« Il faut empêcher de réitérer le scénario libyen en Syrie »
Vladimir Poutine, 27/02/2012 (1)
La crise syrienne est, aujourd’hui, arrivée à un point critique. Une guerre fratricide massacrant, pour partie, des innocents, est en cours.
Dans ses grandes lignes, cette guerre est médiatisée par les intérêts politico-économiques des grandes puissances. Mais, très tôt, elle a été polluée par les nouvelles idéologies religieuses et nationalistes, surfant sur les maladresses occidentales et la soif de libertés de peuples en perdition – au prix de dérives politiques incontrôlables et, sans doute, irréversibles.
A l’origine, cette quête identitaire a été précipitée par la « fin des idéologies » (D. Bell) issue de la disparition de l’URSS, en décembre 1991, qui a favorisé le retour du religieux comme idéologie alternative et, au moins, réactivé son rôle politique et identitaire. Dans le même temps, la disparition du verrou idéologique de la Guerre froide a suscité l’émergence de micro-conflits périphériques désormais porteurs, sur l’Echiquier arabe, d’aspirations révolutionnaires. En ce sens, la délégitimation de l’idéologie communiste aurait agi comme facteur catalyseur d’une instabilité systémique à l’échelle du monde et dont la crise syrienne ne serait, au final, qu’un sous-produit – une forme d’effet émergent.
La (prévisible) réaction d’auto-défense du régime syrien face à la terrible violence « révolutionnaire » attisée de l’extérieur a débouché, aujourd’hui, sur une inquiétante guerre civile – imputée par les médias occidentaux, de manière (trop) systématique et erronée, au seul président Bachar El-Assad. Pourtant, l’opposition armée anti-Assad est responsable de davantage de tueries étrangement passées sous silence et qui, en d’autres lieux, auraient pu être qualifiées de « crimes contre l’humanité », pour reprendre une expression trop souvent manipulée par la gouvernance néo-libérale sous leadership américain, dans l’optique de justifier ses actions répressives.
Avec une certaine légitimité, on peut donc s’interroger sur l’existence d’une pensée unique, structurellement favorable aux « rebelles », et verrouillant l’information sur le déroulement de la « révolution » syrienne – sous l’impulsion de l’Organisation syrienne des droits de l’homme (OSDH), étrange ONG politiquement (très) orientée et semblant avoir un monopole « légitime » sur l’information. Régulièrement émise par l’OSDH, l’information sur la nature et l’ampleur des massacres censés perpétrés par le régime Assad est, en effet, admise comme vérité scientifique par le consensus médiatique – formatant, par ce biais, une opinion publique internationale hostile au régime syrien. Toutefois, ce dernier reste – heureusement – soutenu par l’axe sino-russe.
L’issue, tant désirée par les promoteurs du Printemps arabe, ne semble désormais plus faire de doutes. Mais pour Moscou, c’est plutôt un Hiver islamiste, réchauffé par le doux soleil de la Charia, qui se prépare – avec, naturellement, la complicité américaine.
Comment et pourquoi en est-on arrivé là ? Et qui, surtout, y avait intérêt ?
Vers un point de non retour, pour réitérer le « scénario libyen »
De manière indéniable, ce point de non retour a été favorisé de l’étranger dans le cadre d’une stratégie de communication politiquement orientée et unilatéralement focalisée contre la « dictature » Assad, désigné par le consensus médiatique comme l’ennemi à abattre.
Très clairement, dès l’origine, la rébellion anti-Assad a été financée et armée par des membres clés (riches en pétrodollars) de la Ligue Arabe, principalement l’Arabie Saoudite et le Qatar. Très vite, elle a été encouragée par l’administration américaine et ses alliés traditionnels, avides de s’insérer dans la vague révolutionnaire portée par l’histoire et, surtout, de profiter des opportunités politiques – dont celles de contenir les ambitions russes, voire chinoises, dans une région stratégique sur les plans politique et énergétique. Ainsi, dans un premier temps, la Turquie a discrètement servi d’appui logistique pour les « rebelles » et, dans un second temps, elle s’est ouvertement montrée désireuse de passer à l’offensive, c’est-à-dire à l’action armée sur le territoire syrien. Au nom de la liberté des peuples et, naturellement, de leur droit à disposer d’eux-mêmes – la couleuvre est, tout de même, dure à avaler. D’autant plus, si on est Russe.
Les infiltrations aux frontières ont été nombreuses au début de la « révolution ». Comme par hasard, tous les points de conflits sont anormalement et systématiquement proches de la frontière syrienne – curieux, tout de même, que nos médias ne se soient pas interrogés sur cette troublante coïncidence. Cette situation est illustrée, depuis fin juillet, par la volonté des « rebelles » de contrôler certains postes-frontières dans le but de faciliter les « passages », autrement dit, les actions militaires et les attentats contre les positions syriennes.
