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21 mars 2022

GUERRE UKRAINE-RUSSIE : Il est temps de comprendre la redoutable “stratégie hypersonique” de Vladimir Poutine

Il est temps de comprendre
la redoutable “stratégie hypersonique”
de Vladimir Poutine

 

 

Pourquoi n'arrivons-nous pas à décrypter la stratégie militaire révolutionnaire que l'armée russe déploie sous nos yeux en Ukraine? Depuis les premiers jours du conflit, beaucoup d'experts sont convaincus que le Kremlin a échoué par rapport à sa stratégie initiale. La Russie aurait imaginé un "Blitzkrieg", aurait échoué et puis aurait dû s'adapter à une guerre longue et dure. En fait, même si aucune hypothèse ne doit être écartée, avant de décrypter la stratégie russe, il faut commencer par nous débarrasser d'un certain nombre de représentations préalables. Il faut désapprendre nos certitudes pour observer ce qui se passe vraiment. Le nouvel art de la guerre russe s'appuie sur une stratégie globale, "hybride", combinant la dissuasion nucléaire, l'arme hypersonique, les tirs de précision, l'engagement limité de troupes au sol et la négociation permanente avec l'adversaire. Il serait temps de comprendre la redoutable stratégie "hypersonique" de Vladimir Poutine!

Il y a des questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre pour l’instant. Nous ne disposons pas de suffisamment d’éléments pour comprendre le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie le 24 février. Mais cette incertitude, comme nous le verrons, fait partie de la stratégie russe. 

Par exemple, quel a été le rôle de la provocation de Vladimir Zelenski, le 19 février 2022, lorsqu’il a expliqué, à la conférence de Munich, que si son pays n’était pas admis dans l’OTAN, il remettrait en cause le Mémorandum de Budapest (signé en 1994, qui prévoit la dénucléarisation de l’Ukraine sur le plan militaire)? C’est indéniablement un facteur déclenchant majeur. mais les Russes ont attendu d’avoir déclenché le conflit pour le dire. 

Est-ce que  la Russie avait prévu depuis plusieurs mois une offensive – par exemple du fait des craintes de nouvelle offensive de l’armée ukrainienne dans le Donbass; ou du fait d’une immixtion renforcée de l’OTAN en Ukraine – par exemple le début d’installation d’une véritable “alternative à Sébastopol” à Berdiansk, avec le soutien britannique? Est-ce que Vladimir Poutine s’est dit qu’il fallait déclencher une guerre tant que la Russie disposait d’une avance stratégique sur les missiles hypersoniques

L’incertitude sur les intentions de Vladimir Poutine fait partie d’une stratégie qui a pour l’instant fonctionné, fondée sur l’effet de surprise. 

 

Le mythe de l'échec d'une "victoire immédiate"

Il y a ensuite une question à laquelle les observateurs – même neutres vis-à-vis de la Russie – répondent à mon avis trop rapidement. 

Est-ce que le commandement russe avait pensé que l’on pourrait reproduire le scénario de la Crimée en 2014 avec un ralliement rapide de la plus grande partie de l’armée ukrainienne ?

Je l’ai lu souvent sur des canaux Telegram bien informés. Cela m’a été rapporté par des militaires: le renseignement russe aurait surestimé la disposition de la population à se soulever et renverser le régime dans la partie russophone du pays. Les militaires russes auraient fait leur planification en fonction d’un inévitable soulèvement et donc d’une reddition rapide de l’armée ukrainienne. 

Je veux bien qu’il y ait eu un plan prévoyant une victoire rapide. Admettons que les services de renseignement russe aient été trop optimistes. Mais dans ce cas le commandement russe avait forcément un plan B, celui de l’adaptation à une guerre plus longue.  L’évolution de l’Ukraine depuis le coup de Maïdan était lisible avec une simple veille régulière sur Internet – y compris la radicalisation idéologique d’une partie des unités combattantes ukrainiennes. Il serait donc étonnant que les services russes l’aient manqué; tout comme ils n’auraient pas vu les livraisons d’armes à l’Ukraine, la présence de conseillers militaires, la politique de terreur sur les populations majoritairement russophones de l’est ukrainien.    

Il faut toujours écouter ce que les acteurs concernés disent. De quoi Vladimir Poutine parle-t-il depuis le départ? (1) permettre aux populations du Donbass de vivre définitivement en paix. (2) Consolider la possession de la Crimée, stratégiquement vitale pour une Russie confrontée à un Occident hostile. (3) Désarmer l’Ukraine à un niveau acceptable pour la sécurité de la Russie; et la rendre neutre. (4) Dénazifier le pays. 

