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1 février 2019

CULTURAL WITH FRENCH ARTIST FRED FOREST

FRED FOREST

images

 

ESTHETIQUE DE GILETS JAUNES

Published on 2019 M01 14

 

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Doctorat d'Etat chez Sorbonne Paris I

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https://whitehotmagazine.com/articles/fred-forest-at-whitebox/3954

UNE ANTICIPATION DU MOUVEMENT DES GILETS JAUNES ?

Fred Forest et son projet d' ETHIQUE DANS L'ART rejoint en grande partie le combat des gilets jaunes dans sa forme actuelle, sans préjuger de ses orientations futures ...et de son appropriation toujours possible par la pensée unique qu'elle soit de droite comme de gauche.

ACTE FONDATEUR EN PRÉSENCE DE ANTHONY HADEN-GUEST WRITER ET ART CRTIC LORS D'UN DEBAT SE DEROULANT A LA WHITE BOX EN MAI 2018

Sa mission critique accomplie à la White Box en 2018 contre le marché de l’art, le fonctionnement des institutions muséales et les foires de l’art, Fred Forest après son séjour à New York est rentré en Europe. L’art est autre chose que de la marchandise affirme-t-il. Et les artistes autre chose que de pâles ectoplasmes s’alignant au service d’un système qui les asservi et les aliène. Leur imposant ses lois économiques, jusque dans les modèles de ce qu'il faut faire, ou à ne pas faire, et qui dans les modes du moment leur dictent lleur feuille de route.

Pendant son séjour à New York il a rencontré beaucoup d’intellectuels et d’artistes qui s’accordent à penser comme lui que le déclin de notre civilisation est marqué par une perte des valeurs éthiques et esthétiques. L’introduction en force du numérique au sein des activités humaines laisse entendre des bouleversements sociaux radicaux et irréversibles. Les impossibilités de contenir le terrorisme du fait du laxisme entretenu par les Etats de droit dans leur incapacité de changer leurs lois pour lui répondre d’une façon pertinente sans se tromper de cible. Des bouleversements politiques en Europe qui risquent de laisser place aux extrémismes de tous bords. Les corruptions au plus haut niveau de l’Etat dans nos sociétés avancées. Des problèmes de transitions climatiques qui se font déjà ressentir autour de la planète ici où là. Des situations corroborées chaque année par des statistiques qui nous apprennent que les riches deviennent de plus en plus riches, alors qu’au contraire les revenus des pauvres vont s’amenuisant ! Autant de raisons qui devraient nous conduire, nous artistes, non pas à laisser tomber les bras, mais à relever nos manches. A revendiquer plus de justice et au lieu nous complaire dans les ghettos dorés de l’art, d’adapter notre art aux besoins de la société comme l’a tenté l’art sociologique en son temps. Estimant que les artistes devraient reprendre le Pouvoir et la parole à ceux qui finalement l’ont usurpé en mettant en place un système de l’art qui s’en est approprié indument. Délaissant les valeurs morales et esthétiques au profit d’opérations à visées financières. Nous faisant admettre (croire) insidieusement que l’art n’était en quelque sorte qu’une une valeur fiduciaire équivalente à un certain nombre de billets de banque sur le plateau d’une balance Roberval… Je pense que le moment est venu pour les artistes qui sont en vérité les seuls producteurs de biens dans ce système inique et élitaire, de réagir et de réclamer ce qui nous revient de droit. Nous sommes à la charnière de deux cultures. Un moment difficile où les artistes épris de justice et de vérité " vraie " comprendront que la fonction symbolique dont chacun charge ses œuvres n’a rien à voir avec sa valeur d’échange contre des euros ou des dollars. Je suis formel sur le sujet: l’art ne peut se vendre ni s’acheter comme une botte d’asperges au marché, car il n’existe aucune sorte d’équivalence ontologique avec tout autre produit.

Donc à la limite, il ne peut que s’offrir, et pourquoi pas se donner par exemple contre un sourire ? Mon argumentation vise à démontrer que finalement le marché de l’art n’est qu’une fiction en même temps qu’une imposture dans laquelle ses opérateurs, ses artistes, ses galeries, ses institutions s’agitent vainement quand l’art d’aujourd’hui et de demain est déjà ailleurs Sous des formes visibles ou invisibles mais toujours insoupçonnées.

Avec le numérique des changements drastiques se dessinent qui perturberont inévitablement la fonction de l’art dans les années à venir. Dans le débat qu'il annonce Fred Forest partagera la discussion avec les participants pour décider ensemble quelle sera la fonction de l’art en dehors du marché et des institutions. Lui ne sera que le catalyseur d’une situation historique dont les plus jeunes générations devront prendre main pour construire leurs propres valeurs. Des valeurs qui ne répondent et qui n’appartiennent qu’à elles-mêmes. A leur propre culture, celle qui s’élabore pour eux smartphone en mains Un art appartenant à la culture de leur temps dont le substrat reste le même depuis la nuit des temps et dont seule la forme change. L’amour, la solidarité, la fraternité, la liberté, toujours accompagnés de leurs pendants obscurs, la haine, l’indifférence, le cynisme, la fascination de la mort. Un art non mondialiste mais géopolitique, à la fois enraciné et délocalisé, qui donne du sens à tous et pour tous. Un art qui mette les artistes, l’art, l’imagination et l’invention stratégique au centre du monde …

Un art qui redonne du sens à chacun !

