainte croix. Saint-Pons ou Pasteur ne sera construit qu’en 1909 et n’aura que trois pavillons disponibles à la déclaration de guerre.
L'ancien hôpital SAINT PONS OU PASTEUR
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LES CULTES Á NICE
L’église catholique tient une place très importante dans le Comté. La ville de Nice a toujours été un évêché. Au IV° siècle on cite Armentius comme évêque. Il y a un grand séminaire boulevard Washington. Ce boulevard est divisé aujourd’hui en deux parties de part et d’autre du boulevard de Cimiez : Boulevard Georges V et boulevard Léopold II (roi des Belges qui séjourna souvent à Nice). Le petit séminaire se trouve boulevard de l’impératrice de Russie, aujourd’hui boulevard Franck Pilate. La vieille ville est très bien pourvue en édifices du culte et c’est une véritable visite de l’art baroque : cathédrale sainte Réparate, le Gésu, saint Dominique, saint Martin, sainte Rita qui est peut-être la plus belle et sans oublier les quatre chapelles de pénitents dont les noirs cours Saleya et les bleus place Garibaldi sont les plus remarquables.
Notre Dame du port, le Vœux sur la rive droite du Paillon, Cimiez, saint Roch, saint Etienne et saint Barthélemy qui date du XVII° et fut un couvent Capucin. Dans les nouveaux quartiers, on trouve saint Pierre d’Arène qui d’une petite chapelle de 1780, successivement agrandie en 1846 et 1876, laissera la place à une église imposante en 1925 et Notre Dame avenue de la gare. L’église Catholique est divisée entre séculiers ou les prêtres et curés et réguliers. Dans un rapport de la préfecture sur les cultes, on relève en 1878, des couvents, des congrégations et des sociétés charitables.
On peut citer entre autres : Les frères mineurs à Cimiez et Capucins à saint Barthélemy, à saint Pons les oblats de Marie de l’Assomption. Les dames de sainte Marie de l’Assomption, les sœurs du saint sacrement pour les orphelinats et les hôpitaux. Les Cessolines qui se spécialisent dans l’instruction des filles. Le couvent des Augustines de l’avenue Notre Dame. On trouve dans la rue de France : l’hospice des missions et le monastère du bon pasteur. Boulevard Carabacel sainte Ursule. Enfin rue de la croix, les Bénédictines du saint sacrement.
A ces ordres , il faut ajouter les sociétés charitables : Société du Gonfalon, du très saint sépulcre, l’œuvre de saint François Régis pour les mariages pauvres, l’œuvre de la société saint Vincent de Paul et l’hospice de la Providence. Avec l’essor touristique, les Anglicans, les Protestants et les Orthodoxes, devenant des colonies importantes, il apparait nécessaire de leur ouvrir des lieux pour exercer leurs rites. Les lieux de culte de l’église de la réforme, se trouvent dans le quartier de la croix de marbre. On notera surtout : l’église Anglicane et son cimetière et l’église réformée du boulevard Victor Hugo. A l’aube du XX° siècle, la cathédrale saint Nicolas n’existe pas, les Russes doivent suivre leur culte dans la petite chapelle de la rue Longchamp. Les juifs, présents depuis longtemps dans la cité. Il y avait un ghetto rue Benoit Bunico. Avec l’empire ils participent à l’essor économique, s’installent sur la rive droite du Paillon et ont leur synagogue rue Deloye. A Nice on peut ainsi pratiquer et affirmer sa Foi et cette tolérance religieuse sera un des moteurs de la prospérité de la Belle Époque, à la fin du XIX° siècle et jusqu’au début de la première guerre mondiale.