Une telle configuration confirme l’hypothèse d’une aide extérieure, très tôt invoquée par le président syrien Bachar El-Assad et qui, sans surprise, n’a jamais été prise au sérieux par les médias occidentaux, perdus dans le ciel bleu du monde de l’ignorance apprise, alimentée par la seule information diffusée par l’OSDH. Loin d’être spontanée, cette « révolution » est donc orientée et, en ce sens, elle apparaît davantage comme une « évolution », impulsée de l’extérieur et sur laquelle surfent les stratégies manipulatrices de puissances ambitieuses. Mais, dans la mesure où il s’agit d’un retour en arrière sur le plan politico-social – surtout en ce qui concerne le statut de la femme et des libertés individuelles (dont politiques) –, je parlerai plutôt « d’involution ».
Tout a été fait, dans le cadre d’un scénario programmé, pour provoquer l’armée régulière et les structures de sécurité de l’Etat syrien de manière à les contraindre à une réaction violente et créer, par ce biais, une instabilité croissante auto-cumulative, à terme, potentiellement explosive. En outre, ce chaos a été aggravé par l’émergence de milices privées, parfois de nature religieuse, et échappant à tout contrôle gouvernemental. Au final, il s’agit d’atteindre un seuil critique (déclencheur de « l’explosion »), synonyme de guerre civile – quitte à sacrifier quelques civils, quotidiennement imputés par l’OSDH au « sanguinaire » président Assad ou, alternativement, à d’inévitables « dégâts collatéraux ». Et quitte, aussi, à générer une situation anarchique caractérisée par la délégitimation des lois et structures étatiques. Une catastrophe programmée.
Aujourd’hui, l’Etat syrien, dont l’autorité est considérablement érodée, n’a même plus – au sens de Max Weber – le monopole de la « violence légitime » sur son territoire, traditionnellement considéré comme le socle de la stabilité d’un Etat-souverain. Désormais, le terreau est donc propice à la répétition du « scénario libyen », selon l’expression usitée de Vladimir Poutine.
Sous prétexte de défendre les intérêts légitimes du peuple syrien, l’insidieuse politique arabo-occidentale a, objectivement et, sans doute, consciemment, contribué à ce chaos.
Complicité arabo-occidentale, au nom d’un troublant messianisme moral
Les « Amis de la Syrie » ont, très tôt, instrumentalisé la crise syrienne pour défendre leurs propres intérêts qui font du départ d’El-Assad, la pierre angulaire de leur stratégie.
Les intérêts de cette coalition hétéroclite se rejoignent, sur certains points précis – dont celui de placer un pouvoir « ami », apte à gérer l’après-Assad –, et, à la base, ils sont structurellement opposés à ceux de l’axe sino-russe. Redoutant une déstabilisation régionale, l’axe sino-russe prône en effet une solution politique négociée qui n’implique pas, nécessairement, l’élimination du président syrien. Nuance politique essentielle, expliquant la division, donc l’impuissance du Conseil de sécurité de l’ONU à travers le blocage systématique de ses résolutions par les responsables russes et chinois – mais c’est aussi, cela, la démocratie. Sur ce point, on peut d’ailleurs s’interroger sur la viabilité d’une résolution prônant une « transition démocratique » en Syrie et soutenue par l’étrange tryptique Arabie Saoudite-Qatar-Turquie. Avec le blanc-seing occidental…
Des intérêts économiques (contrôle de l’énergie), politiques (lutte d’influence) et stratégiques (inflexion des rapports de force) sont les enjeux sous-jacents au conflit syrien exacerbé, en définitive, par la montée brutale d’Al Qaïda (reconnue par Washington) et par l’opposition religieuse sunnites/chiites. Dans son essence, cette opposition forme une ligne de fracture confessionnelle auto-destructrice et à jamais ré-ouverte, parce que politiquement non neutre – et facilement manipulable, donc utile aux régimes hostiles au maintien du président Assad.
Le leitmotiv humanitaire, a été à la fois le fil conducteur et l’habillage légitime de l’ingérence croissante de la coalition arabo-occidentale dans le processus politique interne de la Syrie. Ce devoir d’ingérence progressivement institué devrait, à terme, justifier une intervention (sous une forme à définir) dans l’optique de renverser le régime Assad et, s’il le faut, sans la légitimité onusienne – pour contourner le barrage sino-russe. Désormais, avec le soutien actif des services secrets allemands, américains, britanniques et français, tous les efforts de la coalition arabo-occidentale sont concentrés vers cet ultime objectif. Pour l’heure, l’idée d’imposer une zone d’exclusion aérienne (définie comme zone de sécurité) pour créer un « couloir humanitaire » fait, peu à peu, son chemin. Le problème est qu’un tel « couloir » a, déjà, fait l’objet d’une instrumentalisation politico-militaire en d’autres lieux et d’autres temps. Pour Moscou, une telle leçon ne s’oublie pas et, surtout, ne doit plus se répéter.
L’essentiel est d’arriver, après la réélection d’Obama, au point de basculement de la crise (« seuil critique ») provoquant l’intervention finale et, en cette fin d’été, nous y sommes proches. Cette intervention militaire est rejetée par russes et chinois, psychologiquement marqués par les tragédies serbe (1999), irakienne (2003) et libyenne (2012), où la manipulation des règles internationales et des mécanismes onusiens a été flagrante, mettant en cause, selon eux, la légitimité de la gouvernance mondiale. De façon troublante, cette transgression des règles est réalisée au nom de valeurs morales supérieures, selon la tradition post-guerre froide inaugurée par la vertueuse Amérique, investie de sa « destinée manifeste » et de son libéralisme triomphant – un discours, certes, bien rôdé.
Un sous-produit de cette inconscience politique occidentale a été la propagation du syndrome révolutionnaire, via un Islam radical moralisateur, au-delà de l’Echiquier arabe : dans le monde post-soviétique et sur le continent africain, au Mali pour commencer, avec l’extension de la Charia. Avec, à la clé, d’irréversibles dégâts collatéraux.
Pour l’axe sino-russe, il y a une ligne rouge à ne pas franchir dans cette partie stratégique dominée par les grandes puissances – notamment, en Syrie. Mais les dés sont, déjà, pipés.
Poursuite du reflux russe sur l’Echiquier arabe, sous bienveillance américaine
Dans l’hypothèse d’un renversement du président Assad,la Russie(avec la Chine et l’Iran) serait la principale perdante.
Pour rappel, la Syrie est un des principaux alliés de l’Iran dans la région et la disparition d’Assad isolerait davantage Téhéran – ce que souhaitent, pour diverses raisons, de nombreux Etats arabes et occidentaux. D’autre part, le renversement d’Assad risquerait de déstabiliser le Liban et au moins, d’y redéfinir le jeu politique interne avec, notamment, l’affaiblissement du Hezbollah libanais. L’évolution syrienne est donc politiquement non neutre pour l’Etat israélien et sa stratégie au Moyen-Orient et, en ce sens, pour le destin géopolitique de la région.
A cela, il convient de préciser que l’Azerbaïdjan, ex-république de l’URSS très sensible désormais – comme d’autres Etats de la périphérie post-soviétique – aux sirènes américaines (et à leurs dollars), rêve de créer un « Grand Azerbaïdjan » étendu à une partie de l’actuelle Iran. Dans cette optique, l’affaiblissement de l’axe Iran-Syrie serait une bonne chose pour ses prétentions territoriales. Moscou redoute un tel scénario, d’autant plus qu’il nuirait dangereusement aux intérêts de son fidèle allié et partenaire stratégique, l’Arménie – dont l’existence (et celle de ses bases militaires) serait, dés lors, menacée.
En outre, par l’intermédiaire de son ministre des affaires extérieures, Ahmet Davutoğlu, la Turquie– véritable base arrière et levier de l’influence américaine en Eurasie – revendique, de manière troublante, le rôle de « pionnier du changement démocratique » au Moyen-Orient. En fait, la défense de ses intérêts nationaux – qui intègrent le « problème » kurde – a incité la Turquie à s’ingérer dans la crise syrienne. Et, surtout, elle l’oblige à maintenir une veille stratégique dans le Nord de la Syrie convoité, selon Ankara, par les « extrémistes kurdes ». Enfin, il faut rappeler que la Turquie rêve toujours d’un Empire Ottoman étendu à l’Asie centrale ex-soviétique. Tout est donc en place, pour la partie finale.
Tendanciellement, on assisterait donc à la poursuite du roll back (reflux) de la puissance Russe, conduite par l’administration américaine depuis la fin de la Guerre froide et qui vise, aujourd’hui, à affaiblir ses alliances traditionnelles – donc, son pouvoir potentiel sur longue période – en zones arabe et post-soviétique. Car, qu’on le veuille ou non, l’administration Obama est objectivement tentée de manipuler les « révolutions » pour, à terme, étendre sa zone d’influence et sécuriser, par ce biais, les principales sources d’approvisionnement et routes énergétiques – d’où l’intérêt de « stabiliser », c’est-à-dire de contrôler politiquement la Syrie, le Liban et l’Iran, véritables nœuds stratégiques de la région. Une telle extension se réaliserait au détriment des dernières positions russes, héroïquement tenues sur l’Echiquier moyen-oriental et, en particulier, en Syrie, face à la pression médiatique et politico-militaire de la coalition arabo-occidentale – mais, pour combien de temps encore ?
Dans cette optique et de manière officielle, l’administration américaine vient de reconnaître la nécessité de renforcer significativement son soutien au « processus révolutionnaire et démocratique » en œuvre en Syrie. Dans ses grandes lignes, cette action s’inscrit dans le prolongement de sa récente ingérence – via de douteuses ONG – dans le processus électoral russe et, de façon plus générale, dans le cheminement politique incertain de la périphérie post-soviétique en vue d’y imposer la « démocratie ». Naturellement, selon les normes occidentales.
Ce faisant, Washington officialiserait une stratégie qui, en réalité, a commencé bien plus tôt. Tendanciellement, cette stratégie s’appuie sur la démocratie comme nouvelle idéologie implicite et globalisante, vecteur de sa domination politique dans le monde. Au regard d’une lecture plus structurelle de la crise syrienne, médiatisée par les intérêts des puissances majeures, cette attitude américaine n’est pas une surprise et, au contraire, semble cohérente avec une ligne de long terme axée sur la défense de son leadership régional – contre les intérêts russes.
