LE MISSILE DE CROISIERE NAVAL par Etienne MARCUZ
SOURCES : AEROPLANS
Le missile de croisière naval s'invite
Mardi, 15 Mars 2011 10:00
Aviation militaire
Analyse - En ce jeudi 10 mars 2011, le Centre d'Etudes Supérieures de la Marine (CESM) a convié plusieurs intervenants afin de débattre de l'emploi d'un nouvel équipement qui rejoindra dans quelques années les rangs de la Marine nationale, le Missile De Croisière Naval (MDCN). Ces invités n'étaient autres que des hauts gradés de la Marine, des ingénieurs de la DGA, des chercheurs d'instituts stratégiques français et anglais, mais également un ex-diplomate du Quai d'Orsay ainsi qu'un officier de l'US Navy. L'objectif de ce colloque était de tenter de répondre à la question "Le missile de croisière naval: quelles ruptures ?". Aeroplans a eu l'opportunité d'y assister et vous présente donc un résumé de cette demie journée des plus palpitantes.
Le débat fut ouvert par l'énoncé d'un cas d'école d'emploi du MDCN. Dans la nuit du 20 mars 2003, quarante missiles Tomahawks furent lancés contre divers objectifs dans Bagdad depuis plusieurs navires et sous-marins de l'US Navy et de la Royal Navy dans l'espoir de "décapiter" le régime irakien en la personne de Saddam Hussein. Même si cette opération fut un échec puisque le dictateur apparut quelques heures plus tard à la télévision, elle illustre une des multiples utilisations possibles du MDCN. Durant le reste du conflit, ce sont plus de 800 de ces missiles qui furent lancés depuis plusieurs plateformes telles que, comme cités précédemment, des navires ou des sous-marins, mais également des avions. Ce fut par ailleurs le premier fait d'armes du missile SCALP/STORM SHADOW, premier véritable missile de croisière européen, tiré à 27 exemplaires par les Tornado de la Royal Air Force, lui permettant d'obtenir le fameux statut "combat proven". Or, ce missile, qui équipe également l'Armée de l'air, n'est autre que la base de développement du futur MDCN français, nous y reviendrons plus tard.
Avant de se lancer plus en avant dans le sujet, il est nécessaire de définir ce qu'est un missile de croisière, ainsi que les différentes familles qui se regroupent sous cette appellation générique puis de faire un état des lieux de la dissémination de ce système d'arme dans le monde. Un prochain article sera spécifiquement dédié au MDCN français et à son futur emploi.
Une lignée vieille de près de 70 ans
L'ancêtre des missiles des croisière est généralement associé au V-1 que l'armée allemande employa en masse à la fin de la seconde guerre mondiale, notamment contre le Royaume Uni. Le missile, initialement décrit comme "bombe volante", était propulsé par un pulsoréacteur et était doté d'un système de guidage très basique consistant en un gyroscope et un compteur permettant de faire plonger le missile sur sa cible une fois que la distance (approximative) voulue était atteinte.
Sa portée était de 250km pour une précision de l'ordre de la dizaine de kilomètres. Bien évidemment, au fil des décennies les technologies ont nettement évoluées, permettant la mise au point de missiles de plus en plus précis, rapides et de plus longue portée.
Quelques informations sur les missiles de croisières
De nos jours, on estime à 80 000 le nombre de missiles de croisière en dotation dans 80 pays. Cependant, 90% d'entre eux sont des missiles antinavires modifiés auxquels on a donné une capacité d'action contre des cibles terrestres, aidés en cela par la diffusion de la technologie GPS. Ces missiles sont dits rustiques, c'est-à-dire ayant une portée inférieure à 300km, sont dotés d'une précision relativement faible de l'ordre de la dizaine de mètres et ne disposent pas de capacité de suivi de terrain, souvent indispensable à la pénétration des défenses anti-aériennes d'un territoire.