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LA VIE ÉCONOMIQUE
L’industrie principale du Comté était l’oléiculture. Les activités liées à l’olivier : huile, savon, olives, sont surtout implantées dans la vieille ville avec la rue de la barillerie (où on fabrique les tonneaux) et dans les quartiers populeux et industrieux de Riquier et de saint Roch. Les tonneaux sont habillés d’une tresse de paille, afin d’éviter le suintement oléeux. Ces tresses étant réalisées par les femmes et les enfants dans les cours des habitations. Le nom du destinataire de tonneaux, est écrit au pochoir. La maison Pin boulevard du pont neuf est spécialiste de ces pochoirs, qu’elle détient en grand nombre. Les ferblantiers fabriquent les ustensiles en usages dans les moulins. C’est Bonnet et Ambrosio rue Ségurane qui fournissent les bouchons en liège de toutes tailles. On peut constater que cette industrie donne beaucoup de travail aux ouvriers de Nice et son Comté. Il ne faut pas oublier la culture, la cueillette et le travail du meunier. Dans certains villages, il reste la trace du moulin communal avec son odeur de paille, mais il manque l’âne qui faisait tourner la meule et le petit ruisseau d’ailleurs asséché, n’anime plus la roue. Nice avait sa manufacture, cette dernière était pacifique, bien que les Cigalusas ! La manufacture des tabacs était la grande usine de la rue Barla qui avant le rattachement se tenait rue saint François de Paule. Elle emploie surtout les femmes et la « cigarière », Cigalusa en niçois était la figure emblématique des milieux populaires niçois. On redoutait par-dessus tout sa verve et le dicton affirmait : « Mieux vaut 20 ans de prison qu’une cigarière à la maison. » On y fabrique les cigarettes, cigarillos et cigares. Le terrain, les collines se prêtent à l’horticulture.
C’est Alphonse Karr qui développa la culture de la rose et surtout de l’œillet dès 1854. L’immigration italienne : Toscan et Piémontais vont contribuer à son essor. L’horticulture est une activité nouvelle dans le Comté, alors que le pays grassois la pratiquait depuis le XVII° siècle. C’est à la fin du XIX° siècle que les techniques évolueront.
La vigne est cultivée sur les coteaux de Bellet, elle n’est pas vraiment une industrie, au sens où la production est plutôt artisanale. Mais elle offre des vins très appréciés et que leur rareté rend onéreux. Pour résumer, nous dirons que Nice est partagée en deux parties : la rive gauche du Paillon et les vallons pour l’activité industrielle et la rive droite pour le tourisme.
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PERSONNAGES INSOLITES ET PERSONNALITES DE NICE
Le plus célèbre d’entre eux, par son destin tragique, est le tsarévitch Nicolas Alexandrovitch qui décède à Nice le 24 avril 1865. Le tsar Alexandre II vint à Nice ainsi que la famille impériale. La communauté Russe viendra hiverner sur la riviera, profitant de son climat clément. L’escadre mouillera d’ailleurs dans la rade de Villefranche. Les autres cours européennes viendront séjourner à Nice : Louis Ier de Bavière, qui lui aussi meurt sur nos rivages en 1867. Les rois de Suède, de Norvège, de Danemark, de Belgique et bien sûr Victoria ainsi que le prince de Galles.
BLASON DE LA FAMILLE ROTHSCHILD
Les français avec Thiers, le baron Haussmann, la famille Rothschild, le duc de Richelieu, monseigneur Dupanloup, le fils de Jérôme Bonaparte et bien d’autres. Cette réunion du gotha européen se poursuivra jusqu’au premier conflit mondial. Alors tous ces cousins iront s’entretuer dans cette conflagration qui sonna le glas de l’aristocratie Européenne. Louis Lubonis tient une place à part, il fut un des principaux acteurs du vote positif en 1860. Après de brillantes études à Turin, il embrasse la carrière de magistrat. En 1860 ayant longuement hésité, il accepte le poste de gouverneur et remplace le marquis de Montezemolo qui était un farouche adversaire de la France. Au moment du plébiscite gouverneur provisoire, il sera secondé par deux autres Niçois : Prosper Girard et Auguste Gal.
François Malausséna étant alors syndic de la ville de Nice. Suite à une proclamation où il prend position en faveur du "OUI" à la France, le parti Italien du journal « il Nizzardo » et les députés : Garibaldi et Laurent Roubaudi, ainsi que les indépendantistes, adeptes du chevalier Arson, l’attaquent dans leurs journaux. Cavour le désavouera pour son initiative imprudente. Après le plébiscite en décembre 1860, il sera élu député et deux mois plus tard, conseiller général du canton de "Lantosque Saint-Martin-de-Vésubie" et président de l’assemblée départementale.
Louis Lubonis plaidera en vain pour étaler dans le temps les changements politiques et administratifs. En outre Nice perdra son statut de Cour d’Appel ainsi que ses écoles de Médecine et de Droit. En 1868 déçu, il démissionne de son mandat de député et prend la direction de la banque de France à Nice. En 1876 il écrira une lettre à son ami Paulian où il lui exprime son amertume : « Le Niçois n’est plus maître chez lui ». Lubonis s’éteindra dans sa villa de Carabacel, le 10 juillet 1893, il est inhumé au cimetière du Château. Il y a aussi des originaux, des personnages pittoresques et insolites. Certains ont marqué particulièrement leur époque et nous en retiendrons que quelques-uns : BAILLET : le balayeur de la rue saint François de Paule. ZAPPA DIT MENIGHINO : le coq de Nice. C’était un diseur de bonne aventure et il interprétait des billets que ses coqs tiraient au sort. MARGUERITA « MAMOUN » : elle habitait Roquebrune- Cap-Martin, elle vivait de mendicité et de la revente du crottin de cheval.
Les FRERES HUGO : ils étaient natifs de Saint-Martin-de-Vésubie et furent célèbres bien au-delà du Comté par leur taille. Ils mesuraient en effet 2m,25 et 2m,30. Ils parcouraient la France entière. CARRY LUCK : ce chanteur des rues était aveugle et utilisait un accordéon qu’il avait fixé sur un tréteau. Du Gotha mondain aux petites gens, toutes ces personnes ont marqué, à leur manière, tragiquement ou avec originalité, la mémoire collective des Niçois.
Le jeu de boules sur la Place ARSON à Nice
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LE SPORT ET L’AVIATION
La pratique du sport nous vient des Anglais et la colonie britannique a importé dans le Comté celui-ci. Un deuxième facteur a fait que son essor s’est développé en France, avec les sociétés de gymnastique, celui de la volonté de revanche après 1870. Si les chansonniers vantaient la ligne bleue des Vosges, ces sociétés publiques, encadrées par les mairies ou les écoles et les institutions privées des patronages, voulaient préparer la jeunesse à cette vengeance, afin de retrouver les provinces perdues.
Sur la Riviera le sport est surtout aristocratique et les nouvelles inventions : l’automobile et le vélocipède, sont l’occasion de rencontres et de compétitions. L’arrière-pays se prête admirablement à la pratique du vélo et les compétitions empruntent nos routes tortueuses. Le tour de France verra triompher en 1907 et 1909 Petit Breton. Dès 1899 la Promenade des Anglais sert à l’organisation de courses automobiles et en 1902 Serpollet battra le record du mile avec plus de 120 kilomètres à l'heure, remportant ainsi la coupe Rothschild.
Les bains de mer vont connaître eux aussi un certain succès. A l’origine ces derniers étaient surtout curatifs. C’est là aussi les Anglais qui à la fin du XIX° siècle ont popularisé la pratique des bains de mer. Avant 1914 il y a 8 établissements sur la promenade et le plus célèbre est : les bains Georges à la Californie. On se change dans des cabines et le bain consiste surtout en une « trempette » dans la mer.
La mer est le terrain de prédilection pour les amoureux de la voile et du yachting. Le club nautique de Nice, voit le jour en 1883. Ce dernier organisera des régates et d’abord le prince de Galles, puis Edouard VII en 1905, sera un de ses membres les plus actifs. Avec les hauts sommets qui nous cernent au nord, la montagne va trouver ses adeptes. C’est là tout d’abord un exercice militaire, il fallait défendre les frontières qui, ici sont alpines. C’est donc les chasseurs qui pratiquent le ski et l’alpinisme.
Un aristocrate, Victor de Cessole, avec la création en 1909 du Ski Club Alpin, sera le promoteur du ski à Beuil et à Valberg. Un nouveau type de transport l’aviation a ses adeptes à Nice. Le quartier de l’Arénas était un jardin potager et une terre giboyeuse. Ce petit village vivait loin de la ville et nombre de ses habitants au début du XX° siècle n’étaient jamais allés sur la place Masséna. La seule période de l’année où c’était la fête : la saint Augustin, les gens allaient avec les beaux habits à notre Dame de Lourdes écouter la messe. On partageait la socca, l’anchoïade et le vin. Le maire venait croquer la févette. La fête durait dix jours. Ce quartier va changer, outre l’hippodrome, le tir aux pigeons et un original américain qui développe de 1902 à 1914 un élevage d’autruches, c’est l’aéroplane qui va bouleverser la vie du quartier. Le capitaine Ferber donne son impulsion à l’aérodrome en 1901. L’homme que les Niçois avaient baptisé la « ratapignata » (chauvesouris) ne verra pas cet aérodrome, se tuant en 1909.
D’autres précurseurs prestigieux donneront des pages de gloire à l’aviation à Nice : Roland Garros qui participe au premier raid aérien entre Paris, Nice, Rome et Turin et surtout Auguste Maïcon lequel survolera la vallée du Paillon et passera sous le pont du Var avec un Caudron en 1919. Avant la première guerre mondiale, Nice organise des meetings aériens où la haute société vient admirer ces fous du ciel.
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LA VIE POLITIQUE JUSQU’EN 1914
L'avenue BORRIGLIONE où passait déjà l'ancien TRAMWAY Niçois
Après la chute de l’Empire, on assiste à une querelle mouchetée entre les tenants du rattachement et les partisans de l’annexion de 1860. Le 19 avril 1874, Piccon relance la polémique en levant en public un toast pour que Nice revienne à l’Italie. Il est contraint de démissionner le 7 mai et son ami député Bergondi se suicide le lendemain. Le 5 juin le préfet fait interdire le journal : « l’ordre social » qui envenimait la situation. La liste Raynaud Borriglione gagne les municipales avec plus de 60% d’abstention.
En octobre 1877 Auguste Raynaud tient un discours pro Italien et perd l’année suivante sa mairie au profil de Borriglione. En 1886 le préfet, après des démissions au conseil municipal, dissout celui-ci et provoque de nouvelles élections où l’éphémère Jules Gilly est élu, Borriglione ne s’était pas représenté. La polémique entre les tenants de la France et de l’Italie, se poursuit par les diatribes des deux principaux journaux : l’éclaireur de Nice pro français et il "Pensiero di Nizza" pro italien. La politique anti-française du président du conseil Italien Crispi, ne fait qu’exciter les passions de part et d’autre. Le 18 juillet 1892, il "Pensiero di Nizza" sera interdit, à la suite d'un article contre le monument du centenaire de la première annexion de 1792.
En 1879 Borriglione alors maire de Nice fonde « Le Petit Niçois » qui aura son siège tout d’abord place Masséna pour finir avenue de la gare à la veille de la guerre. Le 28 août 1902 le sénateur Alfred Borriglione meurt à Sospel. En 1903 la lutte anticléricale fera interdire la procession aux limaces (fête Dieu) ainsi que celle de Notre Dame des grâces ou du Vœu. Ces deux brimades ne feront qu’exacerber les passions entre pro français et pro italiens. Aux élections législatives du 10 février 1871, il Diritto di Nizza fait triompher les candidats pro niçois avec : Garibaldi, Piccon, Bergondi et Borriglione. Le préfet Dufraisse est largement battu. L’élection n’est pas uninominale et il n’y a pas de circonscription. On peut être candidat en plusieurs départements. Au scrutin du 20 février 1876, Nice a deux circonscription et de l’autre côté du Var, Grasse en a deux elle aussi. La première de Nice est remportée par Alfred Borriglione et la deuxième par le baron Boissard di Bellet. Les législatives du 14 octobre 1877, verront les deux sortants réélus. Le rival du Pensiero à cette époque est le : « Phare du Littoral » qui lui paraît en français.
Le 22 août 1881 si Borriglione conserve la 1ère circonscription, c’est Bischoffsheim qui remporte la seconde. Ce mécène naturalisé Français, aura une carrière politique qui durera un quart de siècle et sera successivement député de Nice et de la nouvelle circonscription de Puget-Théniers. Le 18 octobre 1885, il n’y a plus de circonscription et on élit par rapport à des listes. Le département étant une seule circonscription. Borriglione qui soutient Maurice Rouvier et Ernest Roure maire de Grasse sont tous trois élus. L’Eclaireur parlera de Rouvier comme un parachuté de Marseille et le Petit Niçois publiera un poème pamphlétaire sur Ernest Roure. Le 22 septembre 1889 on revient aux circonscriptions : Bischoffsheim et Borriglione retrouvent leurs sièges, sauf que le nouveau découpage les a inversés. Les élections du 20 août 1893 verront la création du siège de Puget –Théniers.
Si Borriglione conserve son siège, Bischoffsheim conquière la nouvelle circonscription et laisse à Raiberti la première de Nice, dont il était le sortant. Le scrutin du 8 mai 1898, voit la disparition de Borriglione qui a choisi le sénat, c’est Poullan qui occupe désormais la deuxième circonscription, Bischoffsheim et Raiberti gardant les leurs. C’est le nouveau siècle et les élections du 27 avril 1902 ne voient aucun changement, les sortants étant reconduits. Cette année-là Borriglione meurt et le « Petit Niçois » est confié à Donadéi. Le 6 mai 1906, le patron du petit Niçois bat Bischoffsheim à Puget-Théniers, lequel décèdera quelques jours plus tard. Aux législatives du 24 avril 1910, une nouvelle circonscription est créée à Nice. Le département en comportera désormais six. C’est Lairolle qui gagne ce nouveau siège. Raiberti conservant la première et Poullan la troisième, les mystères du découpage ayant décidés que la nouvelle circonscription serait la deuxième. Le directeur du « Petit Niçois » conservant quant à lui Puget-Théniers.
Les dernières législatives avant la guerre ne verront que Puget-Théniers changer de député en la personne de Durandy, gendre de Borriglione. On peut constater une certaine stabilité dans le paysage politique et des hommes comme Borriglione, Bischoffsheim ou Raiberti, furent les acteurs majeurs de la politique dans le Comté de Nice avant la première guerre mondiale. La presse a joué un rôle déterminant et Borriglione avec son journal le "Petit Niçois", tient les rênes de la vie politique. Borriglione et ses héritiers, seront toujours les défenseurs de l’identité niçoise et méfiants, pour ne pas dire opposés à l’influence d’un certain « parisianisme ». Ses adversaires qui furent pro Français avant 1860, seront d’abord les défenseurs de l’Empire, puis de la droite. Ils furent successivement : l’écho des Alpes-Maritimes, l’Avenir de Nice, le Messager de Nice, le Journal de Nice qui après 1883, devient l’Eclaireur de Nice. Les partisans d’un retour à l’Italie auront leur presse avec : Il Nizzardo avant le rattachement, puis Il Diritto di Nizza, le très éphémère Voce di Nizza (deux numéros) et Il Pensiero Di Nizza qui sera interdit en 1892. Le séparatisme était affaibli par l’émigration en 1860 de près de 880 familles qui choisirent l’Italie. Joseph André n’arrivera pas à franchir le Paillon et son journal ne sera lu que dans la vieille ville, sans vraiment influer sur la vie politique niçoise. La presse se divisera en deux camps : la droite profrançaise avec l’Eclaireur et les idées de gauche et la défense de l’identité niçoise dans le cadre de la République avec le Petit Niçois.
Le premier Sénat de la III éme République voit siéger en 1876 : Joseph Garnier qui meurt en 1882 et est remplacé par Léon Chiris, le deuxième siège revient à Dieudonné Defly, ne pas confondre avec Jean Jacques Hippolyte Defly qui légua à sa mort en 1847 les terrains où fut construit l’hôpital Saint-Roch. C’est Léon Renault qui en 1885 succède à Defly, Léon Chiris laissera en 1900 son siège au général Charles Bérenger. La troisième mandature sénatoriale aura de 1894 à 1902, pour titulaires : Alfred Borriglione, qui décédant en cours de mandat sera remplacé par un de ses poulains : Maurice Rouvier. Le général Bérenger sera remplacé par le maire de Nice : Honoré Sauvan, ce dernier restera sénateur jusqu’à 1922.
Thierry JAN
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