6 mai 2018,

Fred Forest

0 (2)FRED FOREST

By ANTHONY HADEN GUEST, May, 2018

Pierre Restany, the great French critic, a protagonist of the Nouveaux Realistes of the 60s, nailed the contribution of Fred Forest when he wrote that “He is certainly the first artist to grasp the true importance of communication not just s a series of systems designed to convey reality, but as a space – an autonomous territory.” The 84 year old Forest, who delights in describing himself as “France’s most famous unknown artist in the world”, has made art using every sort of communications media, including video, radio and the mail system, he made early art use of the Internet, and he insists that he is only interested in using the most modern means when making his art. His show now up at WhiteBox on Broome is called Fred Forest Exhibits The Pompidou Center Paris In New York and will run until May 26.

The Forest show in part references the period in 1982 during which he turned a space in the Pompidou into a hub during which he and a staff of fifteen spent five weeks putting together items, dealing with sex, death and bizarrerie. Yes, fake news. It also references the fact that in 1994 he sued the Pompidou Center over acquisition practices of which he disapproved.  

 It most certainly references the circumstance that in 2011 Forest showed up at the Pompidou’s Video Vintage exhibition to protest his omission from a major retrospective of a form in the development of which he had played a significant part. He presented a petition signed by a great many culturati, then gave a performance during which he was bound like a mummy in vintage 1970s Portapak videotape, after which exhibition-goers were asked to cut him loose.

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Installation view, Fred Forrest, Whitebox, New York, NY, 2018

Forest, in short, is a troublemaker, a prankster, a cultural poacher. An appropriately named fictional prototype who comes to mind is “the Artful Dodger,” the juvenile pickpocket in Charles Dickins’ novel, Oliver Twist. He first came to attention in 1972 when he bought fifteen square centimeters in France’s most distinguished daily paper, Le Monde, had it published as a blank oblong, asking readers to fill the space with material of their own devising and send him the results. When we spoke at WhiteBox Forest he cheerfully acknowledged that he had been alluding to an action of Yves Klein, an artist strongly supported by Pierre Restany, who had a widely publicized show in 1956 at the Iris Clert gallery, at the opening of which 3000 people swarmed into an empty room.

téléchargement (2)

Installation view, Fred Forrest, Whitebox, New York, NY, 2018.

Forest’s assaults on the practices of the art world have been witty and unremitting. In 1977 he put up “artistic square meters” of undeveloped land for sale at an art auction. He continues to attempt installations of his “invisible square meters,” including an attempt at MoMA, New York, a few months after his Video Vintage action. Also at MoMA he had himself videotaped taking a tour. We see Forest gazing at the Duchamp bicycle wheel and some Dan Flavin neons.

Both the bicycle wheel and the neons, once on the cutting edge of manufacturing, were made with what is now obsolescent tech. Keith Haring’s show of Xerox art at MoMA’s Club 57 show comes to mind here, as do the copy machine-made pieces by Carolee Schneeman that were up at her terrific show at MoMA PS1, and, yes, how poignant, indeed how patinated, cutting edge tech can swiftly get. WM

téléchargement (4)

WHITEHOTMAGAZINE.COM

Fred Forest at WhiteBoxThe 84 year old Forest, who delights in describing himself as “France’s most famous unknown artist in the world”, has made art using every sort of communications media.

 

A LIRE ABSOLUMENT

Published on 2019 M01 29

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Doctorat d'Etat chez Sorbonne Paris I

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0 . A l'occasion de l'atelier de Philippe Dupuis sur l'Esthétiquedes Gilets jaunes, Fred Forest lance le mouvement POUR UN ETHIQUE DANS L'ART http://www.fredforest.space/ en présence de Catherine Poulain, Alexis Denuy, Sophie Lavaud, Catherine de Montfort, Aude de Kerros, Manuela Manzini, Christian Paraschiv, Prisca Temporal, Alain Oudin,

Gil Adamy Président d' Art & Sens etc...en demandant aux participants de bien vouloir se prêter à une expérience d'Intelligence collective où chacun laisserait à la porte son histoire personnelle, ses idéologies politiques, ses a priori, pour se mettre dans la position d' une vraie écoute de l'autre, afin de mener ensemble une vraie réflexion sur les valeurs de demain à instaurer.

Au cours d'une séance totalement apaisée la priorité d'urgence à prôner en conclusion fût l'Humain, rien que l'Humain, toujours l'Humain !

Actualité internationale de la littérature critique sur l’art contemporain

CRITIQUE D'ART 51

De l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à

l’intérieur, autour et au-delà des institutions)

Juan Albarrán Di

Éditeur: Groupement d'intérêt scientifique (GIS) Archives de la critique d’art

Juan Albarrán Diego, « De l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, autour et au-delà)

consulté le 13 décembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/3659

Juan Albarrán Diego

Traduction : Alejandra Merino Mora

RÉFÉRENCE

Michael F. Leruth, Fred Forest’s Utopia: Media Art and Activism, Cambridge : MIT Press, 2017, (Leonardo) Maura Reilly, Lucy R. Lippard, Curatorial Activism: Towards an Ethics of Curating, Londres :

Thames & Hudson, 2018

Daniela Poch, Arcadi Poch, Artivism, Londres : Carpet Bombing Culture, 2018

Curating as Anti-Racist Practise, Helsinki : Aalto University, 2018. Sous la dir. de Natalie Bayer, Belinda Kazeem-Kamiński, Nora Sternfeld