Pour les missiles de croisières plus sophistiqués, on distingue trois familles, classés en fonction de la portée. Un missile sera dit de courte portée si celle-ci est inférieure à 250km, de moyenne portée si elle est comprise entre 250 et 1000km et enfin de longue portée si elle est supérieure à 1000km. Les missiles peuvent également être différenciés selon leur vitesse, certains étant subsoniques quand d'autres seront super voir hypersoniques. Cependant, il faut généralement faire un compromis entre vitesse et portée, les technologies actuelles ne permettant pas de combiner les deux.
Un club très fermé
De nos jours, les pays étant capables de fabriquer des missiles de croisière en toute indépendance forment un club très restreint. Et ce club comporte encore moins de membres si on ne retient que les Etats en mesure de concevoir des missiles de croisière navals. Une fois n'est pas coutume, ce sont les Etats-Unis, suivis par l'URSS, qui ont longtemps dominés ce secteur. C'est en effet durant les années 70 que fut mis au point le fameux Tomahawk. Ce missile a depuis connu plusieurs versions et est désormais au block IV dit TACTOM. Il possède une portée supérieure à 1500km tout en ayant la capacité de "rôder" au dessus d'une zone afin de rechercher une cible potentielle et est doté d'une liaison de données lui permettant d'être reprogrammer en vol. Tout comme ses prédécesseurs, il a une capacité de suivi de terrain (TERPROM pour TERrain PROfil Matching) lui permettant de coller au relief lors de son trajet vers la cible afin d'éviter les radars adverses. Ce missile fut utilisé durant de nombreux conflits, que ce soit lors des deux guerres du Golfe, de la guerre du Kosovo ou en Afghanistan. Il est également en dotation dans la Royal Navy, qui l'emploi à partir de ses sous-marins Trafalgar. Les Etats-Unis ont par ailleurs modifié leur missile anti-navire Harpoon lui conférant une capacité anti-terre depuis la fin des années 90, et la proposent à l'export.
Autre grand constructeur de missiles de croisières navals, la Russie, qui a hérité des capacités de l'URSS. Afin de répondre à l'entrée en service du Tomahawk chez son ennemi idéologique, cette dernière s'est donc employée à mettre au point son propre MDCN à partir d'un missile de croisière aéroporté déjà existant, le Kh-55. Cette voie sera également retenue par la France. Ainsi est né le Rk-55 Granat, conçu initialement pour être armé d'une tête nucléaire et entré en service en 1987 sur les sous-marins soviétiques. Tout comme son pendant américain, il est doté d'une capacité TERPROM et vol en subsonique, pour une portée estimée à 3000km. Sa tête nucléaire aurait depuis été remplacée par une charge conventionnelle.
Une dissémination de la technologie dans le monde
Si ces deux pays font figures d'anciens dans le monde des MDCN, plusieurs pays tentent depuis quelques années de les rejoindre dans ce club fermé. C'est que CC. Lebas, du Pôle Etudes du CESM décrivit lors du colloque comme "dissémination mimétique", les puissances de second rang cherchant à se doter des mêmes instruments que les grandes puissances. C'est le cas notamment de l'Inde, qui a mis au point avec l'aide de la Russie le missile BrahMos, qui se distingue des missiles précédents par sa vitesse supersonique. Cela s'est cependant fait au détriment de sa portée qui atteint difficilement les 300km. Bien qu'il ait des capacités à traiter des cibles terrestres, sa mission principale reste la lutte anti-navire. Une version hypersonique nommée BrahMos II est en cours de développement. New-Dehli cherche également à développer un missile longue portée Nirbhay, cette fois-ci subsonique, pouvant être doté d'une charge nucléaire.
Si l'Inde développe ses propres missiles, son adversaire Pakistanais ne pouvait bien évidemment pas rester les bras croisés, développant lui aussi son missile de croisière nommé Haft 7 Babur, produit depuis 2005 et devant équipé les trois armées du pays. Islamabad se serait servi de carcasses de Tomahawk s'étant écrasés au cours de leur survol du Pakistan lors de frappes contre des camps d'entraînement d'Al Qaïda en 1998.
D'autres pays sont également en train de mettre au point leurs propres systèmes tirés depuis des plateformes navales, que ce soit la Chine (HN-2C de longue portée et C-602 de moyenne portée), la Corée du Sud (Cheon Ryong), Israël (Delilah SL et Popeye Turbo) ou Taïwan (HF-2E).