Ce dernier objectif n’est absolument pas pris au sérieux par les Occidentaux. Je conçois que lorsqu’on n’est jamais allé en Ukraine, on ait du mal à imaginer la réalité d’unités comme le bataillon Azov. Il suffit pourtant d’avoir prêté attention au massacre d’Odessa en 2014 ou aux tentatives avortées de nettoyage ethnique dans le Donbass pour commencer à comprendre. Les gouvernements occidentaux, d’ailleurs, connaissent très bien cette réalité. Comme disait Roosevelt à un interlocuteur qui lui reprochait de soutenir Somoza, président du Nicaragua: “C’est un salopard, en effet. mais c’est notre salopard!”. Les dirigeants occidentaux connaissent très bien la réalité de ces unités. Et ils l’assument car ils pensent que leur volonté de combattre permettra de tenir en échec la Russie. 

Ce serait faire insulte à la Russie que de penser que le gouvernement, l’armée, les services de renseignement n’étaient pas capables de se rendre compte (1) que le basculement de l’Ukraine n’était pas aussi facile que celui de la seule Crimée; (2) que l’armée ukrainienne s’est, depuis 2014, aguerrie et, en partie fanatisée par la diffusion du nationalisme radical dont les milices néo-nazies sont la pointe avancée. (3) que l’armée ukrainienne est formée et équipée, depuis 2014 par des instructeurs ou des mercenaires de l’OTAN. 

Qu’est-ce que les Russes pouvaient voir au début de l’année? (A) qu’une grande partie de l’armée ukrainienne était rassemblée dans l’Est du pays, face aux Républiques sécessionnistes du Donbass.  (B) que la population de l’Est ukrainien n’était pas en mesure de se soulever contre des milices qui ne se contentent pas, depuis des années, de bombarder régulièrement les villes du Donbass mais qui font régner aussi un régime de suspicion et de délation envers tous ceux qui pourraient être soupçonnés de “travailler pour les Russes”. 

La Russie sait très bien qu’elle ne peut pas affronter massivement et frontalement l’armée ukrainienne sans causer d’énormes pertes dans la population qu’elle entend précisément délivrer du régime kiévien. Elle sait aussi – et de ce point de vue les services de renseignement russe ont raison – que la population de l’Est de l’Ukraine souffre du joug des milices kiéviennes et affirme son soulagement dès que les troupes russes établissent leur domination. Enfin, la Russie sait parfaitement que les sentiments de la majorité des Ukrainiens est ambiguë vis-à-vis de la Russie. 

  • à l’Est on est russophile mais on ne veut pas forcément être intégré à la Russie
  • à l’ouest, on se sent attiré par la Pologne mais on souffre de la corruption et de la tyrannie du régime kiévien. 

Il me semble donc possible d’identifier un double choix russe présent dès le départ.

+ il ne fallait en aucun cas (re)solidariser la population ukrainienne avec le régime issu du coup de Maïdan.

+ il ne fallait pas, non plus, provoquer de redéploiement massif d’une armée ukrainienne à la fois majoritairement stationnée face au Donbass et relativement éparpillée, par ailleurs sur le territoire.

La préoccupation russe est de préserver l’avenir, à tout prix, sans que l’on puisse dire quelle sera la part d’occupation du territoire ukrainien, la part de “protectorat” et la part de coexistence pacifique avec un voisin démilitarisé. 

De cette approche politique découle une méthode militaire bien différente de celle à laquelle les Occidentaux se sont habitués depuis le début des années 1990. 

 

Sortir du "Blitzkrieg" et du jeu vidéo

Quelles sont les représentations dominantes dans notre perception des guerres? Il y a d’abord le “Blitzkrieg” – la guerre-éclair façon armée allemande de 1939-40. En Pologne et en France, l’armée allemande a réussi, au début de la Seconde Guerre mondiale, à obtenir des victoires en quelques semaines. Les médias, les politiques et trop d’universitaires ou experts de think tanks n’ont pas pris le temps de lire les travaux de Karlheinz Frieser (couverture ci-dessus) sur la campagne de France de mai-juin 1940.

Il y eut de nombreux couacs dans l’avancée de l’armée allemande et seule le manque de vision du commandement français a transformé  l’attaque nazie en victoire rapide de la Wehrmacht. Pensons par exemple au “bouchon” de blindés, sur 100 km à la sortie des Ardennes, à la mi-mai, qu’aucun avion français ne vînt bombarder.

