« Cela va tout changer. Macron annonce
l’entrée dans une économie de guerre »
L’édito de Charles SANNAT
par Charles Sannat | 15 Juin 2022 | A la une, Guerre |
Mes chères impertinentes, chers impertinents,
« Macron annonce l’entrée « dans une économie de guerre » et demande « une réévaluation » de la loi de programmation militaire ».
C’est le titre d’un article du Figaro que vous pouvez lire en intégralité ici.
La dernière fois que le président nous avait expliqué que nous étions en guerre contre un virus – alors que maintenant c’est contre la Vie Russe – , nous en avons sacrément bavé. Confinements. Interdictions. Restrictions. Passe sanitaire. Auto-attestation. Plage dynamique. Café assis, debout ou couché. Restaurants fermés. Cinémas verrouillés. Salles de sports interdites.
Bref, je ne vous refais pas le film. Nous avons tous vécu le même.
« Nous allons devoir durablement nous organiser ».
C’est ce qu’a dit Macron en inaugurant lundi dernier le salon Eurosatory, près de Paris.
« Trois mois et demi après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le chef de l’État Emmanuel Macron a souligné lundi les défis posés au secteur de la défense, celui « d’une entrée dans une économie de guerre ». « Nous allons devoir durablement nous organiser », a-t-il déclaré en inaugurant le Eurosatory près de Paris, « aller plus vite, réfléchir différemment sur les rythmes, les montées en charge, les marges pour reconstituer plus rapidement ce qui est indispensable pour nos armées, pour nos alliés, pour celles et ceux que nous voulons aider, une économie où nous ne pouvons plus vivre avec la grammaire d’il y a même un an », a-t-il prévenu. L’industrie de la défense doit se déshabituer au temps de paix pour accroitre ses cadences. La formule est un avertissement. Le gouvernement envisage aussi, selon Le Monde, une modification législative pour pouvoir réquisitionner, dans certaines circonstances, des entreprises civiles à des fins militaires ».
Et oui, il va falloir tenir l’effort de guerre.
Parce que oui, nous sommes en guerre contre la Russie et bientôt contre la Chine.
Les Européens se chargeront de la Russie tandis que les Etats-Unis, eux, se chargeront de la menace chinoise. Les fronts comme les rôles ont été répartis depuis bien longtemps.
Je vous ai dit dès le début qu’il n’y avait pas de petite guerre en Europe. Cela n’existe pas. Cela fait trois mois que l’armée russe est entrée en Ukraine.
La Russie est un immense pays qui dispose d’une très vaste géographie et d’immenses ressources. A son sud-est elle dispose d’un allié puissant, la Chine, usine du monde.
Alors oui, nous sommes en guerre et il va falloir soutenir cet effort de guerre, et j’ai attiré l’attention des abonnés à ma lettre STRATEGIES dès le départ sur le fait qu’il nous serait difficile de tenir plusieurs mois avec des stocks d’armes très limités.
Nous y sommes. Le chef de l’Etat qui ne voit pas grand chose venir, se sent assez nu au niveau de nos arsenaux. Mener une guerre nécessite beaucoup d’armes, de matériel et de munitions. Je n’ose vous parler du bilan carbone de la guerre en Ukraine, et je laisse nos saints-croyants en la messe quotidienne du tri de leurs poubelles jaunes et vertes aller communier au bac à compost. Mais qu’ils se rassurent, ou s’inquiètent c’est selon, avec tout ce que l’on balance sur l’Ukraine, tout ce que l’on brûle et que l’on crame, des munitions aux produits chimiques, sans oublier les chars qui ne fonctionnent pas à l’électricité avec rechargement des batteries des trottinettes électriques des forces russes, ils peuvent trier jusqu’à la fin de leurs jours. La guerre se charge de ruiner tous nos efforts écolos.
Il n’y a rien de moins écolos que la guerre ! Mais triez votre poubelle les gars. C’est bien. Et allez vous endormir l’esprit libre et la bonne conscience apaisée. Moi je contemple ce monde et je ne ris pas. Non. Je montre la réalité dans toute sa cruauté et ses paradoxes, sans oublier les mensonges que l’on vous sert.
L’économie de guerre c’est quoi ?
A votre avis ? Cela veut dire quoi ?
Résumons en prenant la définition du site d’Alternatives Economiques ici qui a le mérite d’être assez courte.
« Economie de guerre : Type d’économie dans laquelle les besoins de la guerre sont satisfaits prioritairement, par prélèvement autoritaire (réquisition, livraisons obligatoires…). Dans une économie de ce type, le pouvoir d’achat effectif de la population est forcément bas, puisque l’appareil de guerre ponctionne largement la production ».
C’est une économie de la pénurie.
C’est une économie du manque.
C’est une économie de l’inflation.
C’est une économie de la misère et de la pauvreté.
Une économie de guerre ce n’est pas drôle du tout, et c’est une économie de l’inconfort.
Une économie où il vaut mieux être à la campagne qu’à la ville.
Une économie où mieux vaut avoir quelques pâtés d’avance à la cave si vous voulez avoir à manger dans la durée.
Il va falloir financer la guerre et les guerres se financent toujours par la création monétaire et se payent par l’inflation.
Il va falloir mobiliser les ressources productives. Il va falloir réindustrialiser militairement. Nous manquons de tout. De chaînes de production aux ouvriers sans oublier les matières premières il nous faut tout refaire.
Alors pour aller plus vite l’Etat saisira les biens.
Il confisquera les usines, et les moyens de production.
Une économie de guerre est une économie administrée.
Comme toute 0économie administrée, elle termine toujours dans le fossé.
Vous devez retenir ceci.
« Une modification législative pour pouvoir réquisitionner, dans certaines circonstances, des entreprises civiles à des fins militaires »
Macron (qu’on l’aime ou pas n’étant pas le sujet) a dit deux choses importantes et qu’il ne faut pas ignorer.
1/ Nous rentrons dans une économie de guerre.
2/ Nous allons réquisitionner des entreprises civiles à des fins militaires.
Nous allons entrer dans une autre phase d’un autre monde et cela va secouer très fort.
Travailler votre résilience est une nécessité. Je vous assure, ce n’est plus une option ni une vue de l’esprit, encore moins des simples jeux intellectuels. Plus nous serons individuellement résilients plus nous serons forts collectivement. Mettez en place votre plan de résilience. Si vous ne savez pas par quel bout prendre le sujet, abonnez-vous à la Lettre STRATEGIES, vous aurez accès à l’ensemble des dossiers déjà édités dont évidemment le dernier consacré au Plan de Résilience Personnel. Tous les renseignements se trouvent ici.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu.
Préparez-vous !
Charles SANNAT
Et si la guerre en Ukraine était impossible à arrêter ? L’inquiétude du New-York Times.
par Charles Sannat | 8 Juin 2022 | Grille article, Guerre |
« La guerre en Ukraine peut être impossible à arrêter. Et les États-Unis portent une grande partie de la responsabilité. »
C’est une sacrée tribune que propose l’une des références mondiales de la presse. le New York Times qui ne fait ni dans le pro-poutinisme primaire ni dans le complotisme.
Le quotidien américain reprend même les derniers propos d’Henri Gauino !
C’est dire l’influence et l’effet des propos tenus par l’ancien conseiller spécial du président Sarkozy. Voici la traduction de cet article.
« Dans le quotidien parisien Le Figaro ce mois-ci, Henri Guaino, l’un des principaux conseillers de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était président de la France, a averti que les pays européens, sous la direction à courte vue des États-Unis, étaient en train de « somnambuler » dans la guerre avec la Russie. M. Guaino empruntait une métaphore que l’historien Christopher Clark utilisait pour décrire les origines de la Première Guerre mondiale.
Naturellement, M. Guaino comprend que la Russie est le plus directement responsable du conflit actuel en Ukraine. C’est la Russie qui a massé ses troupes à la frontière l’automne et l’hiver derniers et – après avoir exigé de l’OTAN un certain nombre de garanties de sécurité liées à l’Ukraine que l’OTAN a rejetées – a commencé les bombardements et les tueries le 24 février.
Mais les États-Unis ont contribué à transformer ce conflit tragique, local et ambigu en une potentielle conflagration mondiale. En comprenant mal la logique de la guerre, soutient M. Guaino, l’Occident, dirigé par l’administration Biden, donne au conflit un élan qu’il peut être impossible d’arrêter.
Il a raison.
En 2014, les États-Unis ont soutenu un soulèvement – dans sa phase finale un soulèvement violent – contre le gouvernement ukrainien légitimement élu de Viktor Ianoukovitch, qui était pro-russe. (La corruption du gouvernement de M. Ianoukovitch a été beaucoup évoquée par les défenseurs de la rébellion, mais la corruption est un problème ukrainien pérenne, même aujourd’hui.) La Russie, à son tour, a annexé la Crimée, une partie historiquement russophone de l’Ukraine qui depuis le 18e siècle avait abrité la flotte russe de la mer Noire.