Le MTCR, outil de contrôle contre la prolifération
Cette véritable prolifération des missiles de croisière est en mesure d'affecter profondément les équilibres régionaux. De nombreux Etats, en plus de ceux cités précédemment, cherchent en effet à se doter de tels systèmes d'armes à même de mettre à mal certaines stratégies des puissances occidentales de par leur capacité à pénétrer leurs systèmes de défense aérienne, ceci en complément des missiles balistiques, la mise en œuvre de ces derniers étant nettement plus contraignante et fort peu discrète.
Afin de limiter les risques de prolifération, 34 Etats parmi lesquels les Etats-Unis, la France et la Russie ont mis en place en 1987 un Régime de Contrôle de la Technologie des Missiles (plus connu sous l'acronyme anglais MTCR). Celui-ci concerne aussi bien les missiles de croisière que les missiles balistique et " vise à freiner la prolifération des missiles, des véhicules aériens non pilotés et la technologie connexe pour les vecteurs d'une charge utile de 500 kilogrammes sur une distance d'au moins 300 kilomètres, ainsi que les vecteurs d'armes de destruction massive (ADM)" (source site du MTCR). Ce régime invite les Etats, membres ou non, à limiter les exportations de missiles ayant des caractéristiques supérieures à celles énoncées ci-dessus ou de composantes permettant la fabrication de tels missiles. Depuis sa création, il aurait permis de ralentir ou stopper de nombreux programmes d'armement. Certains industriels produisent des versions de leurs systèmes d'armes spécifiquement dédiées à l'export et donc bridées afin de respecter le MTCR. C'est le cas notamment du Russe KBM et de son missile balistique Iskander dont la version E possède une portée de 280km tandis que les versions destinées au marché intérieur peuvent atteindre 400 voir 500km.
Et la France dans tout ça ?
En France, le premier missile de croisière fut mis en service durant les années 80. Celui-ci était destiné à équiper les Forces Aériennes Stratégiques et était donc équipé d'une charge nucléaire. Il venait en complément des missi les stratégiques basés sur le plateau d'Albion ou à bord des SNLE de la Marine nationale. Son statoréacteur lui conférait une vitesse plus que bi-sonique pour une portée de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de kilomètres suivant le profil de vol choisi.
Cependant, c'est durant les 90 que fut développé le premier missile de croisière conventionnel français, l'Apache, en service depuis 2001 sous les Mirage 2000D de l'Armée de l'air. Bien que trop spécialisé puisque uniquement dédié à la destruction des pistes des aérodromes au moyen de dix sous-munitions, il aura permis de valider de nombreuses technologies telles que la forme aérodynamique furtive du missile ou le turbopropulseur. Ces technologies furent ensuite d'une indéniable utilité lors du développement de son petit frère, le SCALP-EG (Système de croisière Conventionnel Autonome à Longue Portée - Emploi Général) développé par MBDA. Contrairement à son prédécesseur, il est équipé d'une charge conventionnelle unitaire en tandem de 400kg à même de traiter des objectifs durcis tels que des centres de commandement, des bunkers ou autres structures enfouies. Doté d'une portée estimée à 400km, il est guidé par une centrale inertielle pouvant être recalée par GPS tout en ayant un profil de vol à basse altitude TERPROM. Le guidage final est assuré par un imageur infrarouge lui proférant une précision métrique, certains essais montrant le missile pénétrant par une fenêtre. Ce missile fut développer en partenariat avec le Royaume-Uni qui lui donna le nom de Storm Shadow et qui fut le premier à l'utiliser en conditions opérationnelles. Les résultats se seraient révélés particulièrement convaincants.
Comme nous l'avions dit précédemment, le SCALP-EG a à son tour servi de base au futur MDCN voulu par la Marine nationale. Dans un prochain article, nous verrons comment MBDA a modifié son missile afin de répondre aux besoins très exigeants en termes technologiques de son client et comment la France entend se servir de ce nouvel outil qui viendra compléter un panel déjà large de moyens d'actions.