L’hyper-puissance américaine avance ses pions, inéluctablement.
L’Arabie saoudite, nouveau « pivot géopolitique » de l’hyper-puissance ?
La poursuite du « Printemps islamiste », à dominante sunnite, renforce les positions de l’Arabie Saoudite dans la région et donc, de manière indirecte, les prérogatives de l’axe USA-OTAN.
Sur ce point, on remarquera que les monarchies du Golfe, qui sont (très) loin d’être plus démocratiques que la Libye et la Syrie ont été, jusque là, étrangement épargnées par la vague révolutionnaire. Avec une certaine légitimité, on peut donc se demander pourquoi ? Et pourquoi passe-t-on sous silence le sort des 80 000 Chrétiens expulsés de leurs foyers par les « révolutionnaires » syriens dans la province d’Homs, en mars 2012 ?
Enfin, pourquoi ne parle-t-on pas des persécutions quotidiennes de la population chiite (majoritaire à 70%) au Bahreïn, associée à un verrouillage total de l’opposition (et de l’expression) politique ? Cette répression est « supervisée » par l’armée saoudienne encline, à la moindre occasion, à faire intervenir ses chars – sorte d’application arabe de la doctrine Brejnev de « souveraineté limitée » – et cela, quels qu’en soient les coûts humains. Terrible et révélateur silence médiatique.
La réaction occidentale a été tout autre lorsque la Russie est – justement – intervenue avec ses chars en Géorgie en 2008, pour protéger ses ressortissants et ses soldats d’un massacre annoncé, après l’inquiétante initiative du président Saakachvili. Comment expliquer cette lecture des Droits de l’homme (et des peuples) à géométrie variable ? Et pourquoi les chars russes seraient-ils plus « coupables » que les chars arabes – ou américains, en d’autres circonstances, lors des « croisades » morales punitives ? Pour Moscou, une telle situation confirme le maintien d’un esprit de Guerre froide visant à la marginaliser, de manière définitive, sur la scène internationale. Un « deux poids, deux mesures » politiquement insupportable, et presque blessant.
La principale conséquence de l’extension de la domination sunnite au Moyen-Orient gagné par la contagion « révolutionnaire » est que, par l’intermédiaire de l’Arabie Saoudite, comme levier d’ingérence privilégié, l’administration américaine renforce son contrôle de la région. Parce que, par définition, il sera dorénavant plus facile pour Washington d’actionner un seul levier pour dicter sa politique régionale et défendre, ainsi, ses intérêts de grande puissance. Dans ce schéma, l’Arabie Saoudite devient une pièce maitresse (« pivot », au sens de Brzezinski) des Etats-Unis sur l’Echiquier arabe permettant, désormais, à l’hyper-puissance d’agir sur les événements et d’orienter le jeu, sans véritable opposition. Une contrepartie possible serait alors, pour Washington, de tenir compte des intérêts politiques de l’Arabie saoudite dans les régions musulmanes de l’ex-espace soviétique, âprement convoitées dans le cadre de son face-à-face avec la Russie. En ce sens, la crise syrienne cache un enjeu politique plus global, fondamentalement géostratégique – et, de manière indiscutable, lié au déroulement de la Guerre tiède.
Cette tendance au renforcement de la gouvernance unipolaire, légitimée par l’éclatante victoire américaine de la Guerre froide, est officiellement et régulièrement dénoncée par Vladimir Poutine, depuis son fameux discours de Munich de 2007 sur la sécurité dans le monde. Les faits, comme les hommes, sont – parfois – têtus.
Paradoxalement, les involutions arabes, sous bienveillance américaine, ne feront qu’accélérer cette tendance (2).
Et, maintenant, que faire ?
Jean Géronimo, Spécialiste des questions économiques et stratégiques russes,
Jean.Geronimo@upmf-grenoble.fr
Grenoble, le 30 août 2012
Notes
(1) http://fr.rian.ru/discussion/20120227/193517992.html : « La Russie et l’évolution du monde », article de V. Poutine sur la politique étrangère russe, 27/02/2012 – RIA Novosti.
(2) Les crises arabes et leurs implications géopolitiques pour la Russie, sont traitées dans le post-scriptum (50 pages) inséré dans la nouvelle édition de mon livre : « LaPenséestratégiquerusse – Guerretièdesur l’Échiquier eurasien : les révolutions arabes, et après ? ». Préface de JacquesSAPIR, mars 2012, éd. SIGEST, code ISBN 2917329378 – en vente : Amazon, Fnac, Decitre (15 euros).
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ENTRE CHAOS AFGHAN ET "REVOLUTIONS" : UNE HIRONDELLE ARABE NE FERA PAS LE PRINTEMPS RUSSE par Jean Géronimo
Entre chaos afghan et
« révolutions » :
Une hirondelle arabe ne fera
pas le printemps Russe
par Jean Géronimo
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Le 21 juin 2012
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A l’heure de l’accélération du retrait occidental du bourbierafghan, succédant à l’embrasement « révolutionnaire » du Moyen-Orient, on ne peut qu’être inquiet pour l’avenir du cœur du nouveau monde, l’Eurasie, historiquement soumise aux rapports de force entre grandes puissances et devenue, depuis la fin de la Guerre froide, une véritable poudrièregéopolitique. L’évolution internationale récente est, en effet, porteuse de lourdes incertitudes pour la stabilité politique de l’espace eurasien. Cette évolution est, dans ses grandes lignes, impulsée par deuxchocsexogènes majeurs : les crises arabes et le chaos afghan, en raison de leurs implications structurelles sur les grands équilibres régionaux. Or, si elle va au bout d’une logique désormais « orientée » par les grandes puissances, dans le cadre d’une implacable lutte d’influence axée sur le contrôle des États stratégiquesde la région – les « pivots géopolitiques » de Brzezinski – cette configuration se transformera en une déstabilisationprogrammée de l’Échiquier eurasien. Avec, à la clé, d’énormes et irréversibles dégâts collatéraux. Tendanciellement, cette double évolution est la matrice d’une stratégie inconsciente et suicidaire de fragmentation de l’espace politique russe élargi, dans la conception traditionnelle des dirigeants russes, à l’ancien espace soviétique. A ce jour, évoluant dans une sorte de surréalitéidéologique dominant le monde irrationnel de l’ignorance apprise, l’Occident ne semble pas l’avoir encore compris. Regrettable erreur. Cet espace reste en effet le pré-carrégéopolitique de Moscou et le nerf structurant de sa politique extérieure et, au-delà, le levier de sa légitimité internationale, récemment confirmé par la nouvelle orientation définie par le président de la Fédération de Russie, V. Poutine. De manière officielle, Moscou considère les impacts directs et indirects de la radicalisation des « révolutions » arabes – dont est issue la renaissance d’Al-Qaïda au Maghreb arabe et plus récemment, en Syrie – comme une menace contre ses intérêts nationaux. Dans la doctrine de sécurité russe rénovée, ces derniers intègrent la Communauté des États indépendants (CEI), sorte d’Union soviétique hybride désidéologisée, historiquement constituée à partir des ex-républiques de l’URSS et structurellement considérée par Moscou comme une zonepotentielled’intervention– une sorte de ligne rouge à ne pas franchir. L’Occident est averti.
Dans la vision stratégique de long terme de la Russie post-soviétique, impulsée par Vladimir Poutine depuis la révision du Concept de sécurité nationale russe en janvier 2000, cette radicalisation du « printemps arabe » est le vecteur d’une montée en puissance de la « menace islamiste » – c'est-à-dire, selon la terminologie russe, celle issue de l’Islam radical porteur, en définitive, d’une idéologiealternative. Il s’agit donc de rappeler, de manière succincte, la perception russe de ces « nouvelles menaces ». Le désengagement américain de l’Afghanistan, en supprimant un tamponsécuritaire vital, est un véritable piège géopolitique pour la Russie et sa proche périphérie. A terme, ce retrait apparent (en fait partiel) va reposer avec plus d’acuité la question de la légitimité de la présence américaine dans la région centre-asiatique, dans la mesure où le président Obama a confirmé son maintien sous une forme certes réactualisée mais continuant à s’appuyer sur une présence politique et militaire plus ou moins officielle – via sa cohorte de « conseillers » et ses multiples « bases ». Ce que Moscou conteste ouvertement, y voyant surtout une stratégie d’implantation durable dans son pré-carré et remettant en cause ses prérogatives historiques héritées de sa période soviétique. En totale conformité avec l’analyse de Zbigniew Brzezinski, la partiestratégiquese poursuit donc sur l’Échiquier eurasien, à travers la décision américaine de « quitter » l’Afghanistan qui aura, au final, un triple impact pour la Russie. En cela, cette décision intègre une fonction latente, politiquement orientée et, surtout, nuisant aux intérêts russes. – D’abord, ce retrait programmé va accélérer la propagationdeladrogueen raison de l’émergence de nouvelles structures informelles et de nouveaux réseaux politico-narcotiques, à l’échelle de la CEI – et sans doute, avec la complicité de puissances hostiles objectivement intéressées à la fragmentationpolitique de la Russie. A ce jour, Moscou critique l’inefficacité – plus ou moins recherchée ? – de la lutte anti-drogue conduite par l’axe OTAN-USA en Afghanistan et qui pénalise surtout la zone d’influence russe. Cette dernière raison incite les dirigeants russes à suspecter l’administration américaine d’agissements « douteux » dans leur gestion de la menace narcotique et, en particulier, d’une instrumentalisationpolitique de cette menace – qualifiée par V. Poutine de « narco-menace ».Tous les coups sont bons, sur