On peut discuter des revendications russes sur la Crimée, mais les Russes les prennent au sérieux. Des centaines de milliers de combattants russes et soviétiques sont morts en défendant la ville de Crimée de Sébastopol contre les forces européennes au cours de deux sièges, l’un pendant la guerre de Crimée et l’autre pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces dernières années, le contrôle russe de la Crimée a semblé fournir un arrangement régional stable.
Mais les États-Unis n’ont jamais accepté l’arrangement. Le 10 novembre 2021, les États-Unis et l’Ukraine ont signé une « charte de partenariat stratégique » qui appelait l’Ukraine à rejoindre l’OTAN, condamnait « l’agression russe en cours » et affirmait un « engagement indéfectible » à la réintégration de la Crimée en Ukraine.
Cette charte « a convaincu la Russie qu’elle devait attaquer ou être attaquée », a écrit M. Guaino. « C’est le processus inéluctable de 1914 dans toute sa terrifiante pureté. »
Il s’agit d’un récit fidèle de la guerre que le président Vladimir Poutine a prétendu mener. « Il y avait des approvisionnements constants en équipement militaire le plus moderne », a déclaré M. Poutine lors du défilé annuel de la victoire de la Russie le 9 mai, faisant référence à l’armement étranger de l’Ukraine. « Le danger grandissait chaque jour. »
La question de savoir s’il avait raison de s’inquiéter pour la sécurité de la Russie dépend du point de vue de chacun. Les reportages occidentaux ont tendance à nier ce sujet.
Le cours mouvementé de la guerre en Ukraine jusqu’à présent a confirmé le diagnostic de M. Poutine, sinon sa conduite. Bien que l’industrie militaire ukrainienne ait été importante à l’époque soviétique, en 2014, le pays disposait à peine d’une armée moderne. Les oligarques, et non l’État, ont armé et financé certaines des milices envoyées pour combattre les séparatistes soutenus par la Russie dans l’est. Les États-Unis ont commencé à armer et à former l’armée ukrainienne, d’abord avec hésitation sous le président Barack Obama. Cependant, le matériel moderne a commencé à circuler sous l’administration Trump et aujourd’hui, le pays est armé jusqu’aux dents.
Depuis 2018, l’Ukraine a reçu des missiles antichars Javelin de fabrication américaine, de l’artillerie tchèque et des drones turcs Bayraktar et d’autres armes interopérables avec l’OTAN. Les États-Unis et le Canada ont récemment envoyé des obusiers M777 de conception britannique modernes qui tirent des obus Excalibur guidés par GPS. Le président Biden vient de promulguer une loi d’aide militaire de 40 milliards de dollars.
Dans cette optique, la moquerie de la performance de la Russie sur le champ de bataille est déplacée. La Russie n’est pas bloquée par un pays agricole courageux d’un tiers de sa taille ; il tient bon, du moins pour l’instant, face aux armes économiques, cybernétiques et de champ de bataille avancées de l’OTAN.
Et c’est là que M. Guaino a raison d’accuser l’Occident de somnambulisme. Les États-Unis tentent d’entretenir la fiction selon laquelle armer ses alliés n’est pas la même chose que participer au combat.
A l’ère de l’information, cette distinction devient de plus en plus artificielle. Les États-Unis ont fourni des renseignements utilisés pour tuer des généraux russes. Les Ukrainiens ont obtenu des informations de ciblage qui ont aidé à couler le croiseur amiral russe de la mer Noire, le Moskva, un incident au cours duquel environ 40 marins ont été tués.
Et les États-Unis pourraient jouer un rôle encore plus direct. Il y a des milliers de combattants étrangers en Ukraine. Un bénévole a parlé à Radio-Canada ce mois-ci de se battre aux côtés d' »amis » qui « viennent des Marines, des États-Unis ». Tout comme il est facile de franchir la frontière entre être un fournisseur d’armes et être un combattant, il est facile de franchir la frontière entre mener une guerre par procuration et mener une guerre secrète.
De manière plus subtile, un pays essayant de mener une telle guerre risque d’être entraîné d’une implication partielle à une implication totale par la force du raisonnement moral. Peut-être que les responsables américains justifient l’exportation d’armes comme ils justifient leur budgétisation : c’est si puissant que c’est dissuasif. L’argent est bien dépensé parce qu’il achète la paix. Si des canons plus gros ne parviennent pas à dissuader, ils conduisent à de plus grandes guerres.
Une poignée de personnes sont mortes lors de la prise de contrôle russe de la Crimée en 2014. Mais cette fois-ci, égalée en armement – et même surpassée dans certains cas – la Russie est revenue à une guerre de bombardement qui ressemble plus à la Seconde Guerre mondiale.
Même si nous n’acceptons pas l’affirmation de M. Poutine selon laquelle l’armement américain de l’Ukraine est la première raison pour laquelle la guerre a eu lieu, c’est certainement la raison pour laquelle la guerre a pris la forme cinétique, explosive et meurtrière qu’elle a. Notre rôle à cet égard n’est ni passif ni accessoire. Nous avons donné aux Ukrainiens des raisons de croire qu’ils peuvent l’emporter dans une guerre d’escalade.
Des milliers d’Ukrainiens sont morts qui ne l’auraient probablement pas été si les États-Unis s’étaient tenus à l’écart. Cela peut naturellement créer chez les décideurs politiques américains un sentiment d’obligation morale et politique – de maintenir le cap, d’aggraver le conflit, de faire face à tout excès.
Les États-Unis se sont montrés non seulement susceptibles d’escalader, mais aussi enclins à le faire. En mars, M. Biden a invoqué Dieu avant d’insister sur le fait que M. Poutine « ne peut pas rester au pouvoir ». En avril, le secrétaire à la Défense Lloyd Austin a expliqué que les États-Unis cherchaient à « voir la Russie affaiblie ».
Noam Chomsky a mis en garde contre les incitations paradoxales de telles « déclarations héroïques » dans une interview d’avril. « Cela peut ressembler à des imitations de Winston Churchill, très excitantes », a-t-il déclaré. « Mais ce qu’ils traduisent, c’est : Détruisez l’Ukraine. »
Pour des raisons similaires, la suggestion de M. Biden que M. Poutine soit jugé pour crimes de guerre est un acte d’irresponsabilité consommée. L’accusation est si grave qu’une fois portée, elle décourage la retenue ; après tout, un dirigeant qui commet une atrocité n’est pas moins un criminel de guerre qu’un autre qui en commet mille. L’effet, intentionnel ou non, est d’interdire tout recours aux négociations de paix.
La situation sur le champ de bataille en Ukraine a évolué vers un stade délicat. La Russie et l’Ukraine ont subi de lourdes pertes. Mais chacun a aussi fait des gains. La Russie dispose d’un pont terrestre vers la Crimée et contrôle certaines des terres agricoles et des gisements énergétiques les plus fertiles d’Ukraine, et ces derniers jours, elle a maintenu l’élan du champ de bataille. L’Ukraine, après une solide défense de ses villes, peut s’attendre à un soutien, un savoir-faire et des armements supplémentaires de l’OTAN – une puissante incitation à ne pas mettre fin à la guerre de si tôt.
Mais si la guerre ne se termine pas bientôt, ses dangers augmenteront.
« Les négociations doivent commencer dans les deux prochains mois », a averti la semaine dernière Henry Kissinger, l’ancien secrétaire d’État américain, « avant que cela ne crée des bouleversements et des tensions qui ne seront pas facilement surmontés ». Appelant à un retour au statu quo ante bellum, il a ajouté : « Poursuivre la guerre au-delà de ce point ne concernerait pas la liberté de l’Ukraine mais une nouvelle guerre contre la Russie elle-même ».
En cela, M. Kissinger est sur la même longueur d’ondesque M. Guaino. « Faire des concessions à la Russie serait se soumettre à une agression », a averti M. Guaino. « N’en faire aucun serait se soumettre à la folie. »
Les États-Unis ne font aucune concession. Ce serait perdre la face. Il y a une élection à venir. Ainsi, l’administration ferme les voies de négociation et travaille à intensifier la guerre. Nous sommes là pour le gagner. Avec le temps, l’énorme importation d’armes meurtrières, y compris celles provenant de l’allocation de 40 milliards de dollars nouvellement autorisée, pourrait amener la guerre à un niveau différent. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a averti dans un discours aux étudiants ce mois-ci que les jours les plus sanglants de la guerre approchaient ».
Charles SANNAT
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Source The New York Times ici.