Mardi, 22 Mars 2011 10:00
Aviation militaire
Analyse - Après avoir fait l'état des lieux des missiles de croisière dans le monde dans un article précédent, nous allons désormais nous pencher plus spécifiquement sur la mise en service prochaine de ces armes dans la Marine nationale, plus précisément depuis ses navires et ses sous-marins. En effet, tout comme l'Armée de l'air, la Marine met déjà en œuvre la version aéroportée du missile SCALP, tirée depuis les Rafale F3 embarqués sur le porte-avions Charles-De-Gaulle. Comme nous allons le voir, le MDCN aura un rôle complémentaire de celui du SCALP-EG du fait de caractéristiques mais aussi d'un concept d'emploi parfois très différents.
Une version profondément modifiée pour répondre à de nouveaux besoins
Afin de répondre aux attentes de la Marine nationale, MBDA a dû modifier profondément ce missile connu Outre-Manche sous le nom Storm Shadow. La principale différence concerne la portée. En effet, alors que la version aéroportée n'est créditée "que" d'environ 400km de portée, la version marine sera quant à elle apte à frapper des cibles distantes de plus de 1000km. Bien évidemment, ce gain de 150% de portée a dû se faire au détriment de quelque chose. C'est donc la charge militaire du missile qui a été sacrifiée, perdant 150kg, pour être ramenée à 250kg. Ainsi, contrairement au SCALP-EG dont la charge en tandem lui conférait des fortes capacités de pénétration, le MDCN ne sera pas en mesure de traiter des objectifs dits durcis tels que des bunkers ou des sites enterrés. C'est une des raisons pour lesquelles les deux missiles seront complémentaires, l'un étant dédié aux cibles citées précédemment tandis que l'autre sera destiné aux objectifs plus "fragiles" comme les radars fixes, les dépôts de carburants ou les bases aériennes. Cependant, les deux missiles garderont comme caractéristiques communes les moyens de guidage en phases de croisière au moyen d'une centrale inertielle très précise pouvant au besoin être recalée par GPS (et possiblement plus tard par Galileo) avec une fonction de suivi de terrain TERPROM. Le guidage terminal se fera quant à lui grâce à l'imageur infrarouge présent dans le "nez" du missile.
Deux plates-formes de lancement
Deuxième différence notable, et sûrement la plus visible, celle affectant la forme du missile, qui deviendra cylindrique, ceci dans le but de pouvoir mettre en œuvre le MDCN sur les deux plates-formes destinées à l'accueillir, les Frégates Multi-Missions (FREMM) et les sous-marins nucléaires d'attaques (SNA) Barracuda. Ces deux programmes sont actuellement en cours de développement et la mise en service de missiles de croisière sur ces vaisseaux devrait intervenir en 2014 pour les FREMM et en 2017 pour les SNA. Dans les cas des frégates, la munition sera stockée dans un Conteneur de Tir Vertical (CTV), lui même installé dans les tubes de lancements verticaux Sylver 70. Chaque frégate sera ainsi équipée, en théorie, de 16 MDCN. La propulsion du missile ne pouvant assurer l'impulsion nécessaire à la sortir du tube, un booster lui a été adjoint, formant ainsi ce qu'on appelle le composite (missile + booster). Ce booster sera éjecté une fois que le missile aura atteint la vitesse nécessaire au démarrage de son turboréacteur, les ailes et l'entrée d'air de celui-ci se déployant à ce moment.
Le lancement depuis un SNA se révèle encore plus complexe. Cette fois-ci, le composite ne sera plus dans un CTV mais sera encapsulé dans une structure le protégeant lors de son transit sous l'eau. Ainsi, après avoir été tiré depuis un des tubes lance-armes du SNA, le missile remontera à la surface dans sa capsule tout en étant propulsé par le booster. Une fois en surface, le composite s'éjectera de la structure et poursuivra son accélération, pour ensuite adopter un comportement similaire à la variante tirée depuis une FREMM. La dotation de chaque SNA en MDCN variera en fonction de la mission qui lui sera assignée, un compromis devant être fait entre torpilles, MDCN et missiles antinavires.