En fait, dès les premières semaines de la campagne d’URSS, un an plus tard, à l’été 1941, les limites de la “guerre-éclair” étaient devenues visibles. L’Allemagne se heurta vite aux distances, puis, à partir de l’automne, à la météorologie et à une puissance industrielle qui surpassait la sienne. En imaginant même que la Russie ait eu, en Ukraine, une stratégie d’attaque frontale – nous verrons en fait que ce n’est pas le cas – les guerres sont rarement des “guerres-éclair”. 

Le mythe de la “guerre-éclair” a cependant survécu dans l’imaginaire occidental. Et il a revécu ces dernières décennies du fait des guerres américaines d’après 1990. En Irak, en Afghanistan, au Kosovo, en Libye, en quelques semaines, des guerres ont été gagnées facilement. Ajoutons que les Américains ayant pour habitude de tapisser de bombes plusieurs fois les pays avant d’y envoyer des troupes au sol, notre représentation de la guerre est devenue digne d’un jeu vidéo. Nous n’imaginons pas autre chose que des bombardements massifs initiaux, sans nous demander ce qu’en est le coût humain – qui sait que les Américains ont utilisé en Irak et en Afghanistan ces bombes à l’effet de souffle gigantesque appelées “faucheuses de marguerite” (daisy cutters)? Que dirions-nous si la Russie, aujourd’hui, faisait de même? 

Ensuite la guerre au sol nous semble devoir relever de l’élimination instantanée d’adversaires qui surgissent sur le chemin des troupes comme les méchants d’un jeu vidéo. Et pour que la réalité ne revienne pas trop fort nous hanter, nous comptons sur les drones pour combattre “après la victoire” les résistants ou les armées renaissantes. 

En réalité, aucune de ces guerres américaines depuis trente ans n’a été un succès. Elles ont disloqué des Etats fragiles mais qui avaient le mérite de maintenir un minimum de paix civile. Elles sont surtout laissé un état de chaos difficile à surmonter. Des millions de vie ont été anéanties sans qu’homo occidentalis s’en émeuve, des trillions de dollars ont été consommés par le Pentagone pour arriver à des situations guère plus glorieuses, au bout du compte, que la Guerre du Vietnam. Les Américains n’ont su résoudre ni la question de la pacification des pays qu’ils occupaient ni celle de la viabilité d’une organisation politique après leur départ. 

Pouvons-nous maintenant nous débarrasser de nos représentations et de notre manque d’analyse des guerres menées par l’Occident ces trente dernières années et regarder l’offensive russe en Ukraine pour ce qu’elle est ? 

 

Un engagement limité sur le terrain pour des gains ciblés

Pour le Courrier des Stratèges, nous utilisons plusieurs sources de cartographie de l’avancée russe en Ukraine: Ukraine War MapInstitute for the Study of WarMilitary Advisor ou bien ici @Rybar (sur Telegram). Elles nous disent à peu de choses près la même chose: l’armée russe étend son emprise progressivement, lentement, méthodiquement à partir des frontières de la Biélorussie et de la Russie. Un objectif semble possible à terme: occuper militairement toute la rive gauche du Dniepr. Mais c’est encore loin d’être le cas. 

Pour l’instant, trois mouvements principaux sont discernables: 

+ la prise de contrôle progressive des régions au nord de la Crimée, la “Nouvelle Russie” au sens historique de ce terme

+ un double mouvement depuis le nord et le sud, pour prendre en étau les troupes ukrainiennes qui combattent au Donbass. 

+ un mouvement visant à encercler progressivement Kiev par l’ouest et par l’est. 

Ce qui a déconcerté les observateurs , c’est l’alternance d’offensives et d’immobilisations de l’armée russe. 

+ Dans les premiers jours, l’armée russe a pris le contrôle du nord-ouest de Kiev à partir de Gostomel; elle s’est installée au nord-est de Kiev en passant par Tchernigov; elle s’est installée dans la région de Soumy, celle de Kharkov, mais en contournant les villes. Au sud, même chose, on voit des mouvements vers Mélitopol, Kherson, Nikolaïev; avec une poussée vers Energodar pour sécuriser la centrale nucléaire.  Puis l’offensive s’arrête à peu près partout plusieurs jours.