1. Lier les mots « activisme » et « commissariat » dans une même phrase pourrait sembler une sorte d’oxymore : « commissionner » l’activisme [comisariar el activismo], faire du commissariat à partir d’une pratique activiste, le commissariat comme activisme, l’activisme curatorial, etc. Il en va de la sorte si nous considérons, d’un côté, l’activisme comme une action capable de dépasser les limites de la politique représentative et de transposer les conflits à l’intérieur de la sphère publique ; et de l’autre, la pratique curatoriale comme une activité hautement institutionnalisée visant à guider l’expérience du public et tendant à produire un type de savoir reconnu à l’intérieur des circuits culturels. Mais il n’en va plus ainsi. Depuis au moins la fin des années 1990, dans de nombreux contextes, les militants ont tenté d’établir un dialogue critique avec les institutions qui répondent souvent à leurs demandes, et, y compris, s’approprient une compétence dans l’orientation des processus de transformation sociale. Les curators deviennent des médiateurs dans le cadre de projets de collaboration cherchant à rendre de l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, aut... Critique d’art, 51 | Automne/hiver visibles les problèmes des minorités et des communautés marginalisées, alignant ainsi leur activité sur les feuilles de route de mouvements sociaux divers. Les artistes, quant à eux, abandonnent leurs moyens d’action et leurs disciplines traditionnelles pour fondre leur travail dans ce magma de manifestations, auquel on se réfère lorsque l’on parle d’activisme.

2 . Parallèlement à l’expansion de la littérature académique sur le commissariat d’exposition, et au poids symbolique croissant de la politique en général et de l’activisme en particulier dans le domaine de l’art contemporain, des travaux sont apparus visant à relier ces deux concepts selon des perspectives très diverses. Dans un livre récent, Maura Reilly, fondatrice du Elizabeth A. Sackler Center for Feminist Art (Brooklyn Museum) et à l’origine d’expositions telles que Global Feminism (2007, avec Linda Nochlin), a inventé l’expression curatorial activism en passant en revue une sélection d’expositions des années 1970 à nos jours, qui auraient participé activement à la lutte contre le machisme, le racisme et l’homophobie dominants dans le monde de l’art. Le travail de Reilly repose sur une conception de l’activisme non pas comme activité subversive, visant à faire vibrer des corps dissidents ensemble dans l’espace public, mais plutôt comme prise de position dans l’espace réglementé de l’art – musée, galerie, biennale – visant à résoudre des problèmes propres à la représentation. Dans ce cas, il ne s’agit pas de «commissionner l’activisme »

– bien que certaines des expositions analysées entrent en résonnance avec cette expression – mais de faire de l’activisme depuis la pratique du commissariat, prenant en compte un engagement éthique : « Ma force motrice en tant que curatrice est donc totalement activiste : mon but est d’être systématiquement anti-hégémonique »1.

3. Pour ce faire, Maura Reilly évalue plusieurs stratégies curatoriales, en soulignant leurs forces et leurs faiblesses. Elle en révise la forme standardisée pour pouvoir inclure davantage, en passant par la production d’expositions reposant sur les area studies (femmes artistes, art afro-américain, art du Moyen-Orient, art LGTBQ, etc.), jusqu’à la construction de récits historiques non-linéaires capables de recevoir des voix très diverses sans réduire leurs frictions. Son activisme curatorial se limite toutefois à repenser les méthodes de travail déployées par les commissaires dans des expositions importantes – médiatiques et généralement bien financées – en Europe et aux Etats-Unis et cherchant à rendre visible la production des femmes, des minorités ethniques et du collectif LGTBQ : “Comment faire en sorte que les acteurs du monde de l’art réfléchissent au genre, à la race, à la sexualité, pour qu’ils comprennent qu’il s’agit d’une préoccupation permanente qui réclame qu’on passe à l’acte ? Comment pouvons-nous contribuer à rendre le monde de l’art plus inclusif ?”2. Sans aucun doute, les questions de Maura Reilly, étayées par un diagnostic précis des inégalités persistantes dans le domaine de l’art contemporain, restent pertinentes. Cependant, ses recherches, présentées comme une sorte de « manifeste pour le changement dans le monde de l’art », renforcent le rôle central du commissaire dans le système artistique, et ignore les processus curatoriaux collaboratifs ainsi que les propositions qui se déploient sous des formats non conventionnels, dans des espaces très éloignés des circuits et centres hégémoniques. On peut même penser que le commissaire, en tant que figure emblématique du monde de l’art, ait besoin de renforcer sa position en attirant vers lui une partie du capital symbolique mis en jeu par les récents mouvements sociaux, ceux venant d’un activisme beaucoup plus risqué et moins glamour.

4 . Le livre publié par Natalie Bayer, Belinda Kazeem-Kamiński et Nora Sternfeld, Curating as Anti-Racist Practice, approfondit certains des problèmes soulevés par Maura Reilly, De l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, aut... Critique d’art, 51 | Automne/hiver

2. concernant la marginalisation structurelle dont souffrent les sujets racialisés dans nos sociétés. L’ouvrage rassemble des essais, des analyses de cas et des conversations entre artistes, commissaires et chercheurs présentant un panorama global des dilemmes que tout curator engagé contre le racisme doit pouvoir traiter. Le livre se situe à un moment politique marqué par la « crise des réfugiés en Europe » (qui s’aggrave en 2015) et la croissance inquiétante des comportements et des organisations xénophobes. Si Maura Reilly a tenté de construire une généalogie pour son Curatorial Activism à partir d’expositions produites dans des musées et des centres d’art, Bayer, Kazeem-Kamiński et Sternfeld supposent qu’une pratique curatoriale antiraciste doit être à même de transformer le code génétique des institutions avec lesquelles le commissaire travaille. Ce dernier ne peut être vu comme un héros qui s’oppose à l’establishment pour donner de la visibilité à une minorité, prenant en compte ou pas ses membres. Il est un agent qui doit remettre en question la structure même dans laquelle il opère, et de là, son rôle et la légitimité qu’il possède à rendre l’autre visible. Ce n’est qu’à partir de cette remise en cause radicale qu’il sera possible de produire des dispositifs et des discours curatoriaux capables d’influencer le contexte social de haine et d’inégalité dans lequel s’inscrivent nos institutions et qui, d’une manière ou d’une autre, affecte tous les acteurs impliqués sur le terrain.

5. Bien que certains projets curatoriaux soient passés en revue dans l’ouvrage, les éditeurs sont conscients qu’il n’existe pas de recettes toutes faites pour atteindre les objectifs proposés, et qu’il est donc nécessaire d’inventer des stratégies et des manières de travailler. Comme l’affirme Natalie Bayer : « Selon moi, un commissariat anti-raciste consisterait dans la prise en compte sérieuse des demandes pour l’égalité, et d’une action en conséquence. Pour que cela ait lieu, nous avons besoin de constellations, de méthodes, de concepts, de références et de buts différents de ceux qui sont toujours présents dans le champ culturel. »3. La recherche de solutions impliquerait une prise de conscience critique du passé colonial de l’Europe et des diasporas qui s’y trouvent aujourd’hui, mais aussi un court-circuitage des récits occidentaux, émaillés de colonialisme, et une modification des fonctions attribuées aux musées en tant qu’institutions nées au siècle des Lumières et marquées par le libéralisme, le colonialisme et le nationalisme du XIXe siècle. Si le dispositif de l’exposition, tel que nous le connaissons et le consommons, est lié au régime esthétique engendré par le musée éclairé, vaincre le racisme qui prévaut dans les institutions culturelles impliquerait de regarder en face et de surmonter les défauts de ce modèle. Plusieurs des contributions compilées dans Curating as Anti-Racist Practice vont dans ce sens et proposent, comme point de départ, de mettre davantage l’accent sur les manières de travailler que sur l’exposition elle-même en tant que produit fini, prêt pour une consommation de masse.

6. La transformation de l’ADN des institutions – en particulier de celles liées à la politique représentative – a été l’un des objectifs des formes d’activisme qui ont émergé avec force dans les années 1990 et dont la sphère d’action a dépassé les limites du champ de bataille tracé par les syndicats et les partis politiques depuis le XIXe siècle. La rue, mais aussi Internet et les réseaux sociaux ont dû être revendiqués comme des lieux de dissidence à l’heure de la privatisation du public et de l’avancée de la mondialisation néolibérale. La prise de conscience que les manifestations altermondialistes ont eu d’elles-mêmes, d’un point de vue esthétique, leur aspect performatif, ludique et créatif, est à l’origine de la généralisation du concept d’artivisme (art+activisme) au début des années 2000. Dans un ouvrage récemment publié sous le titre d’Artivism, Arcadi et Daniela Poch rassemblent des De l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, aut... Critique d’art, 51 | Automne/hiver

3 . informations de base sur un ensemble très hétérogène de créateurs et de projets, sans jamais définir leur objet d’étude ni justifier leur sélection : « Selon moi, un commissariat anti-raciste consisterait dans la prise en compte sérieuse des demandes pour l’égalité, et d’une action en conséquence. Pour que cela ait lieu, nous avons besoin de constellations, de méthodes, de concepts, de références et de buts différents de ceux qui sont toujours présents dans le champ culturel »

4. Ces choses qui se passent principalement dans la rue, à même le territoire urbain comme champ d’une nouvelle créativité contestataire. Ce répertoire de noms et d’images, bien que dépourvu d’une hypothèse de travail solide, sera d’une grande utilité pour les commissaires qui souhaitent travailler sur le territoire du politique.

7. Le projet éditorial et curatorial de Peter Weibel global aCtIVISm prenait appui sur ce même terrain. L’exposition, ouverte à la fin 2013 au ZKM, a rassemblé un large éventail de matériaux – vidéos, installations, objets, photographies et matériaux documentaires issus d’actions de rue ou d’interventions sur les réseaux sociaux – produits par des collectifs, ONGS, activistes, cinéastes, intellectuels et artistes du monde entier. Le volumineux catalogue édité par Peter Weibel à cette occasion rassemble des essais de nombreux théoriciens de renom travaillant sur des problèmes sociaux (Latour, Negri, Sloterdijk, Zizek, Mignolo, parmi tant d’autres). Tous essaient de réfléchir aux moyens de surmonter les limites des démocraties actuelles, à un moment où les citoyens commencent à percevoir que les états, abandonnés aux intérêts du capital, n’ont pas réussi à protéger leurs droits et libertés. Selon Weibel, les mouvements de protestation festifs de ces citoyens désireux de participer à la vie politique sont au fondement d’une « démocratie performative » liée à une tradition artistique de néo-avant-garde : « Les actions performatives menées par des artivistes, associées à leur diffusion massive en ligne ont démontré comment les citoyens peuvent – et veulent – jouer un rôle tangible dans le fait de surmonter des situations de crise : les pratiques de performance artistique et celles de la participation du public, qui existent en art depuis les années 1960, descendent pour ainsi dire dans l’arène du politique »

5. L’élément le plus problématique, peut-être, des propositions de Weibel, est qu’il considère l’artivisme comme la forme artistique par excellence du XXIe siècle, comme si l’action directe dans la sphère publique était devenue le seul horizon de travail possible pour quiconque souhaite être considéré comme un artiste dans le circuit international. Ou, encore, comme si seules les actions, plus ou moins spontanées, d’une citoyenneté critique pouvaient nous offrir des expériences aussi intenses et émancipatrices que celles de l’art.

8. D’un point de vue un peu techno-utopique, Peter Weibel considère les nouveaux médias comme l’environnement privilégié de cet artivisme mondial aux racines avant-gardistes.

L’un des précurseurs de l’expérimentation néo-médiale dans le domaine de l’art fut sans aucun doute le Français Fred Forest, sur lequel une monographie signée par Michael F. Leruth et intitulée Fred Forest’s Utopia: Media Art and Activism vient de paraître. Forest, à qui le Centre Georges Pompidou a consacré une exposition au cours de l’été 2017, travaille depuis la fin des années 1960 sur des projets liés à la communication sociale. Des interventions dans les médias, des installations vidéo ou des batailles juridiques autour de la nature et de la place de l’art, ont occupé le gros de son activité, avec toujours cette volonté de réveiller la conscience du spectateur par des dispositifs variés. Au sein du Collectif d’Art Sociologique (1974-1980), dont il fut l’un des membres fondateurs, Fred Forest a étudié les problèmes liés au système artistique, ainsi que les possibilités interactives des médias. Dans les années 1980, il s’intéressa à l’esthétique de  l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, aut... Critique d’art, 51 | Automne/hiver

4. communication, et de là, chercha à élargir les limites de l’expérience et de la perception. Le livre de Leruth met l’accent sur le concept d’« interface comme utopie ». Forest aurait pensé l’interface comme un seuil permettant de dépasser les limites acceptées et reconnues de chaque média, ouvrant des possibilités de communication dans un monde hyper-technologique.

6. Sans aucun doute, cet objectif constitue en soi une sorte d’utopie qu’il vaut la peine de poursuivre. Néanmoins, je ne suis pas sûr que le travail de Forest puisse répondre correctement au concept d’activisme tel que le propose le titre du livre de Leruth. De toute façon, la volonté de relier l’artiste français à ce concept pourrait être interprétée comme un symptôme à la fois du poids symbolique croissant de l’activisme dans le domaine de l’art contemporain et des difficultés à déterminer à quoi renvoie ce terme.

9 . Les œuvres auxquelles j’ai fait référence offrent de nouveaux éléments à la discussion sur les relations entre l’art et l’activisme. Le travail politique que nous identifions comme activisme continue à inviter à réfléchir à la manière d’inscrire dans l’espace de l’art contemporain une activité aussi labile qu’énergique, toujours guidée par la volonté d’intervenir politiquement dans la réalité. Comment intégrer sa force transformatrice dans la dynamique de travail des acteurs impliqués sur le terrain ? Comment la porter au présent – l’exposer – sans trahir ses objectifs, afin de pouvoir comprendre sa signification et profiter de ses apports ? Comment expérimenter, à même le territoire de l’art, une partie de son intensité ?

NOTES

1. Reilly, Maura. Curatorial Activism: Towards an Ethics of Curating, Londres : Thames & Hudson,

2018, p. 21

2. Ibid.

3. Bayer, Natalie. Kazeen-Kamiński, Berlinda. Sternfeld, Nora. “Where´s the Contact Zone Here?!

A conversation”, Curating as Anti-Racist Practice, Helsinki : Aalto University, 2018, p. 26

4. Poch, Arcadi. Poch, Daniela. Artivism, Londres : Carpet Bombing Culture, 2018, p. 7

5. Weibel, Peter. “People, Politics, and Power”, Global Activism: Art and Conflict in the 21st Century,

Cambridge : MIT ; Karlsruhe : ZKM, 2014, p. 58

6. Leruth, Michael F. Fred Forest´s Utopia: Media Art and Activism, Cambridge : MIT, 2017, p. 182

De l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, aut...

Critique d’art, 51 | Automne/hiver

5

AUTEURS

JUAN ALBARRÁN DIEGO

Juan Albarrán Diego enseigne l’histoire de l’art à l’Université Autonome de Madrid (Universidad

Autónoma de Madrid, UAM), où il coordonne le programme du Master en Histoire de l’art

contemporain et culture visuelle (UAM/UCM/Museo Reina Sofia). Ses recherches et son

enseignement portent sur les pratiques et théories de l’art contemporain. Il a publié les livres

Arte y Transición [Art and Transition] (2012, 2018), Llámalo Performance: Historia, disciplina y recepción

(2015), Santiago Sierra. Interviews (2016), et Miguel Trillo : Double Exposure (2017).

De l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, aut...

Critique d’art, 51 | Automne/hiver

6 Juan Albarrán Diego

Traducteur : Alejandra Merino Mora

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/36598

DOI : 10.4000/critiquedart.36598

ISBN : 2265-9404

ISSN : 2265-9404

Éditeur

Groupement d'intérêt scientifique (GIS) Archives de la critique d’art

Édition imprimée

Date de publication : 27 novembre 2018

Pagination : 16-30

ISBN : 1246-8258

ISSN : 1246-8258

Référence électronique

Juan Albarrán Diego, « De l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, autour et au-delà des institutions) », Critique d’art [En ligne], 51 | Automne/hiver, mis en ligne le 27 novembre 2019, consulté le 13 décembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/36598 ; DOI :

10.4000/critiquedart.36598

Ce document a été généré automatiquement le 13 décembre 2018.

EN

De l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, autour et au-delà des institutions)

Juan Albarrán Diego

Traduction : Alejandra Merino Mora

RÉFÉRENCE

Michael F. Leruth, Fred Forest’s Utopia: Media Art and Activism, Cambridge : MIT Press, 2017,

(Leonardo)

Maura Reilly, Lucy R. Lippard, Curatorial Activism: Towards an Ethics of Curating, Londres :

Thames & Hudson, 2018

Daniela Poch, Arcadi Poch, Artivism, Londres : Carpet Bombing Culture, 2018

Curating as Anti-Racist Practise, Helsinki : Aalto University, 2018. Sous la dir. de Natalie Bayer, Belinda Kazeem-Kamiński, Nora Sternfeld

1 . Lier les mots « activisme » et « commissariat » dans une même phrase pourrait sembler une sorte d’oxymore : « commissionner » l’activisme [comisariar el activismo], faire du commissariat à partir d’une pratique activiste, le commissariat comme activisme, l’activisme curatorial, etc. Il en va de la sorte si nous considérons, d’un côté, l’activisme comme une action capable de dépasser les limites de la politique représentative et de transposer les conflits à l’intérieur de la sphère publique ; et de l’autre, la pratique curatoriale comme une activité hautement institutionnalisée visant à guider l’expérience du public et tendant à produire un type de savoir reconnu à l’intérieur des circuits culturels. Mais il n’en va plus ainsi. Depuis au moins la fin des années 1990, dans de nombreux contextes, les militants ont tenté d’établir un dialogue critique avec les institutions qui répondent souvent à leurs demandes, et, y compris, s’approprient une compétence dans l’orientation des processus de transformation sociale. Les curators deviennent des médiateurs dans le cadre de projets de collaboration cherchant à rendre de l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, aut...

Critique d’art, 51 | Automne/hiver

1. Visibles les problèmes des minorités et des communautés marginalisées, alignant ainsi leur activité sur les feuilles de route de mouvements sociaux divers. Les artistes, quant à eux, abandonnent leurs moyens d’action et leurs disciplines traditionnelles pour fondre leur travail dans ce magma de manifestations, auquel on se réfère lorsque l’on parle d’activisme.

2. Parallèlement à l’expansion de la littérature académique sur le commissariat d’exposition, et au poids symbolique croissant de la politique en général et de l’activisme en particulier dans le domaine de l’art contemporain, des travaux sont apparus visant à relier ces deux concepts selon des perspectives très diverses. Dans un livre récent, Maura Reilly, fondatrice du Elizabeth A. Sackler Center for Feminist Art (Brooklyn Museum) et à l’origine d’expositions telles que Global Feminism (2007, avec Linda Nochlin), a inventé l’expression curatorial activism en passant en revue une sélection d’expositions des années 1970 à nos jours, qui auraient participé activement à la lutte contre le machisme, le racisme et l’homophobie dominants dans le monde de l’art. Le travail de Reilly repose sur une conception de l’activisme non pas comme activité subversive, visant à faire vibrer des corps dissidents ensemble dans l’espace public, mais plutôt comme prise de position dans l’espace réglementé de l’art – musée, galerie, biennale – visant à résoudre des problèmes propres à la représentation. Dans ce cas, il ne s’agit pas de « commissionner l’activisme » – bien que certaines des expositions analysées entrent en résonnance avec cette expression – mais de faire de l’activisme depuis la pratique du commissariat, prenant en compte un engagement éthique : « Ma force motrice en tant que curatrice est donc totalement activiste : mon but est d’être systématiquement anti-hégémonique »1.

3. Pour ce faire, Maura Reilly évalue plusieurs stratégies curatoriales, en soulignant leurs forces et leurs faiblesses. Elle en révise la forme standardisée pour pouvoir inclure davantage, en passant par la production d’expositions reposant sur les area studies (femmes artistes, art afro-américain, art du Moyen-Orient, art LGTBQ, etc.), jusqu’à la construction de récits historiques non-linéaires capables de recevoir des voix très diverses sans réduire leurs frictions. Son activisme curatorial se limite toutefois à repenser les méthodes de travail déployées par les commissaires dans des expositions importantes – médiatiques et généralement bien financées – en Europe et aux Etats-Unis et cherchant à rendre visible la production des femmes, des minorités ethniques et du collectif LGTBQ : “Comment faire en sorte que les acteurs du monde de l’art réfléchissent au genre, à la race, à la sexualité, pour qu’ils comprennent qu’il s’agit d’une préoccupation permanente qui réclame qu’on passe à l’acte ? Comment pouvons-nous contribuer à rendre le monde de l’art plus inclusif ?”

2. Sans aucun doute, les questions de Maura Reilly, étayées par un diagnostic précis des inégalités persistantes dans le domaine de l’art contemporain, restent pertinentes. Cependant, ses recherches, présentées comme une sorte de « manifeste pour le changement dans le monde de l’art », renforcent le rôle central du commissaire dans le système artistique, et ignore les processus curatoriaux collaboratifs ainsi que les propositions qui se déploient sous des formats non conventionnels, dans des espaces très éloignés des circuits et centres hégémoniques. On peut même penser que le commissaire, en tant que figure emblématique du monde de l’art, ait besoin de renforcer sa position en attirant vers lui une partie du capital symbolique mis en jeu par les récents mouvements sociaux, ceux venant d’un activisme beaucoup plus risqué et moins glamour.

4. Le livre publié par Natalie Bayer, Belinda Kazeem-Kamiński et Nora Sternfeld, Curating as Anti-Racist Practice, approfondit certains des problèmes soulevés par Maura Reilly,

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2- concernant la marginalisation structurelle dont souffrent les sujets racialisés dans nos sociétés. L’ouvrage rassemble des essais, des analyses de cas et des conversations entre artistes, commissaires et chercheurs présentant un panorama global des dilemmes que tout curator engagé contre le racisme doit pouvoir traiter. Le livre se situe à un moment politique marqué par la « crise des réfugiés en Europe » (qui s’aggrave en 2015) et la croissance inquiétante des comportements et des organisations xénophobes. Si Maura Reilly a tenté de construire une généalogie pour son Curatorial Activism à partir d’expositions produites dans des musées et des centres d’art, Bayer, Kazeem-Kamiński et Sternfeld supposent qu’une pratique curatoriale antiraciste doit être à même de transformer le code génétique des institutions avec lesquelles le commissaire travaille. Ce dernier ne peut être vu comme un héros qui s’oppose à l’establishment pour donner de la visibilité à une minorité, prenant en compte ou pas ses membres. Il est un agent qui doit remettre en question la structure même dans laquelle il opère, et de là, son rôle et la légitimité qu’il possède à rendre l’autre visible. Ce n’est qu’à partir de cette remise en cause radicale qu’il sera possible de produire des dispositifs et des discours curatoriaux capables d’influencer le contexte social de haine et d’inégalité dans lequel s’inscrivent nos Institutions et qui, d’une manière ou d’une autre, affecte tous les acteurs impliqués sur le terrain.

5. Bien que certains projets curatoriaux soient passés en revue dans l’ouvrage, les éditeurs sont conscients qu’il n’existe pas de recettes toutes faites pour atteindre les objectifs proposés, et qu’il est donc nécessaire d’inventer des stratégies et des manières de travailler. Comme l’affirme Natalie Bayer : « Selon moi, un commissariat anti-raciste consisterait dans la prise en compte sérieuse des demandes pour l’égalité, et d’une action en conséquence. Pour que cela ait lieu, nous avons besoin de constellations, de méthodes, de concepts, de références et de buts différents de ceux qui sont toujours présents dans le champ culturel. »3. La recherche de solutions impliquerait une prise de conscience critique du passé colonial de l’Europe et des diasporas qui s’y trouvent aujourd’hui, mais aussi un court-circuitage des récits occidentaux, émaillés de colonialisme, et une modification des fonctions attribuées aux musées en tant qu’institutions nées au siècle des Lumières et marquées par le libéralisme, le colonialisme et le nationalisme du XIXe siècle. Si le dispositif de l’exposition, tel que nous le connaissons et le consommons, est lié au régime esthétique engendré par le musée éclairé, vaincre le racisme qui prévaut dans les institutions culturelles impliquerait de regarder en face et de surmonter les défauts de ce modèle. Plusieurs des contributions compilées dans Curating as Anti-Racist Practice vont dans ce sens et proposent, comme point de départ, de mettre davantage l’accent sur les manières de travailler que sur l’exposition elle-même en tant que produit fini, prêt pour une consommation de masse.

6 .La transformation de l’ADN des institutions – en particulier de celles liées à la politique représentative – a été l’un des objectifs des formes d’activisme qui ont émergé avec force dans les années 1990 et dont la sphère d’action a dépassé les limites du champ de bataille tracé par les syndicats et les partis politiques depuis le XIXe siècle. La rue, mais aussi Internet et les réseaux sociaux ont dû être revendiqués comme des lieux de dissidence à l’heure de la privatisation du public et de l’avancée de la mondialisation néolibérale. La prise de conscience que les manifestations altermondialistes ont eu d’elles-mêmes, d’un point de vue esthétique, leur aspect performatif, ludique et créatif, est à l’origine de la généralisation du concept d’artivisme (art+activisme) au début des années 2000. Dans un ouvrage récemment publié sous le titre d’Artivism, Arcadi et Daniela Poch rassemblent des de l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, aut...

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3. informations de base sur un ensemble très hétérogène de créateurs et de projets, sans jamais définir leur objet d’étude ni justifier leur sélection : « Selon moi, un commissariat anti-raciste consisterait dans la prise en compte sérieuse des demandes pour l’égalité, et d’une action en conséquence. Pour que cela ait lieu, nous avons besoin de constellations, de méthodes, de concepts, de références et de buts différents de ceux qui sont toujours présents dans le champ culturel »

4. Ces choses qui se passent principalement dans la rue, à même le territoire urbain comme champ d’une nouvelle créativité contestataire. Ce répertoire de noms et d’images, bien que dépourvu d’une hypothèse de travail solide, sera d’une grande utilité pour les commissaires qui souhaitent travailler sur le territoire du politique.