Il est un point qu'il ne nous est possible de préciser, à quel point le passage a une forme cylindrique affecte-il la furtivité du missile ? En effet, le SCALP-EG avait été spécifiquement conçu pour avoir une forme lui assurant une certaine discrétion vis-à-vis des radars adverses, lui facilitant ainsi le vol jusqu'à son objectif. Hors, la forme cylindrique n'est pas spécialement connue pour ses vertus furtives. Ainsi, il est possible que la mise en œuvre depuis des plates-formes navales n'ait été permise qu'en abandonnant la furtivité du missile.
Une arme de haute valeur
Avant de passer au concept d'emploi du MDCN, il est nécessaire de préciser que les missiles de croisières sont en France des armes dites stratégiques, c'est-à-dire que leur emploi est du ressort des autorités politiques. Toute utilisation d'un SCALP-EG ou d'un MDCN nécessitera donc l'accord du Président de la République, qui se verra présenter par le Chef d'Etat Major des Armées un dossier contenant les cibles potentielles en cas de conflit. La nature stratégique du missile implique que celui-ci soit utilisé contre des cibles de haute valeur constituant les centres gravités de l'Etat adverse. Ceux-ci peuvent être les centres décisionnels politiques ou militaires, les grands sites industriels ou encore des objectifs militaires d'importance (radars, centres de contrôle de la défense aérienne,...). Autre raison de limiter l'usage des missiles de croisières, leur coût, estimé à plusieurs millions d'euros, qui en fait des armes précieuses puisque commandées en nombre relativement limité, 150 en version FREMM et 50 en version Barracuda. Le coût du programme MDCN, développement compris, devrait être de l'ordre d'un millard d'euros.
La Marine en recherche de concept d'emploi
Pour la Marine nationale, la mise en œuvre de missiles de croisières depuis des plates-formes navales est une nouveauté. Elle s'est donc logiquement plongée dans une profonde réflexion quant au futur concept d'emploi du MDCN. Afin de pallier son manque d'expérience dans le domaine, elle s'appuie notamment sur les retours d'expériences de l'US Navy et de la Royal Navy (RN) qui emploient de tels missiles depuis maintenant plus de vingt ans. Cependant, la Marine française ne pourra complètement copier les doctrines américaines ou britanniques car elle se situera entre les deux. En effet, contrairement à son homologue française, la marine britannique a décidé de commander des lots de 65 missiles Tomahawk d'origine américaine et de n'en équiper que ses sous-marins, tout comme elle l'avait fait en choisissant les missiles balistiques Trident II D5 comme vecteurs de ses armes nucléaires. Bien que ceci fut un avantage durant l'opération Iraqi Freedom en 2003, les sous-marins de la RN s'étant réapprovisionnés deux fois gratuitement auprès des ravitailleurs américains après avoir tirés l'ensemble de leurs missiles, ils ne sont pas en mesure de tirer indépendamment leurs propres Tomahawks. En effet, le Royaume-Uni ne dispose pas de satellites de reconnaissance. Ceux-ci sont pourtant nécessaires afin de pouvoir identifier les cibles et d'en extraire les coordonnées, de reconnaître le trajet pour le système de suivi de terrain ainsi qu'éventuellement de modéliser la cible en 3D pour le guidage final. Ainsi, les autorités britanniques sont parties du principe que leur allié américain sera toujours disposé à fournir toutes les données nécessaires à un tir de missile Tomahawk, oubliant donc la leçon de la crise de Suez en 1956.
D'un autre côté, la Marine française ne dispose pas des mêmes moyens que son homologue outre-Atlantique. En effet, l'énorme budget de l'US Navy lui a permis de passer commande de plusieurs milliers de missiles de croisière, faisant baisser leur coût unitaire par effet de série. Actuellement, le coût d'un Tomahawk est estimé à quelques centaines de milliers de dollars, permettant ainsi aux militaires américains d'utiliser leurs MDCN sur des cibles de moindre valeur et à un niveau tactique. C'est ainsi que plusieurs missiles furent utilisés contre des camps d'entraînement d'Al Qaïda en Afghanistan, cibles de faible valeur aussi bien financière que militaire, qui plus est avec un résultat pour le moins douteux. Cet emploi à grande échelle du missile de croisière naval a atteint son apogée avec l'avènement du concept de guerre "zéro mort" ou "low profile" durant les années 90, les décideurs politiques américains privilégiant alors l'emploi de ce système d'armes au coût humain et politique faible.
