Je vous le dis et le répète avec insistance depuis le 24 février et le premier jour de l’attaque russe sur l’Ukraine. Il n’y a pas de petite guerre en Europe.
Henri Guaino nous livre une analyse que je partage en tous points dans une Tribune au Figaro. Il est également intervenu sur BFM suite à cette tribune.
Vous avez tous les liens ci-dessous.
TRIBUNE – Dans un texte de haute tenue, l’ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République relève des analogies entre la situation internationale née de la guerre en Ukraine et l’état de l’Europe en juillet 1914. Sans renvoyer dos à dos l’agresseur et l’agressé, et tout en distinguant le bellicisme de Moscou et le discours désormais martial de Washington, il s’alarme du durcissement des positions en présence qui ne laisse aucune place à une initiative diplomatique et à une désescalade.
Source Tribune le Figaro.fr ici
Pour voir la vidéo d’Henri Guaino sur BFM c’est ici
Charles SANNAT
Dans les hurlements bien pensants actuels du type « nous sommes le camp du bien et Poutine le grand méchant loup », il n’est pas autorisé à réfléchir ni à penser ce que pourrait être un chemin de paix. En ce sens Guaino a parfaitement raison de dire que nous marchons vers la guerre comme des somnambules.
Adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Otan, livraisons d’armes massives à l’Ukraine, massacres de tous les côtés, loin de s’apaiser, la tension continue de monter de même que les enchères.
En 1914, il a fallu 5 semaines avant que la guerre embrase l’Europe.
Les choses ayant un peu changé, nous pourrions tout à fait imaginer qu’il faudrait cette fois-ci plutôt 5 mois pour que l’Europe prenne entièrement feu.
Est-ce impossible ?
C’est bien le problème.
Tous se comportent comme si la guerre totale était une impossibilité.
Ce n’est pas ce que disent les Russes à qui nous avons déclaré une guerre totale, et ce n’est pas reprendre la propagande russe que de reprendre les propos américains !
Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken, au retour d’une visite en Ukraine a clairement désigné l’objectif qui est désormais d’« affaiblir la Russie à un point tel qu’elle ne puisse pas recommencer ».
Quand vous êtes russe, vous prenez cela pour une déclaration de guerre totale.
Avons-nous voté pour la guerre totale et nucléaire ?
Et surtout, peut-on stopper cette folie avant qu’elle ne se produise ?
Regardez ce reportage d’Euronews. Ce qui se passe est de la folie douce.
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Né en 1944, Jean-René Bachelet a effectué une carrière militaire complète dans l’armée de terre, de 1962, où il entre à Saint-Cyr, jusqu’en 2004, où, général d’armée, il occupe les fonctions d’inspecteur général des armées. Chasseur alpin, il a commandé le 27e bataillon de chasseurs alpins, bataillon des Glières. Comme officier général, outre de multiples commandements nationaux au plus haut niveau, il a exercé le commandement du secteur de Sarajevo dans le cadre de la Forpronu en 1995, au paroxysme de la crise. De longue date, il a mené une réflexion de fond touchant aux fondamentaux du métier militaire en termes d’éthique et de comportements ; cette réflexion est traduite dans un certain nombre de documents dont les principaux sont « L’Exercice du métier des armes dans l’armée de terre, fondements et principes » et le « code du soldat », ainsi que dans de multiples articles et communications. Jean-René Bachelet quitte le service actif en 2004 et sert actuellement en deuxième section des officiers généraux.
Face à la guerre en Ukraine, nous sommes sommés de choisir notre camp selon un manichéisme absolu, en l'occurrence derrière une Amérique, redevenue le champion des plus hautes valeurs humanistes. Ceux qui émettent quelques objections le feraient au nom d'un "parti pris anti-américain virulent".
La réalité historique qu'il faut bien regarder en face et qui devrait nous conduire à mieux percevoir la façon dont le monde apprécie quant à lui l’Amérique, donc l'Occident, est pour le moins contrastée.
*le génocide indien comme acte fondateur (pour le coup, le mot, fût-il anachronique, est rigoureusement approprié).
*la conquête des Philippines conduite avec une sauvagerie sans égale.
*la réduction en lumière et chaleur de 300 000 habitants d'Hiroshima et Nagasaki, pour l'essentiel civils de tous sexes et âges, sans objectif militaire, alors même que le Japon était soumis à un blocus hermétique, sans ressources, que la maitrise américaine dans les airs et sur mer était totale et que le mikado faisait des offres de cessation des hostilités. Si crime contre l'humanité il y eut ce fut bien dans ce moment-là.
*durant la "guerre froide", l'appui systématique et sans états d'âme à des dictatures de tous poils en Amérique, en Grèce et en Extrême-Orient.
*dans la même période, 10 000 jours durant, la mise à feu et à sang du Viêt-Nam, et ses prolongements laotiens et cambodgiens, avec le résultat pitoyable que l'on sait et dont, avec le recul, on recherche vainement ce qui pouvait justifier des victimes qui se comptent par millions... Là encore, indéniable "crime contre l'humanité"...
*à peine l'implosion de l'empire soviétique survenue, en guise de "nouvel ordre mondial", un interventionnisme sans frein qui, via l'Irak, allait mettre, pour le coup la planète à feu et à sang, au prix de mensonges d'état désormais avérés.
Sans omettre, au prix de semblables mensonges, l'opération kosovare et le bombardement de la Serbie 45 jours durant, qui permet de redonner une nouvelle vie à une Otan dont nul ne voyait plus la justification.
Encore ne s'agit-il là que des faits historiques les plus saillants.
Or, dans le même temps, et aujourd'hui plus que jamais, tout cela au nom de valeurs hautement proclamées : la dignité de l'homme, son intégrité, sa liberté ! Comment, hors Occident, n'y verrait-on pas qu'hypocrisie et duplicité ?
Je pensais pour ce qui me concerne que l'Europe, après avoir pris sa part au cours des siècles passés à une semblable hypocrisie, avait désormais pour vocation et destin de remettre l'Occident sur le droit chemin, seule voie susceptible d'assurer, dans le nouveau monde qui émerge, la pérennité de notre civilisation, mieux encore, d'en favoriser la renaissance et, pour cela de se dégager de l'emprise de son avatar d'outre-Atlantique.
Au lieu de cela, nous voilà revenus au banc des rameurs de la galère américaine, pour un naufrage de concert programmé...
Douloureuse perspective au soir de nos vies...
Jean-René Bachelet, le 5 mai 2022