le Grand échiquier. – Ensuite, ce retrait va favoriser l’infiltration des forcesextrémistesetterroristesdans les zones conflictuelles de l’ancien Empire soviétique, souffrant à la fois d’un contrôle déficient et d’une perte de légitimité de l’État central russe. Cette perte de légitimité est aggravée par la conjonction de deux éléments : - d’une part, l’actionpolitiquementnonneutre de certaines institutions étrangères, via les revendications « démocratiques » des organisations multilatérales et des ONG, véritables moteurs des récentes « révolutions de couleur » ou autres « révolutions internet », fondées sur la manipulation de l’information et dont l’objectif final est de renverser des régimes hostiles au profit de dirigeants plus « malléables ». - d’autre part, lapolitiqueoccidentaledu« softpower » visant à déconnecter la périphérie post-soviétique de la dépendance russe, via une stratégie de partenariat avec les États de la CEI, dont la politique de « voisinage partagé » menée par l’Union européenne et l’intégration d’ex-républiques soviétiques aux manœuvres de l’OTAN dans le cadre du « Partenariat pour la Paix ». L’objectif ultime est d’intégrer aux structures otaniennes les républiques désireuses de s’émanciper du « grand frère » russe et, en ce sens, d'affaiblir le pouvoir régional de la Fédération de Russie. Regrettable et inutile provocation. – Enfin, ce retrait va encourager l’expansion du nationalismereligieuxetidentitaire – lui-même renforcé par la récente évolution arabe – dans les zones ethniquement sensibles et à dominante musulmane de l’espace russe : Caucase, Oural, Asie centrale. Ce que Daniel Bell, dés le début des années 60, dans son livre, « La fin des idéologies » a fort justement qualifié de germes de « micro-nationalismes » et que plus tard, Hélène Carrère d’Encausse popularisera en 1978 avec « L’Empire éclaté ». Au final, une conséquence paradoxale de la disparition de l’Union soviétique et de la délégitimation induite du Communisme a été de substituer la religion à l’idéologie comme vecteuridentitaire et catalyseur de l’émancipation des peuples – voire comme variable instrumentalisée par l’administration américaine, dans le cadre de sa stratégie de défense de son leadership en Eurasie. Cette « politisation » de la religion, favorisée par le déclin de l’idéologie communiste, est un facteur explicatif et structurant du « Printemps arabe ». Et, en ce sens, une véritable bombegéopolitiqueà retardement. Fondamentalement provoquée par le double choc exogène arabo-afghan, cette involutionethno-religieuserisque, à terme, de gangréner la zone de domination russe et sa ceinture périphérique, politiquement fragile et énergétiquement riche, donc stratégiquement importante. Dans le prolongement de la « ligne Brzezinski », cette involution aura pour principale conséquence d’enliserla Russie post-soviétique dans des micro-conflits périphériques économiquement épuisants et politiquement déstabilisants. En cela, elle se présente comme une menace majeure contre les intérêts politiques de la Russie mais aussi contre ceux de l’Europe, caractérisée par une forte dépendance énergétique à l’égard de la Russie – qui pourrait se traduire, dans un scénario-catastrophe, par une forte envolée des prix des hydrocarbures. En encourageant, sous la houlette de madame Ashton, la radicalisationdémocratico-islamiste sur l’Échiquier arabe et par ricochet, en périphérie post-soviétique, voire en suscitant des révolutions libérales « de couleur » en vue d’éroder l’influence russe au nom de valeurs morales supérieures, la vertueuse Europe, avec son soutien américain, se tire une balle dans le pied. Au risque, bientôt, de déclencher des processus incontrôlables et, in fine, déstabiliser l’Eurasie post-communiste. Face à cette pression croissante de la conjoncture internationale, aggravée par les manœuvres insidieuses de l’Occident, la Russie vient de créer une commission à la Douma chargée de la prévention et de la neutralisation des « révolutions de couleur ». Dans le même temps, comme alternative politique au rapprochement avec l’Occident (dont le comportement est perçu comme très ambigu) et pour compenser le « vide stratégique » issu de son retrait d’Afghanistan (perçu comme une forme d’égoïsme irresponsable), la Russie prône le développement d’un axesécuritaireeurasien via la réactivation de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), centrée sur le renforcement du partenariat sino-russe et son élargissement aux nouvelles puissances régionales émergentes comme l’Inde. Le 5 juin 2012, lors de la visite de V. Poutine en Chine, le président russe et son homologue chinois, Hu Jintao, ont insisté sur la nécessité de renforcer leur partenariatstratégique en vue d’assurer la sécurité régionale menacée par « l’impasse afghane » et, en définitive, contrebalancer l’axe otanien – signal clair, en guise d’avertissement, avant la prochaine rencontre Obama-Poutine au sommet du G20 à Los Cabos, au Mexique (18-19 juin). Veillesécuritaire, au cœur de l’Eurasie. En fragilisant la domination russe dans une zone névralgique et source d’incertitudes pour l’Europe, les instabilités en zones centre-asiatique et moyen-orientale – générées par les dérives chaotiques arabo-afghanes – sont donc un réel vecteur de désordres pour l’espace post-soviétique et, plus globalement, pour le continent eurasien. De manière objective, ces dérives forment une matrice potentielle de conflictualité et, en dernière instance, de restructuration des rapports de force internationaux – avec, pour enjeu implicite et ultime, le contrôle de la gouvernance mondiale. Dans le cadre de ce bras de fer entre leaderships concurrents, le rôle stratégique et politiquement décisif de la Syrie dans la région explique la fermeté de la position russe actuelle. Désormais, quitte à s’opposer frontalement à la coalition d’intérêts arabo-occidentale, Moscou ne peut plus reculer et elle veut faire de la Syrie un symbole de son retour sur la scène internationale comme vecteur du rééquilibragemultipolaire de la gouvernance, s’appuyant sur l’ONU. Cette attitude russe peut d’autant plus s’expliquer qu’elle rejette toute poursuite du « scénario libyen » d’islamisation de la région, avec l’aide (involontaire ?) de l’OTAN, sur la base d’une savante stratégie de désinformation – déjà expérimentée en Afghanistan, en Irak, dans l’ex-Yougoslavie et même, dans les ex-républiques soviétiques. La nouvelle crédibilitéinternationale de la Russie, péniblement reconstruite par V. Poutine depuis le début des années 2000, est en jeu. Et, au-delà, son identitépost-soviétique. Loin de faire le printemps russe, une hirondelle arabe pourrait enfanter un « hiver afghan » aux couleurs islamistes, particulièrement redouté par l’héritière de l’ex-URSS, car ressurgi des méandres de la Guerre froide avec le fantôme de Brzezinski et de troublantes manipulations américaines. En effet, Moscou n’a pas oublié le « piège de Kaboul » de décembre 1979 préparé, sous la bienveillance de ce dernier, par la démocrate administration Carter pour donner à l’armée rouge sa « guerre du Vietnam » et, in fine, déstabiliser le pouvoir russe – avec les conséquences que l’on sait. Trente trois ans plus tard et avec la complicité occidentale, le piègeafghan risque de se refermer, à nouveau, sur la Russie post-soviétique. Terrible malédiction. Au cœur du Grand échiquier eurasien, la Guerretièdesemble, désormais, inéluctable (1). Jean Géronimo
(1) La notion de Guerretiède est conceptualisée dans le post-scriptum de la nouvelle version de mon livre, augmentée de 50 pages et centrée sur les menaces liées aux crises arabes et au bouclier anti-missiles américain : « LaPenséestratégiquerusse – Guerretièdesur l’Échiquier eurasien », préface de Jacques SAPIR, mars 2012, éd. SIGEST, code ISBN 2917329378 – en vente : Amazon, Fnac, Décitre (15 euros).
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POUTINE DANS UN MONDE PLEIN DE RISQUES ET DE DANGERSInternational International ... Poutine dans un monde plein de risques et de dangers
SOURCE : par Fedor Loukianov* La série d’articles de Vladimir Poutine, dont le dernier a été publié dans le quotidien Moskovskie Novosti, donne une idée de la façon dont le Premier ministre russe perçoit le monde environnant et la place de la Russie au sein de ce dernier. Selon Poutine, le monde est imprévisible et réserve des dangers divers et variés, allant du bellicisme croissant et de l’érosion du droit international jusqu’à "l’utilisation d’outils illégitimes de puissance douce (soft power)", venant de l’extérieur mais rongeant de l’intérieur. Par conséquent, ce message appelle à se préparer à faire face à de nombreux défis et menaces. Cela le distingue, par exemple, du discours de Munich en 2007, qui était offensif, voire même agressif, selon certains. Aujourd’hui, au lieu de l’agressivité, on ressent plutôt l’inquiétude et la préoccupation. Quel comportement la Russie doit-elle adopter dans ce monde? Avant tout, elle doit cesser de regarder en arrière, d'évoquer les événements datant de plus de 20 ans. Dans son premier article du programme électoral, Vladimir Poutine écrivait que l’époque postsoviétique était révolue, et que son ordre du jour était épuisé. C’est important, car jusqu’à ce moment, l’effondrement de l’URSS avec toutes ses conséquences diverses et variées avait servi de point de repère, le pays et sa classe dirigeante n’arrivaient pas à surmonter le traumatisme psychologique. Dans son dernier article, Poutine ne mentionne pas la guerre froide (à l’exception du reproche concernant les stéréotypes sur la Russie), ce qui est inhabituel, car jusqu’à présent il l’avait toujours fait. D’ailleurs, l’absence du thème de la guerre froide dans son discours souligne probablement le fait qu’il est inopportun de mettre les problèmes dans les relations avec les Etats-Unis et l’Occident sur le compte de l’inertie de la confrontation du XXe siècle. Cela fait partie du passé, et les divergences des intérêts sont souvent de nature objective. La Russie de Poutine est déçue par l’Occident. D’ailleurs, pas tant pour son manque de respect envers la Russie et son refus de la reconnaître en tant que partenaire à part entière. Pire encore: la politique occidentale ne donne pas les résultats escomptés, autrement dit, elle est inefficace et à courte vue. Du printemps arabe à la crise de la dette européenne, de l’Iran à la Corée du Nord – rien de se déroule selon les plans. Toutefois, Poutine continue de penser que les principales impulsions politiques viennent de l’Occident, en d’autres termes tout se conçoit