Des scénarios d'emploi multiples
Si elle cherche à s'appuyer sur les retours d'expériences américains et britanniques, la Marine nationale s'emploie à développer son propre concept d'utilisation du MDCN. Ainsi, durant le colloque organisé par le Centre d'Etudes Supérieures de la Marine, plusieurs intervenants ont, tour à tour, apporté leur propre pierre à l'édifice, que ce soit du point de vue opérationnel, politique ou diplomatique. Avant toute chose, tous se sont accordés à dire que la mise en œuvre du MDCN doit impliquer une maîtrise complète de la chaîne de commandement, qui va des décideurs politiques jusqu'au marin en charge du tir, en passant par les spécialistes du renseignement, des transmissions ou encore de la situation géopolitique des zones de crises, afin d'alimenter en permanence une base de donnée des cibles éventuelles.
Cette chaîne n'est pas sans rappeler celle mise en œuvre pour l'arme nucléaire, qui est l'arme stratégique par excellence. C'est un autre point sur lequel les intervenants sont parvenus à un consensus, le MDCN constituera un complément à la dissuasion nucléaire et non un possible substitut. En effet, outre son caractère employable (l'arme nucléaire étant par définition une arme de non-emploi) la possibilité d'équiper des bâtiments de surface ou des sous-marins avec des missiles de croisière longue portée confère à ceux-ci une forte capacité dissuasive. Il est estimé que 80% des centres de décisions dans le monde sont à moins de 500km des côtés et que seuls deux Etats seraient hors de portée du MDCN. Ainsi, un navire posté au large des côtes d'un pays ferait peser sur ses dirigeants une menace constante, limitant par conséquent leur pouvoir d'action. Les FREMM et les SNA seront également complémentaires, l'un, de par sa visibilité assurant une capacité de "gesticulation" en cas de crise et pouvant montrer la détermination de la France, l'autre, de par sa discrétion et sa quasi indétectabilité, plongeant l'ennemi dans l'incertitude et dans la crainte d'une attaque foudroyante. Certains intervenants ont cependant entrevu un possible problème à cette utilisation dissuasive du MDCN, qui pourrait entraîner une crispation des dirigeants de l'Etat menacé, qui seraient alors plus prompts à réagir.
Ainsi, les possibilités d'utilisation du MDCN sont multiples, que ce soit dans le cadre de frappes ponctuelles ou préemptives, d'une opération de coercition, ou encore durant toutes les phases d'un conflit de moyenne ou haute intensité, notamment durant le premier jour lorsque la menace que font peser les défenses anti-aériennes est encore trop forte pour l'aviation pilotée.
Le déroulement d'une mission MDCN
Pour clore cet article sur l'introduction du missile de croisière à bord des vaisseaux de la Marine nationale, nous pouvons imaginer quel serait dans les grandes lignes le déroulement d'une mission MDCN, à l'image de ce qui fut fait lors du colloque au CESM.