+ Quand l’offensive reprend, ce n’est pas du tout uniforme. Après 24 jours de conflit, on voit d’indéniables progrès: 

  • La jonction entre le mouvement depuis le nord et celui depuis le sud pour prendre dans la nasse l’armée ukrainienne qui combat au Donbass est largement effectuée. Il existe désormais une ligne de front continue depuis Ernegodar et Kherson jusqu’aux troupes de la République de Donetsk. C’est une grosse victoire parce que la plus grande partie de l’armée ukrainienne se trouve à cet endroit.
  • Les troupes russes sont solidement installées sur la rive droite du Dniepr dans la région de Kherson
  • Les troupes russes et l’armée des républiques sécessionnistes ont enfermé une partie des éléments néo-nazis (Bataillon Azov) à Marioupol. Et ils sont en train d’y gagner la bataille.   

Pour le reste, des diplomates bien informés et des experts sûrs de leur fait nous ont annoncé plusieurs fois depuis quinze jours que l’assaut sur Kiev ou Kharkov était pour la nuit suivante. Et le débarquement à Odessa pour le lendemain matin. Mais rien de tel ne s’est passé. 

 En fait, ce qui surprend les observateurs et les conduit à affabuler, c’est le fait que l’effort de guerre russe est mené à l’économie: pour les matériels (utilisation par les troupes au sol de matériel de la période soviétique; parcimonie des tirs de missiles pour détruire des objectifs d’infrastructures militaires); mais aussi des effectifs limités des troupes russes engagées, qui ne correspondent pas à la volonté de déclencher des offensives massives – sur le modèle de ce que tous les historiens de l’Armée Rouge aiment décrire pour la Seconde Guerre mondiale.

On l’avait déjà remarqué en Syrie. Vladimir Poutine sait qu’il dirige un pays où la ressource démographique est devenue rare et qui a les plus longues frontières du monde. Tout effort militaire doit être mesuré, calibré – (les missiles de précision qui détruisent les objectifs ukrainiens ne s’appellent-ils pas Kalibr?). La Russie n’a pas que le front occidental. Elle doit continuer à surveiller le Proche et le Moyen-Orient. L’Asie Centrale est instable, comme l’ont montré la crise du Haut-Karabakh ou une tentative de renversement du gouvernement kazakh récemment.  Et puis la Russie a un allié encombrant, la Chine, dont le poids démographique représente une pression considérable sur la Russie d’Asie. 

Sous les tsars ou durant la période soviétique, l’armée russe était peu économe de la vie de ses soldats. la perspective a totalement changé. Voilà pourquoi la stratégie développée n’implique – tant que cela est possible – que des engagements au sol très ciblés. 

Le seul endroit où sont menés des combats intensifs, c’est le Donbass. Ailleurs, il y a eu, près de Kiev, de Kharkov, de Kherson, de Nikolaïev et Voznesensk, des combats durs, sporadiquement, sans qu’on puisse leur attribuer la dimension d’une bataille. 

 

La stratégie "hypersonique"

de Vladimir Poutine

Réexaminons l’argumentation des experts occidentaux, qui relaient, pour la plupart, les bulletins de l’armée ukrainienne. Ils ont évoqué d’abord de sérieuses difficultés de l’armée russe. On a vu circuler des photos (non datées et très vaguement localisées, souvent) de matériel russe détruit et abandonné. Puis, petit à petit, l’armée russe a fini par publier elle-même des statistiques et même des photos des destruction de matériel ukrainien.  

En fait, si l’on regarde objectivement la situation, la progression de l’armée russe sur le terrain est absolument remarquable, surtout rapportée aux faibles effectifs utilisés – les Russes ont à disposition environ 150 000 hommes pour l’opération ukrainienne mais en utilise pour l’instant seulement la moitié (hors troupes des républiques sécessionnistes du Donbass qui font monter à environ 100 000 hommes les troupes engagées sur le terrain du côté russe):  

Mais cette stratégie rapide et ciblée est incompréhensible si on ne la raccroche pas à toutes les autres composantes de l’effort de guerre russe:

+ dès le début du conflit, les missiles de précision russes (Kalibr, Iskander) ont détruit systématiquement les infrastructures militaires ukrainiennes: dépôts de munition, stocks d’artillerie, aéroports, entrepôts de véhicules en particulier.  Il y a bien eu du matériel russe détruit dans les combats et quelques avions ou hélicoptères abattus ou endommagés mais l’armée ukrainienne est incapable d’infliger des dommages sérieux à l’armée russe et les experts occidentaux perdent leur temps à monter en épingle des affirmations souvent non vérifiées tirées des bulletins de l’armée ukrainienne.   Les frappes russes contre les infrastructures militaires ne sont d’ailleurs pas terminées. 

Surtout, deux épisodes devraient faire réfléchir: 

– dimanche 13 mars, un ou plusieurs tirs de précision ont détruit les bâtiments à Iavorov, en Ukraine de l’Ouest, à 20 km de la frontière polonaise, où s’étaient regroupés des mercenaires ou volontaires étrangers venus combattre en Ukraine.  Selon beaucoup de témoignages, les jours suivants sur les réseaux sociaux, l’ardeur des combattants occidentaux volontaires en a été bien refroidie. Mais les Russes envoient aussi un signal très clair aux Occidentaux: qu’il s’agisse de livraisons d’armes ou de mobilisation de volontaires étrangers, la riposte sera systématique. 

– samedi 19 mars et dimanche 20 mars 2022, l’armée russe a tiré des missiles hypersoniques. Nous savons depuis mars 2018 que ces armes ont donné à la Russie une avance stratégique, y compris et surtout dans le domaine nucléaire. 

Eric Verhaeghe attire depuis plusieurs semaines l’attention des lecteurs du Courrier des Stratèges sur l’avance des Russes et des Chinois, face aux Américains, dans ce domaine.  Plus lucide que la plupart des autres journaux, le Figaro écrivait le 18 février 2022: 

Les missiles hypersoniques constituent des menaces redoutables. Ils se déclinent en plusieurs variantes, stratégiques, tactiques, à charge nucléaire ou conventionnelle. Ils sont un défi pour tous les systèmes de défenses militaires. Ces armes volent entre 10 et 20 fois la vitesse du son, à basse altitude en faisant des zigzags vers leurs cibles. Elles n’ont encore jamais servi sur un théâtre de guerre mais elles pourraient passer à travers les dispositifs antimissiles“. 

Eh bien l’armée russe les a utilisés pour la première fois sur un champ de bataille les 19 et 20 mars 2022 ! Un entrepôt souterrain d’armements situé dans l’ouest de l’Ukraine a été détruit par des missiles supersoniques “Kinjal”, a annoncé le ministère russe de la Défense, samedi 19 mars. Et, selon un communiqué du dimanche 20 mars du Ministère russe de la Défense  “une importante réserve de carburant a été détruite par des missiles de croisière “Kalibr” tirés depuis la mer Caspienne, ainsi que par des missiles balistiques hypersoniques tirés par le système aéronautique “Kinjal” depuis l’espace aérien de la Crimée». Cette frappe s’est produite dans la région de Nikolaïev. Toujours selon le ministère russe de la Défense, la cible détruite était «la principale source d’approvisionnement en carburant des véhicules blindés ukrainiens» déployés dans le sud du pays. 

Ces tirs ne sont pas le fruit du hasard. Ils suivent des déclarations agressives du Président américain contre Vladimir Poutine. Ils indiquent à l’Ukraine, qui met du temps à accepter les conditions russes et aux Occidentaux qui encouragent l’armée ukrainienne à prolonger le combat, que les frappes de l’armée russe contre des objectifs militaires ou gouvernementaux ukrainiens peuvent augmenter d’intensité à tout moment. 

C’est aussi un très clair avertissement aux Occidentaux sur la résolution des Russes et leur capacité de frappe nucléaire dévastatrice si l’OTAN menaçait les intérêts vitaux de la Russie. Comme le résumait utilement le Figaro le 18 février dernier: 

Les travaux de recherche sur la technologie hypersonique débutent dans les années 80. Ils s’accélèrent à partir de 2002 quand les États-Unis se retirent du traité ABM qui limite les systèmes antimissiles. Les États-Unis se retrouvent alors libres d’améliorer leur défense contre les engins balistiques. Aux yeux de Moscou, la dissuasion nucléaire est menacée. En réponse, les Russes cherchent à perfectionner leurs propres vecteurs pour qu’ils puissent toujours percer les défenses ennemies, même les plus sophistiquées. Plusieurs programmes sont lancés et commencent à devenir aujourd’hui opérationnels, entre autres celui de l’Avangard, un planeur volant à Mach 20, d’une portée de 6 000 km, capable de transporter une charge nucléaire, et ceux du Zirkon ou du Kinjal. En matière d’hypervélocité, les Russes ont un coup d’avance“. 

En fait, c’est toute la stratégie de Vladimir Poutine, que l’on pourrait qualifier “d’hypersonique”: 

  • elle s’appuie sur une capacité de frappe nucléaire en dix minutes qui, pour l’instant, percerait toutes les défenses américaines. 
  • les missiles hypersoniques donnent aussi à la Russie les  moyens d’intensifier ses frappes conventionnelles quand elle en aura besoin. 
  • On peut dire q’en fait c’est toute l’approche de Poutine, depuis des années, qui est “hypersonique”. Cet homme peu bavard a toujours avancé sous les radars, pour frapper par surprise là où on ne l’attendait pas: pensons à son discours à la Conférence de la Sécurité de Munich en 2007, où il jetait un défi à l’unilatéralisme américain au nom d’un monde multipolaire; à l’intervention inattendue en Géorgie en août 2008; à la prise de la Crimée sans tirer un coup de feu en 2014; à l’intervention en Syrie pour détruire Daech. L’intervention en Ukraine, le 24 février, a relevé du même effet de surprise. 
  • La révolution militaire de l'armée russe rouvre la possibilité de la négociation

La “stratégie hypersonique” que nous venons de décrire est la variante russe de la “guerre hybride” sur laquelle glosent beaucoup de commentateurs mais qu’apparemment ils ont du mal à identifier quand ils en voient une variante spécifique. 

Il est bien évident qu’il faudrait pouvoir regarder de près le potentiel de cyberattaque, le travail des services de renseignement. D’autre part, vu comme l’armée russe semble prendre son temps en Ukraine, il n’est pas possible que Vladimir Poutine ait oublié de préparer la guerre économique; il faudra dans les semaines qui viennent, observer de près les ripostes aux sanctions.  

Ce que nous voudrions souligner pour finir, c’est combien la supériorité militaire russe grâce à la garantie que donne l’introduction des armes hypersoniques aussi bien dans la dissuasion nucléaire que dans les armes conventionnelles, ramène à des fondamentaux de l’histoire russe. La certitude de pouvoir à tout moment réaliser une montée en intensité militaire pousse à revenir à Clausewitz ou à Turenne: la guerre n’empêche pas de négocier parallèlement: 

L’idée que la Russie cherche à s’emparer de Kiev, la capitale pour éliminer Zelensky,vient typiquement des Occidentaux : c’est ce qu’ils ont fait en Afghanistan, en Irak, en Libye et ce qu’ils voulaient faire en Syrie avec l’aide de l’État islamique. Mais Vladimir Poutine n’a
jamais eu l’intention d’abattre ou de renverser Zelensky. La Russie cherche au contraire à le maintenir au pouvoir en le poussant à négocier en encerclant Kiev. Il avait refusé de faire jusque-là pour appliquer les Accords de Minsk, mais maintenant les Russes veulent obtenir la neutralité de l’Ukraine.
Beaucoup de commentateurs occidentaux se sont étonnés que les Russes aient continué à chercher une solution négociée tout en menant des opérations militaires. L’explication est dans la conception stratégique russe, depuis l’époque soviétique. Pour les Occidentaux, la guerre commence lorsque la politique cesse. Or, l’approche russe suit une inspiration clausewitzienne : la guerre est la continuité de la politique et on peut passer de manière fluide de l’une à l’autre, même au cours des combats. Cela permet de créer une pression sur l’adversaire et le pousser à négocier“.

Les Américains, qui réfléchissent selon le mode binaire de la “capitulation sans condition” sauront-ils s’adapter à la nouvelle donne?  La révolution militaire dont la Russie a pris l’initiative en maîtrisant avant les autres l’armes hypersonique bouleverse le jeu des puissances auquel USA et Union Européenne étaient habitués. Mais gageons que la Chine, elle aussi équipée avant les Etats-Unis d’armes hypersoniques, saura faire avancer la cause de la négociation et de la paix. En attendant que les Etats-Unis eux-mêmes aient rattrapé et comblé ce nouveau “missile gap“.  

 

fusée balistique

 

Scott Ritter, expert américain, commente
l’opération militaire russe en Ukraine

 

 

Scott Ritter est un ancien officier du renseignement du corps des Marines des États-Unis. Dans sa carrière militaire de plus de 20 ans, il a servi en Union soviétique pour mettre en œuvre des accords de contrôle des armements, dans l’état-major du général américain Norman Schwarzkopf pendant la guerre du Golfe et plus tard comme inspecteur en chef des armes à l’ONU en Irak de 1991 à 1998. Il est considéré aujourd’hui comme un expert en stratégie militaire et collabore avec plusieurs revues et sites d’information.

Scott Ritter : J’analyse en tant que militaire. J’ai passé de nombreuses années au début de ma carrière à apprendre des tactiques pour enfermer et détruire les forces soviétiques grâce à des manœuvres de tir. Je connais ces gars. Je les ai étudiés pendant 35 ans, leur doctrine et leur équipement, leurs tactiques d’opération.

Ce que nous voyons [en Ukraine] est une stratégie multi-vecteur classique. Son objectif est de lier les forces ennemies, de les maintenir en place, de détruire les postes de commandement, de les encercler et de capturer des objets stratégiquement importants. Contourner les zones fortifiées où la bataille serait trop intense. Il n’est pas facile de ne pas laisser prendre l’initiative.

La vitesse d’avance des troupes russes est supérieure à la vitesse des troupes allemandes lors de l’ opération Blitzkrieg pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est l’avance de troupes la plus rapide de l’histoire.

Surtout, considérant que l’armée ukrainienne était composée de 260 000 hommes, entraînés et équipés selon les normes de l’OTAN, avec un système de commandement étroitement lié, efficacement géré par des officiers. Il convient également d’envisager le soutien de 200 à 300 000 réservistes, unités auxiliaires et services. Et donc les Russes ont commencé avec 190-200 000 soldats pour faire face à une force de 600 000 soldats.

GUERRE A KIEV

Habituellement, au début d’une campagne, vous aurez un avantage de trois contre un côté offensif. Les Russes ont lancé l’opération avec un avantage d’un contre trois, ou un contre quatre du côté ukrainien. Mais néanmoins, les pertes de la dernière semaine s’affichent 1 à 6 en faveur des Russes. Habituellement, dans les affrontements modernes de la Seconde Guerre mondiale, les batailles d’annihilation à grande échelle, par exemple, les Allemands dans les batailles avec les Américains, étant donné que les Américains ont gagné, pour chaque Américain tué, il y avait 3 à 4 Allemands. Ce ratio a permis aux Américains de gagner des batailles et d’avancer. Le rapport entre les Russes et les Ukrainiens de 1 à 6 est une défaite écrasante pour la partie ukrainienne.

L’une des raisons qui entravent l’avancée des Russes est que la partie russe a annoncé son intention d’éviter des pertes parmi l’armée ukrainienne.

Pour moi, comme pour tout le monde, ce fut une surprise absolue qu’ils aient commencé l’opération avec une main attachée dans le dos. La progression est très calme et très précise. Les Russes ont tenté de négocier avec tous ceux qui occupaient des positions fortifiées dans le but de minimiser les pertes civiles et la destruction des installations urbaines. Les Russes ont manifesté leur refus de tuer des soldats ukrainiens dans leurs casernes. Au lieu de cela, ils ont souvent annoncé « nous préférons que vous restiez dans votre caserne et renonciez à résister parce que nos revendications ne sont pas contre vous, nous chassons de plus gros poissons ».

Malheureusement pour les Russes, les Ukrainiens ont décidé de se battre, et ils se battent très honorablement. Je ne peux pas sous-estimer le courage et la résilience de l’armée ukrainienne. Ils sont confrontés à une armée russe bien entraînée et bien équipée, qui dispose d’avantages tactiques et opérationnels. Et les Ukrainiens démontent des affrontements tout à fait dignes. Mais ils perdent, perdent sans espoir. Et je pense que plus tôt, même plus tôt que tard, nous verrons une reddition totale. Lorsqu’ils sont à court de munitions, ils manquent de nourriture, ils manquent d’eau potable et de carburant, et ils seront confrontés à un choix : une résistance inutile ou la mort.

Lee Camp : Il y a beaucoup de discussions dans la propagande américaine, je peux citer votre citation sur Twitter comme exemple – « pratiquement tout ce qui est dit sur les chaînes occidentales sur les actions des Russes en Syrie n’est pas vrai ». À votre avis, que pensez-vous des troupes russes des pertes civiles ?

 

desastre de guerre en ukraine

 

Scott Ritter : Les troupes russes se sont délibérément privées d’un énorme avantage de la doctrine militaire moderne – un avantage décisif en matière de puissance de feu. Je dirais même supériorité absolue. La stratégie russe habituelle consiste à localiser la cible et à brûler l’emplacement avec des tirs nourris d’artillerie à lance-roquettes multiples, de mortiers, puis à faire avancer les forces au sol jusqu’à ce qu’une nouvelle cible soit localisée et que la procédure soit répétée. La tactique est extrêmement efficace et extrêmement brutale. Appliquée à une formation ennemie située dans une zone urbaine ou dans une banlieue densément peuplée, elle entraînerait la mort de dizaines de milliers de civils.

Les Russes ont abandonné cette tactique. Ils ne l’ont utilisée nulle part [en Ukraine]. Mais la guerre est une science inexacte, je vous le dis en tant que personne qui connaît cela de première main. Ils sont guidés par des informations des opérations de reconnaissance sur les capacités de l’ennemi et ses emplacements.

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Donc ils ont une cible, ils choisissent les armes les plus adaptées pour l’éliminer. Et tout à coup, il s’avère que les renseignements étaient erronés. Et dans tous les cas, lorsque des combats ont lieu dans des zones habitées, ce sont les gens qui paient le prix le plus élevé. Et cela se passe en ce moment.

Mais prétendre que les Russes ciblent délibérément la population civile est une déformation absolue de la réalité. Les Russes sont très, très prudents dans l’utilisation des armes. Lorsqu’ils utilisent des armes lourdes, par exemple à Kharkov, ils ont utilisé plusieurs systèmes de lance-roquettes lors de batailles dans des bâtiments privés. Mais ce que les médias ne vous diront pas, c’est que les Russes ont envoyé un groupe de reconnaissance dans cette zone avant cela. Elle a été prise en embuscade et détruite par l’armée ukrainienne, qui s’était retranchée dans la région. Un tel résultat d’une opération de reconnaissance transforme automatiquement la zone en une cible de combat légitime. Je suis désolé, mais ce sont les règles de la guerre. Si vous avez pris la décision de vous défendre dans des zones résidentielles, vous ne pouvez pas, ce n’est plus un crime de guerre si les Russes frappent ces zones.

 

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Je pense que les Russes échouent sur un aspect, et c’est en termes de propagande. Je ne dis pas que j’aimerais que les Russes mentent. Mais je voudrais qu’ils défendent mieux leur point de vue dans cette confrontation. En face ils n’ont pas seulement la propagande du gouvernement ukrainien. Il faut tenir compte du fait que la CIA coopère uniquement avec le ministère ukrainien de l’Information. Et la CIA est responsable de ce qu’on appelle une « opération d’information ». C’est une opération secrète d’action politique, utilisée avec la permission du président des États-Unis. Et la raison pour laquelle la CIA doit obtenir l’approbation présidentielle est que la CIA n’a généralement pas le droit de manipuler des informations qui auraient un impact sur le public américain. Ils peuvent mentir, ils le font avec beaucoup de succès. Mais il leur est interdit de mentir si cela affecte le point de vue des Américains.

Or c’est exactement ce qu’ils font maintenant. Ils diffusent de la désinformation. Ou, disons-le de cette façon, ils ont effectué une opération d’information bien calculée afin d’obtenir des résultats politiques intérieurs en Russie. Le but en fait est le renversement du régime, ils veulent que Poutine soit renversé. Par conséquent, ils créent un mécontentement interne en Russie, et ils dirigent ce mécontentement avec des sanctions et des mécanismes politiques. Tout doit fonctionner ensemble. Les sanctions ne fonctionnent pas toutes seules. Les sanctions, visent une certaine classe de citoyens à Moscou, et en fermant à cette classe l’accès aux bénéfices de la coopération avec l’Occident, vous violez leur mode de vie. Les États-Unis veulent que cette classe devienne incontrôlable et renverse leur Saddam. Il s’agit d’une opération de changement de régime.

CHAR UKRAINIEN EN FLAME

Et la propagande en Ukraine ne se limite pas à exagérer les victoires ukrainiennes, comme le font normalement les militaires, ou à minimiser les succès russes. C’est la manipulation de l’information en Russie et en Europe. Souvenons-nous de l’OTAN – c’est une organisation incapable qui a sauté d’Afghanistan en disgrâce. Comment allez-vous les confronter à ce qui se passe actuellement ? Comment les arriver à aller à l’encontre de ce dont les Russes sont capables ? Nous devons lancer une opération d’information destinée à remodeler l’opinion publique en Europe. Le public américain tombe également sous l’influence de la propagande. Vous ne pouvez pas faire en sorte que la CIA pousse un mensonge ici et à la maison sur CNN en disant : « oui, tout est un mensonge ». Vous n’êtes pas obligé de faire ces déclarations, vous ne devez pas reporter que la vérité. Ils ont laissé les mensonges prendre vie. Cela nécessite l’approbation du gouvernement. Ainsi, le président des États-Unis est impliqué dans une opération qui escroque le public américain et les gens devraient en prendre note.

@RealScottRitter

Source: rusreinfo.ru

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