là-bas, mais cela n’inquiète pas Poutine, car de toute façon ces initiatives n’aboutissent pas. Vladimir Poutine voit le schéma international dans l’interaction, en soulignant que toute action a des conséquences. L’idée est banale, mais la pratique contemporaine nous suggère que les conséquences sont la dernière chose à laquelle on pense, si tant est que l'on y pense. Chaque action est examinée de manière isolée. Vladimir Poutine parle des bases de l’ordre mondial en réitérant les positions habituelles: le "principe séculaire de la souveraineté nationale" se trouve au centre des relations internationales, et la protection des droits de l’homme "de l’extérieur" relève de la "démagogie pure et simple." Poutine est profondément convaincu qu’on n’a toujours pas inventé de principe fondamental dans le monde susceptible de remplacer le rôle de la souveraineté. La politique mondiale est basée sur des principes solides, et non pas des valeurs abstraites, dont l’application est déterminée de manière arbitraire, en fonction du rapport des forces dans une situation donnée. Selon Poutine, la Russie doit rester une puissance mondiale qui joue sur tous les tableaux. Cela distingue l’approche de Poutine des plans de l’époque de Medvedev: la tendance vers la concentration sur les intérêts directs et géographiquement proches, bien qu’ils soient tout de même très larges. Une présence active dans le monde est précisément nécessaire pour ne pas perdre ses positions dans le domaine de l’action directe. Autrement dit, le statu global n’est pas nécessaire pour des expansions en tout genre, mais pour maintenir le statu quo. Et dans ce sens, Poutine voit la Russie non pas comme un simple adversaire systémique des Etats-Unis, comme beaucoup le pensent, mais comme la garante d’un système précis (classique) des points de vue et des relations partagés, selon lui, par les pays du BRICS (le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud). Ce système est basé sur la primauté de l’autonomie stratégique, l’intégrité de la souveraineté et l’équilibre des forces. Poutine est convaincu qu'une influence permanente et principalement hostile est exercée sur la Russie allant des défis militaires (le bouclier antimissile (ABM) et autres modernisations technologiques, l’expansion de l’Otan) à l'imposition de formes d’organisation sociale (à l’aide de campagnes informationnelles et la "puissance douce illégitime"). Le monde est perçu globalement comme un environnement extrêmement dangereux et hostile. Le succès n’est possible qu’en s’appuyant sur la force la plus "solide." "La Russie n'est respectée et prise au sérieux que lorsqu'elle est forte et se tient fermement campée sur ses jambes." Vladimir Poutine conserve sa méfiance à l’égard des Etats-Unis, accumulée suite à ses relations avec George W. Bush pendant ses deux premiers mandats. Cela se manifeste constamment dans les déclarations publiques, et le premier ministre russe est sincère. La pause de trois ans et demi, durant laquelle Poutine n’était pas chargé de la politique étrangère, n’a aucunement diminué son sentiment d’avoir été offensé en raison de l’absence de réciprocité dans les années 2000, et cela affectera la politique étrangère de la Russie. Cependant, Poutine voit la Russie comme un pays ouvert, disposé à coopérer économiquement avec tout le monde, qui ne se replie pas sur lui-même et ne cherche pas à construire ne serait-ce qu’un semblant d’autarcie dans le domaine économique. Dans ce sens, très révélatrice est la reconnaissance du fait que l’achat de matériel militaire à l’étranger est une pratique normale (dans la limite du raisonnable), ainsi que l’explication du bénéfice qu'apportera l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), chose impopulaire en Russie. En fait, Poutine s’intéresse aux grandes entreprises et à leur promotion, les alliances stratégiques de grandes compagnies et les transactions importantes en tant que moyen de rapprochement politique. Enfin, la Russie a commencé à accorder bien plus d’importance à la Chine et à l’Asie en général, y compris en les regardant à travers le prisme du développement de la Sibérie et de l’Extrême-Orient russes. A la vision générale des problèmes de l’ordre mondial, dont on parlait depuis longtemps, s’ajoute aujourd’hui la volonté de gonfler les "voiles de l’économie russe avec le vent chinois". L’attitude sérieuse envers le voisin oriental de la Russie est soulignée toutefois par la mention de "frictions" importantes, y compris l’immigration. Une telle réserve montre que la Chine est réellement une partie importante de l’ordre du jour. Les événements de ces dernières années ont montré qu’une planification stratégique sérieuse était pratiquement inutile dans le monde contemporain imprévisible. Et il s’avère que la tactique de réaction habituelle russe aux impulsions extérieures changeant en permanence, même si elle n’est pas complètement justifiée, est le seul choix rationnel. Et c’est précisément à cela que le candidat numéro 1 prépare le pays et se prépare lui-même. (*) Fedor Loukianov est rédacteur en chef du magazine Russia in Global Affairs. (Source : rianovosti), merci à eux.
in english : PUTIN IN A WORLD FULL OF RISKS AND HAZARDS
POUTINE ( suite )
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