Nous imaginerons donc que les dirigeants politiques souhaitent mener une frappe ponctuelle, par exemple en rétorsion à un acte hostile. Après s'être fait présenter par le CEMA la liste des cibles potentielles, le Chef de l'Etat choisit la plus adaptée à la mesure de rétorsion. Commencent alors plusieurs manœuvres simultanées. Si aucun navire n'est dans une zone favorable au lancement d'un MDCN, ordre est donné au plus proche de rejoindre une position de tir. Pendant ce temps, un dossier d'objectif (DO) sera préparé. Ceci peut-être effectué en métropole, sur le porte-avions Charles-De-Gaulle, sur un Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC) ou encore sur la plate-forme elle-même. Cependant l'équipage composant cette dernière étant restreint, elle ne dispose pas de spécialistes dédiés aux missions MDCN, c'est pourquoi le DO n'y sera généralement pas préparé à bord. Afin d'avoir un DO complet, il est nécessaire de disposer des coordonnées de la cible, de son éventuelle modélisation 3D (non nécessaire si le tir est juste une démonstration de force), ainsi que de la reconnaissance du trajet à parcourir. Une fois le DO prêt, il est envoyé par transmission satellite à l'effecteur, c'est-à-dire au sous-marin ou à la FREMM, qui procédera au tir. Un ou plusieurs missiles peuvent être tirés sur la même cible, avec des parcours différents tout en atteignant la cible simultanément. Après avoir parcouru le trajet terrestre à basse altitude en utilisant sa centrale inertielle et si besoin le système GPS (il peut toutefois fonctionner sans, s'assurant ainsi une indépendance vis-à-vis des Etats-Unis), le missile arrivera en vue de la cible. La partie avant sera éjectée afin de permettre à l'imageur infrarouge de rechercher la cible. Si il ne la trouve pas, le missile sera automatiquement dérouté pour éviter d'éventuels dommages collatéraux. Si la cible est détectée, elle sera traitée. La mission se terminera une fois l'évaluation des dégâts effectuée, afin de déterminer si un deuxième tir est nécessaire ou non.
Selon que les cibles aient été repérées à l'avance ou non, que le navire soit déjà en position ou non et en fonction du temps de passage d'un satellite de reconnaissance au-dessus de la cible, il peut s'écouler de quelques minutes à plusieurs heures entre la prise de décision et le tir effectif.
Nous l'avons donc vu, la Marine nationale est en passe de se doter d'un système d'arme très performant à même de lui offrir de nouvelles possibilités d'actions et de lui conférer, de par sa présence sur tous les océans du globe, un nouveau rôle de dissuasion conventionnelle à l'échelle mondiale qui n'est l'apanage que de quelques Etats dans le monde, voir actuellement d'un seul, les Etats-Unis. Il sera désormais du ressort du pouvoir exécutif d'en faire bon usage et d'en tirer pleinement les avantages.
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La guerre en Libye coûte à l’Italie
jeudi 28 avril 2011, par Comité Valmy
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article1421
Les premières données, partielles seulement, donnent une idée de ce que la guerre en Libye coûte à l’Italie (chiffres à convertir pour chaque pays allié…à la dépense, NdT). A partir d’une comparaison avec les coûts des autres pays, ceux des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, qui sont parmi les plus documentés et rendus publics. Le secrétaire de l’U.S. Air Force, Michael Donley, calcule que dix jours de guerre aérienne, du 19 au 28 mars, avec l’utilisation de 50 chasseurs-bombardiers et 40 avions d’appui, ont coûté aux Etats-Unis environ 550 millions de dollars (375 millions d’euros). Depuis, le 31 mars, qu’a commencé l’opération OTAN « Unified Protector » et que l’engagement étasunien a diminué, le coût est tombé (pour les USA, NdT) à environ 40 millions de dollars (27 millions d’euros) mensuels. Auquel il faudra ajouter celui, non encore quantifié, des forces navales.
La Grande-Bretagne a dépensé pour la guerre 100 millions d’euros en en mois. L’Italie, selon des estimations par défaut, a dépensé, pour l’engagement de 12 avions, plus de 45 millions d’euros en un mois. Avec l’engagement qu’elle vient juste d’accroître, ce chiffre sera peut-être doublé. Cela dépendra du nombre de missiles que les Tornado lanceront : un Storm Shadow (ombre de la tempête… NdT) coûte plus de 250mille euros. Et garder cinq navires de guerre devant les côtes libyennes coûte plus de 10 millions d’euros par mois. On arrive ainsi à environ 100 millions d’euros mensuels (pour l’Italie, NdT).
L’équivalent, en deniers publics, des salaires annuels bruts de 4.000 enseignants.
Edition de jeudi 28 avril de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20110428/manip2pg/03/manip2pz/302214/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio