CONTE DE NOËL par Thierry JAN
par Thierry JAN
Monsieur Kalfon était un
vieillard acariâtre, avare et n’avait aucun ami. Son caractère était la cause
de sa solitude. On ne l’aimait guère et il ne faisait vraiment rien pour gagner
le cœur de ses voisins. Comme chaque jour, il descendait vers 11 heures.
Monsieur Kalfon, toujours vêtu de ce costume noir qui lui serrait le corps, un
long manteau trop large pour sa frêle carrure, noir lui aussi et le col relevé
qui cachait son visage pâle et décharné. Un chapeau usé comme ses vêtements
écrasait sa silhouette. Il empruntait l’escalier en escargot de l’immeuble
style XVIII° où il vivait. Son appartement trop grand pour lui se trouvait au
3° étage. Il ne prenait jamais l’ascenseur afin de réduire les charges de
copropriété et son avarice légendaire faisait rire les autres locataires de
l’immeuble. Il possédait outre cet immeuble, d’autre biens.
Aujourd’hui il se
rendait à la banque déposer les loyers au coffre. Quand on croisait ce petit
homme dans la rue, personne n’aurait douté qu’il transportait plusieurs
milliers de francs, de millions disait madame Girard qui n’arrivait pas à se
faire à ce franc lourd, nouveau disaient les politiques, et qui circulait
pourtant depuis bientôt trente ans. Donc par ce matin pluvieux, monsieur
Kalfon, le col relevé se rendait au crédit coopératif, petite banque familiale
dont il détenait des parts sociales. Il ne fit pas attention en traversant la
rue et fut renversé par le bus. Quand il arriva à l’hôpital, grâce à Dieu il
n’était pas gravement blessé, il geignait sur son sort et surtout sur cette
enveloppe qu’il avait perdu dans l’accident.
Le soir en rentrant chez lui, il
pestait et songeait en lui-même qu’on l’avait volé et dès demain il irait chez
les gendarmes porter plainte. Il connaissait bien leur adresse, périodiquement
il déposait des réclamations contre les gamins qui sonnaient à sa porte. Le
gendarme le recevait avec une courtoisie excessive qui trahissait son ironie,
mais lui, n’y voyait que la politesse dût à son rang.
C’était le soir et assis
dans son salon éclairé par un lumignon, il maugréait en prenant son repas fait
de pommes de terre bouillies et d’eau du robinet. C’était son seul repas. La
sonnette rompit le silence pesant de son appartement. Quand il ouvrit il trouva
devant lui le fils de madame Girard, un petit bambin de cinq ou six ans.
L’enfant tenait une enveloppe chiffonnée et crasseuse entre ses doigts :
« Bonsoir monsieur Kalfon, ce matin vous avez perdu cette enveloppe dans
la rue, maman l’a ramassée. » Le vieil homme était sans mot, ce bambin lui
rapportait ce qu’il croyait perdu, l’enfant ajouta : « Vous
êtes seul pour cette nuit de noël, venez donc partager la bûche avec
nous. ».
Chez les Girard, tout brillait de mille feux, le sapin et la crèche, donnaient cette impression de joie et de plénitude Pour monsieur Kalfon, ce fut sûrement le plus beau noël. On apprit son terrible secret et la raison de son comportement. Après le décès de sa femme et de sa petite fille dans un accident d’avion, il s’était renfermé sur lui et avait perdu tout goût à la vie, il survivait, épargnant pour personne ses revenus. Monsieur Kalfon changea, il se remit à vivre. Aujourd’hui on croise monsieur Kalfon dans la rue, il est élégamment vêtu et toujours souriant.
La morale de ce conte est qu’il ne faut jamais s’enfermer dans sa coquille, mais au contraire tout partager avec les autres, ses malheurs comme ses joies et ce partage sera enrichissant et profitable à tous. On voit ici, un geste de la providence avec cet accident qui sauva en fait monsieur Kalfon, en rompant son isolement.
Thierry JAN