7. Le projet éditorial et curatorial de Peter Weibel global aCtIVISm prenait appui sur ce même terrain. L’exposition, ouverte à la fin 2013 au ZKM, a rassemblé un large éventail de matériaux – vidéos, installations, objets, photographies et matériaux documentaires issus d’actions de rue ou d’interventions sur les réseaux sociaux – produits par des collectifs, ONGs, activistes, cinéastes, intellectuels et artistes du monde entier. Le volumineux catalogue édité par Peter Weibel à cette occasion rassemble des essais de nombreux théoriciens de renom travaillant sur des problèmes sociaux (Latour, Negri, Sloterdijk, Zizek, Mignolo, parmi tant d’autres). Tous essaient de réfléchir aux moyens de surmonter les limites des démocraties actuelles, à un moment où les citoyens commencent à percevoir que les états, abandonnés aux intérêts du capital, n’ont pas réussi à protéger leurs droits et libertés. Selon Weibel, les mouvements de protestation festifs de ces citoyens désireux de participer à la vie politique sont au fondement d’une « démocratie performative » liée à une tradition artistique de néo-avant-garde : « Les actions performatives menées par des artivistes, associées à leur diffusion massive en ligne ont démontré comment les citoyens peuvent – et veulent – jouer un rôle tangible dans le fait de surmonter des situations de crise : les pratiques de performance artistique et celles de la participation du public, qui existent en art depuis les années 1960, descendent pour ainsi dire dans l’arène du politique »5. L’élément le plus problématique, peut-être, des propositions de Weibel, est qu’il considère l’artivisme comme la forme artistique par excellence du XXIe siècle, comme si l’action directe dans la sphère publique était devenue le seul horizon de travail possible pour quiconque souhaite être considéré comme un artiste dans le circuit international. Ou, encore, comme si seules les actions, plus ou moins spontanées, d’une citoyenneté critique pouvaient nous offrir des expériences aussi intenses et émancipatrices que celles de l’art.

8. D’un point de vue un peu techno-utopique, Peter Weibel considère les nouveaux médias comme l’environnement privilégié de cet artivisme mondial aux racines avant-gardistes.

L’un des précurseurs de l’expérimentation néo-médiale dans le domaine de l’art fut sans aucun doute le Français Fred Forest, sur lequel une monographie signée par Michael F. Leruth et intitulée Fred Forest’s Utopia: Media Art and Activism vient de paraître. Forest, à qui le Centre Georges Pompidou a consacré une exposition au cours de l’été 2017, travaille depuis la fin des années 1960 sur des projets liés à la communication sociale. Des interventions dans les médias, des installations vidéo ou des batailles juridiques autour de la nature et de la place de l’art, ont occupé le gros de son activité, avec toujours cette volonté de réveiller la conscience du spectateur par des dispositifs variés. Au sein du Collectif d’Art Sociologique (1974-1980), dont il fut l’un des membres fondateurs, Fred Forest a étudié les problèmes liés au système artistique, ainsi que les possibilités interactives des médias. Dans les années 1980, il s’intéressa à l’esthétique de la De l’Activisme curatorial : art, politique et expositions (à l’intérieur, aut...

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4 .communication, et de là, chercha à élargir les limites de l’expérience et de la perception. Le livre de Leruth met l’accent sur le concept d’« interface comme utopie ». Forest aurait pensé l’interface comme un seuil permettant de dépasser les limites acceptées et reconnues de chaque média, ouvrant des possibilités de communication dans un monde hyper-technologique.

6. Sans aucun doute, cet objectif constitue en soi une sorte d’utopie qu’il vaut la peine de poursuivre. Néanmoins, je ne suis pas sûr que le travail de Fres Forest puisse répondre correctement au concept d’activisme tel que le propose le titre du livre de Leruth. De toute façon, la volonté de relier l’artiste français à ce concept pourrait être interprétée comme un symptôme à la fois du poids symbolique croissant de l’activisme dans le domaine de l’art contemporain et des difficultés à déterminer à quoi renvoie ce terme.

9. Les oeuvres auxquelles j’ai fait référence offrent de nouveaux éléments à la discussion sur les relations entre l’art et l’activisme. Le travail politique que nous identifions comme activisme continue à inviter à réfléchir à la manière d’inscrire dans l’espace de l’art contemporain une activité aussi labile qu’énergique, toujours guidée par la volonté d’intervenir politiquement dans la réalité. Comment intégrer sa force transformatrice dans la dynamique de travail des acteurs impliqués sur le terrain ? Comment la porter au présent – l’exposer – sans trahir ses objectifs, afin de pouvoir comprendre sa signification et profiter de ses apports ? Comment expérimenter, à même le territoire de l’art, une partie de son intensité ?

NOTES

1. Reilly, Maura. Curatorial Activism: Towards an Ethics of Curating, Londres : Thames & Hudson,

2018, p. 21

2. Ibid.

3. Bayer, Natalie. Kazeen-Kamiński, Berlinda. Sternfeld, Nora. “Where´s the Contact Zone Here?!

A conversation”, Curating as Anti-Racist Practice, Helsinki : Aalto University, 2018, p. 26

4. Poch, Arcadi. Poch, Daniela. Artivism, Londres : Carpet Bombing Culture, 2018, p. 7

5. Weibel, Peter. “People, Politics, and Power”, Global Activism: Art and Conflict in the 21st Century,

Cambridge : MIT ; Karlsruhe : ZKM, 2014, p. 58

6. Leruth, Michael F. Fred Forest´s Utopia: Media Art and Activism, Cambridge : MIT, 2017, p. 182

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AUTEURS

JUAN ALBARRÁN DIEGO

Juan Albarrán Diego enseigne l’histoire de l’art à l’Université Autonome de Madrid (Universidad

Autónoma de Madrid, UAM), où il coordonne le programme du Master en Histoire de l’art contemporain et culture visuelle (UAM/UCM/Museo Reina Sofia). Ses recherches et son enseignement portent sur les pratiques et théories de l’art contemporain. Il a publié les livres Arte y Transición [Art and Transition] (2012, 2018), Llámalo Performance: Historia, disciplina y recepción (2015), Santiago Sierra. Interviews (2016), et Miguel Trillo : Double Exposure (2017).

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